Plaignant
Une plaignante
Mis en cause
L’Eclaireur-Progrès
[Saint-Georges-de-Beauce], CJVL-AM [NTR, Sainte-Marie-de-Beauce] et M. Pier
Dutil (rédacteur en chef, L’Eclaireur-Progrès [Saint-Georges-de-Beauce],
correspondant, CJVL-AM [NTR, Sainte-Marie-de-Beauce])
Représentant du mis en cause
M. Yvon Roy (président,
L’Eclaireur-Progrès [Saint-Georges-de-Beauce]) et M. Pierre Grégoire (chef de
nouvelles, CJVL-AM [NTR, Sainte-Marie-de-Beauce])
Résumé de la plainte
Le rédacteur en
chef de L’Eclaireur-Progrès, M. Pier Dutil, relate les circonstances du suicide
du mari de la plaignante dans un article paru le 12 mars 1975. De plus, le
journal accentue cette nouvelle en la publiant sur un fond sombre et en
l’accompagnant d’un titre inacceptable. M. Dutil, qui agit comme correspondant
de CJVL, fait diffuser la même nouvelle sur les ondes de cette station.
Griefs du plaignant
Une personne de
St-Georges-de-Beauce dénonçait auprès du Conseil de presse du Québec, comme un
manquement grave à l’éthique professionnelle, l’attitude du rédacteur en chef
du journal L’Eclaireur-Progrès qui, dans un article, paru sous sa signature
dans l’édition du 12 mars 1975 de ce journal, relatait les circonstances du
décès de son mari. Elle déplorait de plus que le journal ait mis en relief
cette nouvelle en la publiant sur fond sombre et en l’accompagnant d’un titre,
selon elle, inacceptable. Elle faisait enfin grief au journaliste d’avoir, à
titre de correspondant de la station de radio CJVL de Ste-Marie-de-Beauce, fait
diffuser la même nouvelle sur les ondes de cette station.
Analyse
Sur la base de ces faits, des informations obtenues par le Conseil et des explications fournies par le rédacteur en chef et le président de L’Eclaireur-Progrès, ainsi que par le chef de nouvelles de CJVL, le Conseil en arrive aux conclusions suivantes:
Le Conseil de presse juge répréhensible le geste posé par le rédacteur en chef du journal L’Eclaireur-Progrès et blâme le journal d’en avoir permis la publication. Le Conseil juge, en outre, répréhensible la façon dont cette publication fut faite.
Le Conseil croit que le comportement du rédacteur en chef du journal constitue un manquement sérieux à l’éthique du journalisme en ce qu’il contrevient au droit de la personne au respect du deuil des proches, à la protection et au respect de l’intimité de la vie privée.
Le Conseil base sa conclusion sur les considérations suivantes:
– le rédacteur en chef n’a pas agi avec la circonspection nécessaire et n’a pas mesuré toutes les conséquences déplorables que la publication des circonstances de l’événement rapporté pouvait avoir pour les personnes éprouvées, en particulier dans un milieu où les liens de parenté et de connaissances sont nombreux;
– il n’a pas exercé tout le discernement que lui imposait la distinction qui doit être faite entre les notions «d’intérêt public» et celles de «curiosité publique»;
– il a commis un manquement à la discrétion professionnelle en faisant connaître le contenu d’une lettre laissée par le défunt à l’adresse de ses proches parents, lettre qui n’était pas destinée au public;
– il a, du point de vue professionnel, commis, dans cet article, une erreur, en tirant prématurément de l’événement des conclusions qui sont avant tout du ressort des autorités judiciaires.
Au surplus, le Conseil considère que le titre de l’article est inacceptable parce qu’il fait appel au sensationnalisme.
Le Conseil déplore que, dans des circonstances comme celles qui ont fait l’objet de la présente plainte, on confonde souvent la notion «d’intérêt public» avec celle de «curiosité publique». Le Conseil considère qu’il est du devoir des journalistes de faire les distinctions qui s’imposent entre les deux notions et ceci surtout en regard des conséquences qui peuvent en résulter pour les personnes concernées.
Le Conseil croit que si des événements de la sorte peuvent, dans des circonstances particulières, contenir certains éléments d’intérêt public, le rapport qu’en font les journaux doit être fait avec grande prudence et grand discernement surtout lorsqu’il s’agit d’une presse régionale ou locale qui opère dans un milieu où les gens pour la plupart se connaissent et où des événements de cette nature prennent un relief qu’ils n’ont pas habituellement dans les grandes régions urbaines.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C16D Publication d’informations privées