Plaignant
M. Michel
Duchesneau (sous-ministre, ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche
du Québec)
Mis en cause
Montréal-Matin
et M. Jean Pagé (chroniqueur)
Résumé de la plainte
Entre le 11 août
et le 2 octobre 1976, Montréal-Matin publie, dans la chronique «Chasse et
pêche», une série d’articles portant sur le recrutement d’un directeur du
Service de la conservation de la faune. Ces articles, signés par le journaliste
Jean Pagé, traitent de manière partiale des activités du ministère du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche, en plus de porter atteinte à la réputation du
plaignant et à celle d’autres fonctionnaires.
Griefs du plaignant
Le sous-ministre
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, M. Michel Duchesneau, dénonçait,
auprès du Conseil de presse, le contenu d’une série d’articles concernant un
concours de recrutement de la fonction publique du Québec pour combler le poste
de directeur du service de la conservation de la faune, parus, sous la
signature du journaliste Jean Pagé, dans les éditions des 11 août, 3, 10 et 16
septembre, 1er et 2 octobre 1976 du journal Montréal-Matin.
Selon M.
Duchesneau, la façon empruntée par le journaliste Jean Pagé, pour faire état,
dans les articles en question, des activités du ministère dont il est un
principal responsable, constituait une atteinte au droit du public à
l’information complète et honnête.
En outre de
reprocher au journaliste de rapporter d’une façon biaisée et partisane les faits
entourant notamment le concours de recrutement en question, au gré de ses
hypothèses et ou de celles des personnes dont il se faisait le porte-parole, M.
Duchesneau faisait grief à M. Jean Pagé des attaques personnelles répétées à
son endroit et à celui d’autres fonctionnaires du ministère portant atteinte à
leur réputation, à l’intégrité de leurs fonctions de même qu’à leur crédibilité
auprès de l’opinion publique.
Enfin, le
plaignant dénonçait le ton des articles ainsi que l’utilisation, par le journaliste
et, par le journal dans ses titres, de termes injurieux propres à discréditer
les personnes dans l’exercice de leurs fonctions.
Reconnaissant au
journaliste le droit de critiquer les politiques de son ministère, le
sous-ministre demandait au Conseil de presse de se prononcer sur les normes qui
doivent guider ceux qui, dans le monde de l’information, sont chargés de
surveiller l’administration publique pour que tout en s’acquittant de leur
tâche, ils ne portent pas atteinte à l’honneur et à la réputation des
administrateurs dont ils ne partagent pas les vues et, faire en sorte que leurs
investigations et leur vigilance ne se confondent pas avec une attaque
systématique des personnes qui exercent des charges publiques.
Analyse
Le Conseil de presse suite à un examen minutieux du dossier qui lui a été confié et après avoir entendu le témoignage des parties en cause en est arrivé aux conclusions suivantes:
Le Conseil est d’avis que la chronique de «Chasse et Pêche» que tient M. Jean Pagé, dans les pages du journal Montréal-Matin, laquelle tient à la fois de l’éditorial ou du commentaire et du reportage d’information lui permet d’adopter un ton de polémiste pour prendre les partis qu’il juge à propos sur les idées, les personnes ou les groupes. Le Conseil reconnaît que la fonction de chroniqueur permet au journaliste une grande latitude dans la formulation de ses jugements et l’expression de ses prises de position.
Le Conseil considère toutefois que la fonction de chroniqueur de même que la façon de l’exercer ne sauraient contrevenir aux exigences qu’impose la vérité des faits non plus que ses critiques, ses prises de position ou ses jugements à celles de l’honnêteté qu’impose au journaliste, soucieux des exigences de sa responsabilité professionnelle, le devoir d’informer adéquatement le public en pleine connaissance du sujet dont il traite.
Selon le Conseil, le journaliste doit redoubler de circonspection et de mesure lorsqu’en plus de porter sur le bien-fondé des politiques ou des décisions gouvernementales ou de tout autre organisme à caractère public, ses critiques s’étendent aux personnes qui en sont responsables ou qui sont chargées de leur application.
Dans le présent cas, il est apparu au Conseil que M. Jean Pagé a manqué de rigueur professionnelle en ne vérifiant pas suffisamment les faits qui ont servi de base à ses jugements sur les personnes et notamment sur M. Duchesneau, se contentant de la version des faits de ceux pour qui il prenait parti ou qui étaient favorables à ses opinions. Cette lacune, selon le Conseil, a eu comme effet de ne présenter qu’une vue partielle et partiale du sujet traité sans qu’il ne fut possible aux lecteurs du journal Montréal-Matin de porter, en toute connaissance de cause, un jugement éclairé.
Le Conseil considère en outre que dans la façon d’exprimer ses propos, par le choix notamment des épithètes utilisés pour qualifier le sous-ministre et ses actions, M. Jean Pagé a atteint une démesure susceptible de jeter le discrédit sur ce fonctionnaire ainsi que de nuire à son intégrité et à sa réputation.
Le Conseil considère aussi qu’en publiant des chroniques de la nature et de la teneur de celles qui font l’objet du présent cas, le journal Montréal-Matin devrait redoubler de vigilance tant en ce qui a trait à leur disposition qu’au choix des titres qui les coiffent et ceci, surtout, lorsque le journal n’offre pas, en ses pages, d’autres informations sur les sujets traités.
Le Conseil, à cet égard, est d’avis qu’un organe d’information ne saurait se contenter d’informer le public uniquement par le truchement de telles chroniques mais devrait avoir le souci de lui fournir tous les faits lui permettant de se faire une idée aussi juste que possible du sujet. Une telle façon de procéder serait, au sens du Conseil, plus conforme au droit du public à une information juste et complète.
Analyse de la décision
- C01D Opinion sans couverture préalable
- C03D Emplacement/visibilité de l’information
- C13A Partialité
- C17E Attaques personnelles