Plaignant
M. Jean Simoneau
(collaborateur, CINQ-FM (Radio Centre-ville) [Montréal]) et M. Gilles Laflamme
(collaborateur, CINQ-FM (Radio Centre-ville) [Montréal])
Mis en cause
CINQ-FM (Radio
Centre-ville) [Montréal]
Résumé de la plainte
Durant la
campagne électorale de 1976, la direction de CINQ-FM pose un geste de censure
politique en interdisant la diffusion d’une émission du programme «Derrière le
micro», animée par le collaborateur Gilles Laflamme, en raison de son contenu
pro-péquiste. Elle empêche également la diffusion d’une série d’émissions
intitulée «Le Tribunal de la répression sexuelle». L’ensemble des journaux
montréalais, à l’exception du Montréal-Matin, ignorent le communiqué qui
dénonce la station CINQ-FM, entravant ainsi le droit du public à une
information complète. Finalement, par mesure de représailles, la direction de
CINQ-FM met fin à la collaboration de M. Laflamme à la suite du dépôt de la
présente plainte devant le Conseil de presse du Québec.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
complété l’étude du dossier ci-haut mentionné que, conjointement avec M. Gilles
Laflamme, vous portiez à son attention.
Dans ce dossier,
vous dénonciez comme contraire à la liberté de la presse et à la liberté
d’expression de ceux qui, à cette station, sont chargés de transmettre
l’information, l’attitude de la direction de la station CINQ-FM puisqu’elle
avait, selon vous, comme effet de subordonner l’information à une idéologie
particulière.
Plus
particulièrement, vous reprochiez à la direction de cette station le geste
considéré par vous comme de la «censure politique» pour l’interdiction qu’elle
faisait, au cours de la dernière campagne électorale au Québec, de diffuser une
émission du programme «Derrière le Micro», alors animé par M. Gilles Laflamme,
en raison de son contenu pro-péquiste.
Vous demandiez
au Conseil d’intervenir auprès de la direction de la station afin que celle-ci
permette la diffusion de ladite émission ainsi que celle d’une série intitulée
«Le Tribunal de la répression sexuelle» que vous y annonciez.
Vous reprochiez
de même à l’ensemble des journaux montréalais, sauf Montréal-Matin, d’avoir
ignoré le communiqué que vous rendiez public concernant la situation que vous
dénonciez, ce qui, selon vous, comportait une entrave au droit fondamental de
la population à une information complète.
Enfin, en cours
d’étude du dossier par le Conseil, vous informiez ce dernier que suite à votre
plainte devant lui la direction de CINQ-FM avait, par mesure de représailles,
cessé de recourir aux services de M. Gilles Laflamme comme collaborateur. Vous
demandiez au Conseil d’intervenir auprès de la direction afin que M. Laflamme
puisse réintégrer ses fonctions.
Analyse
Suite à un examen attentif des documents que vous avez fait tenir au Conseil de même qu’à la lumière des rencontres que les responsables de son secrétariat ont eues soit avec vous et M. Gilles Laflamme, soit avec les responsables de CINQ-FM, le Conseil en arrive aux conclusions suivantes:
Le Conseil estime que le refus de la direction de CINQ-FM de diffuser l’émission en question ne peut être interprété comme un geste de «censure» inspiré par des motifs d’ordre idéologique ou politique, non plus qu’il n’est la manifestation d’un abus d’autorité ayant pour conséquence l’interdiction délibérée de fournir au public une information à laquelle il avait droit.
Le Conseil retient d’une part les explications que lui ont fournies les responsables de CINQ-FM à l’effet qu’ils ont retenu la diffusion de l’émission en question pour ses faiblesses de contenu plutôt que pour son contenu politique.
A cet égard, considérant qu’elle engage la responsabilité rédactionnelle des organes d’information qui la diffusent, qu’ils soient à caractère communautaire ou autres, le Conseil considère comme légitime que l’information puisse avoir à répondre à certains critères de contenu, pourvu qu’ils s’inspirent des exigences qu’ont envers le public les organes d’information et que leur impose l’exercice responsable de leur fonction d’informer.
Dans le cas de l’émission en question de même qu’en ce qui concerne la série «Le Tribunal de la répression sexuelle», l’exercice, par la direction de CINQ-FM, de sa discrétion rédactionnelle n’est pas apparu au Conseil comme préjudiciable au droit du public à une information complète et équilibrée. D’une façon générale, la station CINQ-FM a démontré au Conseil qu’elle a consacré régulièrement ses ondes à des informations sur différents aspects des questions qui intéressent la communauté qu’elle dessert, ceci incluant des sujets comme ceux contenus dans l’émission qui fut refusée ainsi que les thèmes se rapportant à l’homosexualité.
Le Conseil a pu en outre se rendre compte que par sa programmation, au cours de la dernière campagne électorale, CINQ-FM s’est efforcée de représenter équitablement l’expression des divers points de vue sur ses ondes, notamment par la diffusion de cinq tables rondes à laquelle elle avait convié tous les candidats en lice.
En ce qui concerne l’intervention que vous réclamiez du Conseil auprès de CINQ-FM afin de l’engager à diffuser l’émission en question ainsi que la série «Le Tribunal de la dépression sexuelle», il ne relève pas de la compétence du Conseil d’imposer quoi que ce soit, les décisions à cet égard relevant de l’autorité rédactionnelle et des jugements qu’il appartient exclusivement aux organes d’information de poser en ce qui a trait au choix de la matière à traiter et à l’importance qu’ils décident de lui accorder. Pour ces mêmes motifs qu’il rejette votre plainte à cet égard, il rejette votre grief à l’égard de l’ensemble des journaux montréalais qui ont ignoré votre communiqué public.
Le Conseil a aussi retenu le motif invoqué par la direction de la station à l’effet qu’elle a retenu la diffusion de l’émission en question parce que vous n’avez pas, de même que M. Gilles Laflamme, respecté le processus d’accès aux ondes établi à la station.
Cependant, le Conseil regrette que, dans les circonstances, la direction n’ait pas fait un effort supplémentaire pour réclamer les changements qu’elle croyait appropriés à l’émission en question, plutôt que de la refuser catégoriquement.
D’autre part, s’il estime normal que les personnes et les groupes invités à s’exprimer dans les organes d’information à caractère communautaire doivent se conformer à un processus d’accès aux ondes pré-établi, le Conseil regrette que celui-ci à CINQ-FM recèle des ambiguïtés qui donnent lieu à des difficultés d’interprétation, tant en ce qui a trait à l’élaboration des projets d’émission qu’à la définition du rôle et des fonctions des collaborateurs. Le Conseil est d’avis qu’en vue d’éviter de telles situations, la direction de CINQ-FM aurait avantage à préciser les règles régissant ses projets d’émission de même que le processus d’accès aux ondes.
Enfin, bien qu’il ne relève pas de la compétence du Conseil de forcer la réintégration au rang des collaborateurs de CINQ-FM de M. Gilles Laflamme, le Conseil déplore que, dans les circonstances, la direction de CINQ-FM n’ait pas, face à ce problème, apporté toute la considération à laquelle on pouvait s’attendre vis-à-vis un collaborateur dont les services avaient, jusque là, été appréciés.
Analyse de la décision
- C06G Ingérence de la direction du média
- C06I Congédiement d’un journaliste
- C08A Choix des textes
- C24D Hors mandat
Date de l’appel
18 November 1977
Appelant
M. Jean Simoneau
(collaborateur, CINQ-FM (Radio Centre-ville) [Montréal])
Décision en appel
Le 9 septembre
1977, M. Jean Simoneau logeait appel de la décision rendue par le Comité
permanent des cas du Conseil de presse, le 15 août précédent, dans le dossier
ci-haut mentionné. Cet appel, conformément aux règlements du Conseil, fut
considéré par les membres réunis en assemblée plénière le 4 novembre dernier.
Bien que
rejetant l’ensemble des motifs d’appel invoqués et maintenant la décision
rendue par le Comité permanent des cas, les membres du Conseil ont cependant
retenu le motif afférent au renvoi de M. Gilles Laflamme comme collaborateur de
CINQ-FM.
A ce sujet, et
bien qu’il ne relève pas de la compétence du Conseil de forcer la réintégration
des collaborateurs des organes d’information et alors qu’en première instance
le Comité des cas s’était limité à déplorer que, dans les circonstances de la
plainte, la direction de CINQ-FM n’ait pas apporté toute la considération à
laquelle on pouvait s’attendre d’elle vis-à-vis un collaborateur dont les
services avaient jusque là été appréciés, les membres du Conseil, révisant leur
décision sur ce point, en arrivent à la conclusion suivante:
Etant donné que
ce renvoi est directement relié, comme l’invoquait le plaignant et tel que ce
fut admis par vous, au fait du dépôt, par MM. Simoneau et Laflamme, d’une
plainte devant le Conseil, ce dernier juge inacceptable un tel comportement et
proteste vigoureusement contre un tel geste, étant d’avis qu’une personne ne
devrait jamais subir de préjudices de la sorte pour avoir exercé un droit
démocratique. Le Conseil partant, blâme les responsables de CINQ-FM pour
l’avoir posé.
Analyse de la décision en appel
- C06I Congédiement d’un journaliste