Plaignant
Le Syndicat des
employés de CJRP-AM [Radiomutuel, Québec]
Représentant du plaignant
M. Alain
Pelletier (président, Syndicat des employés de CJRP-AM [Radiomutuel, Québec])
Mis en cause
CJRP-AM
[Radiomutuel, Québec] et M. Gilbert Hérard (gérant général)
Résumé de la plainte
CJRP et son
directeur général, M. Gilbert Hérard, se placent en situation de conflit
d’intérêts en faisant référence, dans des éditoriaux diffusés les 28 juillet, 2,
10 et 18 août 1977, au conflit de travail qui les opposent à leurs employés
syndiqués. Ces éditoriaux portent préjudice aux employés de la station et au
mouvement syndical dans son ensemble. CJRP refuse d’accorder un temps d’antenne
au syndicat afin qu’il puisse faire valoir son point de vue.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse du Québec s’est saisi de la plainte logée auprès de lui par le président
de la section locale 691 du Syndicat canadien de la fonction publique et au
sujet de laquelle je vous demandais le 21 novembre dernier vos commentaires
ainsi que ceux de monsieur D.A. Bazinet, président de Radio-Mutuel. Je vous
réitérais, de même qu’à Monsieur Bazinet, cette demande le 22 décembre dernier.
Dans cette
plainte, le président du Syndicat des employés de CJRP dénonçait, au nom de cet
organisme, les éditoriaux que diffusait, par votre voix, la station CJRP les 28
juillet, 2, 10 et 18 août 1977, lesquels concernaient d’une façon générale le
syndicalisme et les conflits de relations de travail au Québec en faisant
référence au conflit qui l’oppose, depuis le 18 mars 1977, à ses employés
syndiqués.
Considérant la
teneur de ces éditoriaux comme préjudiciable au mouvement syndical québécois
dans son ensemble de même qu’aux employés syndiqués de CJRP, le plaignant
dénonçait d’une part le conflit d’intérêts dans lequel la station et vous-même,
en tant que son directeur général se faisant le porte-voix de ces éditoriaux,
vous êtes placés en mettant en doute l’impartialité des jugements et des
critiques qui y étaient énoncés, ceux-ci émanant d’une partie intéressée.
D’autre part, il
reprochait à CJRP d’avoir, ce faisant, abusé de sa position d’informateur
public pour exploiter à ses propres fins un service public en diffusant une
image déformée des enjeux du débat en question. Un tel comportement
apparaissait au plaignant d’autant plus injuste et contraire au droit du public
à l’information que la station CJRP n’a pas jugé bon de donner suite à la
demande du syndicat de ses employés de lui consacrer un temps d’antenne de
quatre minutes qui lui aurait permis, en tant que partie aussi intéressée, de
faire les mises au point qu’il jugeait à propos.
Analyse
C’est sans votre version des faits, puisque, non plus que le président de Radio-Mutuel, vous n’avez donné suite à la demande qu’il vous en faisait, que le Conseil, tout en déplorant que les responsables de CJRP n’aient pas daigné lui faire parvenir leur point de vue comme le font généralement la majorité des organes d’information du Québec, en arrive aux conclusions suivantes:
Le Conseil est d’avis que, dans les circonstances du cas soumis, CJRP a abusé de sa fonction d’informateur public au détriment du droit du public à l’information, de même qu’à celle de l’éthique professionnelle qu’un informateur public profite ainsi de sa situation pour exploiter les ondes, qui sont avant tout un service public, en vue de faire valoir sa propre cause, énoncer ses propres idées et défendre ses propres intérêts quant à une situation dans laquelle il est directement impliqué. En commentant, à l’intérieur d’une prise de position éditoriale, le conflit qui l’oppose à ses employés CJRP s’est placé, selon le Conseil, dans une situation incompatible avec le devoir qu’a l’informateur public de diffuser tous les éléments d’information qui permettent au public auquel il s’adresse de formuler en toute connaissance de cause son propre jugement.
Selon le Conseil, il importe que les organes d’information et les journalistes évitent ce genre de conflit. S’ils ont en effet un devoir d’informer le public, même sur les conflits qui les mettent en cause, vu les éléments d’intérêt public qu’ils contiennent, ils devraient s’abstenir de les commenter dans le cadre de prises de position éditoriales afin justement d’éviter d’y être à la fois juge et partie.
Le Conseil considère qu’ayant commenté par voie éditoriale une situation qui faisait référence au conflit qui l’oppose lui-même à ses employés, CJRP aurait dû en toute équité permettre à ceux-ci de faire valoir leurs vues ainsi que les mises au point qu’ils jugeaient à propos de faire. Une telle attitude de la part de CJRP aurait été au sens du Conseil non seulement plus équitable mais aussi plus conforme aux exigences du droit du public à l’information, de même qu’aux exigences du droit de réplique. Si CJRP avait réagi ainsi, il aurait démontré que son souci de renseigner adéquatement le public prévalait sur son désir d’utiliser les ondes, service public, pour faire valoir sa propre vue des choses.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C22H Détourner la presse de ses fins
- C24A Manque de collaboration