Plaignant
M. Jean-Marc
Gagnon (directeur, Québec-Science [Sillery])
Mis en cause
L’Ordre des
agronomes du Québec
Représentant du mis en cause
M. Théodore
Mongeon (secrétaire, Ordre des agronomes du Québec)
Résumé de la plainte
L’article 24 de
la Loi des agronomes menace le droit à l’information car il réserve aux seuls
agronomes l’exercice de tout acte rémunéré en matière de vulgarisation agricole.
De plus, cet article permet à l’Ordre des agronomes du Québec de citer en
justice les journalistes qui publient des textes touchant ce domaine.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse du Québec, dont l’objectif fondamental est d’assurer le droit du public
à l’information, suit avec un vif intérêt le débat opposant l’Ordre des
agronomes du Québec et certains chroniqueurs d’information agricole. Après le
jugement rendu le 12 juillet dernier par le juge Paul-Emile Fortin dans
l’affaire l’Ordres des agronomes du Québec c. Jean-Louis Maréchal, le Conseil
croit-il utile de soumettre à votre attention ses commentaires sur l’article 24
de la Loi qui régit cette corporation professionnelle, lequel concerne le champ
d’exercice réservé aux membres de cet Ordre.
L’article 24 de
la Loi des agronomes stipule que:
«tout acte posé
moyennant rémunération, qui a pour objet de communiquer, de vulgariser ou
d’expérimenter les principes, les lois et les procédés, soit de la culture des
plantes agricoles, soit de l’élevage des animaux de ferme, soit de
l’aménagement et de l’exploitation générale des sols arables, soit de la
gestion de l’entreprise agricole»
constitue
l’exercice de la profession agronome.
L’Ordre des
agronomes soutient que cet article a pour effet de réserver à ses seuls membres
le monopole de faire de l’information agricole. D’autre part, dans un récent
jugement le juge Fortin rejetait les poursuites prises par l’Ordre des
agronomes contre M. Jean-Louis Maréchal, spécialiste de l’industrie porcine et
collaborateur à la revue le Meunier québécois, en se basant sur le fait que ce
dernier n’avait été rétribué d’aucune façon pour avoir rédigé les articles qui
faisaient l’objet de poursuites.
Il semble donc
que rien, en principe, empêcherait l’Ordre des agronomes de poursuivre des
journalistes rémunérés pour écrire ou diffuser de l’information en matière
agricole qui ne font pas partie de cette corporation professionnelle, mettant
ainsi en danger le libre exercice de ce métier pour un certain nombre d’entre eux
et la publication de certaines chroniques.
Analyse
Le Conseil s’inquiète donc sur les conséquences possibles pour le droit du public à l’information de la portée actuelle de l’article 24 de ladite loi qui ne semble pas avoir son égal dans les autres lois régissant des corporations professionnelles ayant obtenu un champ de pratique exclusif.
Cette menace de contrôle exercée par le biais de l’article 24, pourrait aboutir, si elle est exécutée, à instaurer une mainmise sur ce champ d’information de telle sorte que seule la version officielle des spécialistes autorisés serait accessible au public. Selon le Conseil de presse, ce pouvoir de contrôle sur l’information diffusée au grand public, en plus d’être contraire au droit des entreprises de presse de choisir leurs collaborateurs, compromet la libre circulation des informations avec le risque de censure que cela comporte.
Le Conseil conçoit certes qu’il est dans l’intérêt du public que l’information technique agricole, diffusée sur une large échelle, soit exacte et de qualité et l’Ordre des agronomes estime sans doute qu’il lui revient d’y veiller pour protéger le public. Ce à quoi, il faut répondre que ces exigences sont une règle, dans tous les domaines de l’information, qu’il appartient aux organes de presse d’appliquer rigoureusement, en se choisissant en tout premier lieu les collaborateurs les plus valables, s’ils ne veulent pas voir leur crédibilité minée auprès du public.
Il semble au Conseil que l’article 24 de la Loi des agronomes devrait être amendé de façon à ce que sa portée soit limitée comme l’exprimait Me André Desgagné, président de l’Office des professions, dans une lettre qu’il adressait à monsieur Jean-Marc Gagnon, directeur de la revue Québec-Science, aux actes qui impliquent une relation directe «de service» à un client afin que les journalistes et les entreprises de presse ne puissent être empêchés d’écrire, de publier ou de diffuser des informations concernant les principes et les procédés agricoles ou horticoles.
Le Conseil est donc d’avis que la rédaction suivante permettrait d’atteindre cet objectifs:
«Art. 24 Constitue l’exercice de la profession d’agronome tout acte de service* posé moyennant rémunération…»
Il semble au Conseil, monsieur le Ministre, que cette modification en confirmant le droit du public à la libre circulation des informations, n’affecte en rien l’esprit du Code des professions qui veut que le système professionnel assure avant tout la protection du public consommateur de services professionnels.
* Service: Travail de celui qui est chargé de servir des clients.
Analyse de la décision
- C06B Législation