Plaignant
Le Comité
Canada-Israël et M. Réginald Hamel
Représentant du plaignant
M. Myer Bick
(directeur exécutif, Comité Canada-Israël)
Mis en cause
Ici-Québec
[Repentigny], M. Jean Côté (rédacteur en chef) et Mme Michèle Tremblay
(vice-présidente)
Résumé de la plainte
La revue
Ici-Québec publie des textes présentant un caractère fallacieux, haineux et
antisémite sous les titres «Non au racisme d’Israël» (février 1978), «Les
oranges empoisonnées : Est-ce le prélude à une campagne de souscription?» (mars
1978), «A qui profitent les accusations de racisme?» et «En nous diffamant,
c’est le Québec indépendant que les sionistes visaient» (avril 1978). Un reportage
photographique propagandiste, qui accompagne le premier texte, ne présente
aucune garantie d’authenticité. Enfin, certains titres et sous-titres employés
par la revue s’avèrent discriminatoires.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse du Québec a complété l’étude des plaintes que lui soumettait le Comité
Canada-Israël et M. Réginald Hamel concernant la publication d’un article
intitulé «Non, au racisme d’Israël» paru dans l’édition de février 1978 de la
revue Ici-Québec. Le comité Canada-Israël portait également à l’attention du
Conseil l’article paru dans l’édition de mars 1978, intitulé «Les oranges
empoisonnées: est-ce le prélude à une campagne de souscription?» ainsi que les
propos sur le même sujet parus dans le numéro d’avril 1978 de la même revue.
Tout en
reconnaissant le droit d’Ici-Québec et de ses responsables à leurs opinions et,
en l’occurrence à exprimer un préjugé favorable à l’égard des Palestiniens dans
ces articles, les plaignants en dénonçaient tant le fond que la forme, les
considérant comme des abus à la liberté d’expression et des exemples de
journalisme irresponsable, contraire à l’éthique professionnelle et au droit du
public à une information honnête et complète, en raison de leur caractère
haineux et de la partialité de l’information rapportée.
Ils dénonçaient
en particulier:
– le caractère
gratuit, mensonger, fallacieux et incomplet de certaines des affirmations et
accusations contenues dans ces articles inspirés, selon eux, par seul un
préjugé antisémite;
– le caractère discriminatoire
de titres et de sous-titres tels «Sionisme, cancer de l’humanité» et «Halte au
génocide des Palestiniens», etc…;
– le ton et le
langage employés, lesquels constituaient, selon eux, d’une part, un exemple
flagrant d’invitation à la haine contre Israël et le peuple juif et, d’autre
part, une provocation et une incitation à l’animosité propres à accentuer la
tension et la division au moment même où la situation au Moyen-Orient invite au
rapprochement et à la compréhension;
– le caractère gratuit
et tendancieux du reportage photographique accompagnant le premier article pour
illustrer des situations, selon eux, non démontrées; Ici-Québec, par le recours
à un tel procédé, se sentant libre d’affirmer tout ce que bon lui semble, sans
en donner la preuve.
Analyse
Le Conseil reconnaît, à l’instar des plaignants, le droit de la revue Ici-Québec, comme celui de toute la presse en général, d’exprimer, de défendre les points de vue qu’elle juge à propos, de prendre parti. Ce droit découle de l’essence même des libertés fondamentales d’opinion, d’expression et de presse essentielles à la vie démocratique des sociétés.
Un magazine qui se veut engagé politiquement peut aussi, sans doute, jouir d’une plus grande latitude dans la formulation de ses prises de position.
Le Conseil se voit néanmoins forcé de donner en grande partie raison aux plaignants et de blâmer les responsables du magazine Ici-Québec pour les raisons suivantes:
Les articles soumis à l’attention du Conseil relèvent clairement, par la façon dont les faits sont présentés mais surtout par le style et le ton, de la propagande politique, et sont plus assimilables au journalisme pamphlétaire qu’au journalisme d’information.
Toute publication peut se constituer en organe de combat. Encore faut-il que ses lecteurs en soient dûment prévenus. Or, Ici-Québec se présente plutôt comme un magazine d’information générale. En outre, loin de s’afficher comme le porte-parole officiel de l’un des camps en présence dans le conflit du Moyen-Orient, Ici-Québec, dans l’article intitulé «Non au racisme d’Israël», a présenté sa thèse comme un document d’information, signé par deux «envoyés spéciaux», ce qui en soi a laissé supposer qu’il s’agissait d’un reportage effectué selon les règles courantes. Cet équivoque risque de semer la confusion. Le lecteur sera induit en erreur à la fois par le style général de la revue et par le ton de l’article: il croira lire un article d’information alors qu’il avait affaire à un article de propagande.
Le Conseil est d’avis, à cet égard, que la liberté de la presse ne peut être exercée de façon absolue mais qu’elle doit être mesurée aux exigences qu’imposent à tous les artisans de l’information leur responsabilité professionnelle et le respect du droit du public à l’information la plus honnête et la plus complète.
Le reportage photographique accompagnant l’article incriminé apparaît lui aussi inspiré d’une démarche de propagande: les photos utilisées n’offrent aucune garantie d’authenticité. Il semble aussi davantage inspiré par un souci de recourir au sensationnel que par un désir d’illustrer adéquatement la situation que la revue voulait dénoncer.
Compte tenu, enfin, du caractère complexe, délicat et socialement explosif de la question, le respect des règles élémentaires et de la rigueur professionnelle aurait dû s’imposer davantage, et le Conseil déplore vivement la publication de ces charges haineuses, susceptibles à la fois d’attiser le racisme qui couve même dans les sociétés les plus démocratiques et de heurter violemment les convictions et les sentiments de l’ensemble de la communauté juive. Même si l’on peut croire que telle n’était pas l’intention des responsables du magazine Ici-Québec, la publication de ces articles a eu l’inévitable effet de multiplier les malentendus dans une société où la presse devrait au contraire se faire un devoir de les éclaircir.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C18D Discrimination
- C20A Identification/confusion des genres