Plaignant
Un groupe de
plaignants
Représentant du plaignant
M. Marcel Arteau
(représentant, groupe de plaignants)
Mis en cause
Le Journal de
Québec et M. Eddie Labrie (journaliste)
Résumé de la plainte
Une série
d’articles du journaliste Eddie Labrie, parue dans Le Journal de Québec les 19
octobre, 20 octobre, 4 novembre 1977 et 25 février 1978, fabrique à une jeune
récidiviste accusée de vols à main armée une réputation allant au delà de la
réalité. Le journaliste affuble celle-ci du sobriquet «Michelle-la-Mitraille»
et fait preuve de sexisme en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une femme
criminelle. Les titres de ces articles présentent les mêmes lacunes que leur
contenu: «Récidiviste, ce serait la terreur… des caissières de banque»,
«Cautionnement refusé à Michelle-La-Mitraille», «Michelle-La-Mitraille aux
Assises!» et «2 ans moins 1 jour pour Michelle-La-Mitraille».
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’examen de la plainte que déposait auprès de lui un «groupe
de lecteurs tannés» à la suite d’une série d’articles parus dans les éditions
des 19, 20 octobre et 4 novembre 1977, ainsi que du 25 février 1978, du Journal
de Québec. Ces articles, portant la signature de monsieur Eddie Labrie,
faisaient état des poursuites criminelles intentées contre une jeune
récidiviste accusée de vols à main armée. Ils étaient respectivement coiffés
des titres suivants: «Récidiviste, ce serait la terreur… des caissières de
banque», «Cautionnement refusé à Michelle-La-Mitraille», «Michelle-La-Mitraille
aux Assises!» et «2 ans moins 1 jour pour Michelle-La-Mitraille».
Les plaignants
reprochaient au journaliste et au journal d’avoir fabriqué à la jeune femme,
par la description qu’ils en faisaient à grand renfort de titres: «haute comme
trois pommes et au regard sévère», «redoutable faiseuse de comptoirs», «terreur
des caissières» et «méchante petite femme», etc., une réputation qui va au-delà
de la réalité.
Les plaignants,
en s’indignant de l’insistance mise à affubler ainsi la personne en question de
tels qualificatifs, dénonçaient le fait que pour mieux servir les fins
lucratives du journal, le journaliste ait été jusqu’à lui attribuer le nom de
«Michelle-La-Mitraille» sans se soucier des conséquences que cela peut avoir
sur sa réinsertion sociale; une telle pratique étant, selon eux, destinée à
détruire plutôt qu’à favoriser ses chances de réhabilitation.
Les plaignants
dénonçaient enfin le caractère «sexiste» de ces articles, le journaliste
mettant toute l’emphase sur «la femme» du groupe des «voleurs inusités», par
son insistance sur le caractère «de la méchante petite femme», de «la fille au
revolver» et de «son dossier judiciaire assez impressionnant pour une femme».
Analyse
Le Conseil ne peut retenir le blâme à l’effet que le Journal de Québec a fabriqué à la personne concernée, arrêtée et condamnée antérieurement pour vols qualifiés et voies de fait, une réputation qui va au-delà de la réalité, surtout si l’on tient compte de la longue liste des infractions criminelles imputées à cette personne depuis 1971. Le Conseil considère qu’en cas de récidive, une personne qui possède des antécédents judiciaires importants ne peut s’attendre à échapper aux allusions qu’en fait la presse.
Le Conseil est cependant d’avis que lorsque la presse aborde des sujets de cette nature, elle doit le faire avec la circonspection qu’exige le respect dû à toute personne en s’abstenant d’atteintes injustifiées à sa dignité, de rappels qui n’ont aucune relation avec l’incident rapporté ou de qualificatifs de mauvais goût propres à discréditer indûment la personne auprès de l’opinion publique.
Tout en reconnaissant que le journaliste chargé de couvrir cette affaire pouvait le faire dans son propre style et en utilisant des termes qui ne correspondent pas nécessairement aux conceptions sociales des plaignants, le Conseil déplore que le journal et le journaliste aient dépassé les limites imposées par le respect dû à la personne en l’affublant du surnom dont elle devra supporter l’odieux peut-être longtemps.
Le Conseil rejette par ailleurs le grief des plaignants concernant le traitement «sexiste» de cette affaire, le journaliste ayant été tout à fait justifié, selon le Conseil, d’avoir mis l’accent sur le rôle joué par la personne en question au sein du groupe, puisque, effectivement, elle y exerçait un rôle de premier plan au moment des délits rapportés. Le Conseil ne peut non plus blâmer le journaliste pour avoir fait ressortir, à sa manière, qu’il est peu fréquent que des femmes participent à de telles infractions criminelles et, partant, considérer le traitement qu’il en a fait comme discriminatoire envers les femmes.
Le Conseil déplore enfin que ce soit le traitement accordé à ce genre de faits divers qui fasse trop fréquemment l’objet des plaintes qui sont portées devant lui par le public contre le Journal de Québec. En privilégiant ainsi ce genre de manchettes et en leur accordant un caractère démesuré par rapport au degré d’intérêt public qu’ils contiennent, ce journal s’expose inévitablement, selon le Conseil, à négliger et à délaisser une foule de sujets qui sont autrement importants pour le public, en s’attirant le reproche de se laisser guider par le désir de faire du sensationnel plutôt que par celui d’informer adéquatement le public en confondant la notion de curiosité du public avec celle de l’intérêt public.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C16A Divulgation des antécédents judiciaires
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C18F Discrimination (couverture)