Plaignant
La Société
nationale des Québécois des Cantons
Représentant du plaignant
M. Jacques
Binette (secrétaire, Société nationale des Québécois des Cantons)
Mis en cause
Le Progrès de
Magog et Mme France MacGillivray (directrice)
Résumé de la plainte
La directrice du
Progrès de Magog, Mme France MacGillivray, intervient auprès du responsable de
la publicité de ce journal afin d’empêcher la parution d’une publicité payée
par la plaignante. Un tel abus d’autorité, motivé par des considérations
politiques, entrave le droit du public à l’information et la libre circulation
des idées.
Griefs du plaignant
Au nom de la Société
nationale des Cantons, vous dénonciez, auprès du Conseil, l’intervention de la
directrice du Progrès de Magog, madame France MacGillivray, pour refuser, comme
convenu avec le responsable de la publicité du journal, le texte d’un message
publicitaire payé qu’elle voulait y faire paraître à l’occasion de la fête
nationale des Québécois.
Ce message
destiné à paraître dans l’édition du 21 juin 1978 du journal comportait un
texte principal intitulé «L’Appel» (déjà diffusé par le Mouvement national des
Québécois et décrit, par vous, comme «un texte patriotique assez direct,
nettement indépendantiste…»), un court exposé sur le Mouvement des Québécois,
une fiche d’adhésion à la Société et un «Bonne fête Québécois».
Voyant dans ce
geste un abus d’autorité que vous apparentiez à de la censure et à de la
discrimination pour des motifs de partisannerie politique, vous le jugiez aussi
comme une entrave grave à la liberté d’opinion et d’expression contraire au
droit du public à l’information et à la libre circulation des idées.
De telles
atteintes vous paraissaient d’autant plus de conséquences là où les sources
d’information sont limitées et peu diversifiées comme, indiquiez-vous au
Conseil, c’était le cas puisque, en plus de la situation de monopole régional du
Progrès de Magog, le quotidien La Tribune avait suspendu sa publication à ce
moment-là.
La Société
nationale des Cantons, affirmant que la directrice du Progrès de Magog avait
refusé la publication de ce texte parce qu’il heurtait ses convictions politiques,
exprimait enfin une vive inquiétude devant les conséquences d’une telle
pratique considérant qu’elle peut, à la limite, entraîner un véritable
boycottage des informations que veulent diffuser différents groupes. Cela lui
apparaissait d’autant plus grave à l’approche de la campagne référendaire.
Analyse
Non plus que n’importe quel groupe, la Société nationale des Québécois des Cantons ne peut prétendre avoir accès de plein droit aux pages publicitaires d’un organe d’information. Conséquemment à la pratique de la presse, les décisions à cet égard relèvent en effet de l’éditeur dont c’est la prérogative d’établir la politique de l’organe d’information en matière de publicité. L’exercice de cette prérogative découle de la liberté d’opinion de l’éditeur et le Conseil ne saurait blâmer la directrice du Progrès de Magog d’avoir refusé ladite publicité pour la raison qu’elle allait à l’encontre de ses propres convictions politiques.
Le Conseil estime toutefois que malgré la latitude dont jouit l’éditeur, de par sa fonction au sein des organes d’information, ses jugements d’appréciation en matière de publicité doivent, dans un régime de libre expression, favoriser le plus possible la libre circulation des idées et le débat public.
A cet égard, la directrice du Progrès de Magog faisait valoir au Conseil que la rédaction de son journal s’est toujours efforcée de favoriser la libre circulation des idées en sorte d’éclairer les lecteurs sur toutes les options politiques en présence dans cette société. Le Conseil ne saurait dès lors que l’encourager à transposer cette pratique à tous les secteurs de son entreprise. En effet, le Conseil est d’avis que le public est en droit d’attendre qu’une telle politique d’équité rédactionnelle d’une entreprise de presse transparaisse dans son service de publicité.
A ce sujet, le Conseil soumet à la réflexion de la directrice du Progrès de Magog l’idée suivante: dans une société où les enjeux politiques sont considérables et dans des régions où les possibilités d’accès aux carrefours de l’information et des idées sont réduites, la capacité pour un groupe de faire valoir ses opinions, par le truchement des tribunes publicitaires des organes d’information, devrait être effective.
Enfin, le Conseil n’a pu voir, dans le geste reproché à la directrice du Progrès de Magog, une menace pour le droit du public à l’information puisque les convictions de cette dernière ne semblent pas affecter le contenu des informations transmises par ce journal.
En effet, le Conseil a pu vérifier que le Progrès de Magog a accordé, dans ses pages d’information, un large traitement aux activités entourant la Semaine du patrimoine, incluant les célébrations de la Saint-Jean. La réplique de la Société nationale des Québécois des cantons, à la suite de cette affaire, a été aussi publiée dans la tribune «Nos lecteurs nous écrivent» dans l’édition du 4 juillet de cet hebdomadaire.
Ces exemples semblent confirmer la mise au point faite dans la «Note de la rédaction» accompagnant cette dernière, assurant les lecteurs de l’étanchéité des services de la publicité et de la rédaction et reconnaissant leur droit à une information objective et de qualité comme le faisait aussi valoir au Conseil la directrice du journal.
Analyse de la décision
- C10D Refus de publier
- C21G Indépendance des services d’information et de publicité