Plaignant
Le Syndicat des
travailleurs de l’information de La Presse [Montréal]
Représentant du plaignant
M. Daniel
Marsolais (président, Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse
[Montréal])
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. Roger Lemelin (éditeur)
Résumé de la plainte
L’éditeur de La
Presse, M. Roger Lemelin, refuse de publier la réplique intégrale du plaignant
à l’éditorial «Autopsie de la grève», paru le 8 mai 1978, ou encore de lui
vendre un espace publicitaire destiné aux mêmes fins. M. Lemelin exige que
cette réplique ne contienne aucune attaque directe à son endroit, alors que le
plaignant a été la cible des attaques de l’éditeur. La publication de réactions
à l’éditorial en question ne satisfait pas les exigences du droit de réplique
du plaignant, directement visé par le texte, puisqu’aucune ne présente ses
positions officielles ni ne répond de manière spécifique aux propos de
l’éditeur.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
Presse du Québec a complété l’examen de la plainte dont vous le saisissiez au
nom du Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse contre le
président et éditeur de ce journal, monsieur Roger Lemelin.
Vous y dénonciez
d’une part, le refus du président et éditeur de La Presse de publier, en tribune
libre, et, à moins qu’elle ne fut modifiée, la réponse qu’opposait le Syndicat
dont vous êtes le président au texte «Autopsie de la grève» que signait
monsieur Lemelin en première page de l’édition du 8 mai 1978. Vous lui faisiez
de même grief pour son rejet de votre demande d’une page d’annonce dont le
Syndicat aurait assumé les frais pour faire connaître au public sa version des
faits.
Vous dénonciez
ces refus comme des abus de la fonction d’éditeur considérant, d’une part, que
les articles parus subséquemment dans La Presse ne faisaient pas justice au
droit de réplique du Syndicat directement visé par ce texte puisqu’aucun
d’entre eux n’en représentait la réponse officielle et que, d’autre part, ils
ne répondaient pas spécifiquement aux propos que monsieur Lemelin avait portés
à l’attention du public.
Vous faisiez
enfin valoir que vous ne pouviez vous rendre aux exigences du président et
éditeur de La Presse de retirer de cette réplique les passages qui le
concernaient directement, car, selon vous, les journalistes de La Presse ayant
été les premières victimes de ses attaques, le Syndicat les représentant se
devait de lui répondre dans la même forme.
Analyse
Les membres du banc de délibérations spécial chargé de ce dossier par le Comité des cas en arrivent aux conclusions suivantes:
Le président et éditeur de La Presse n’a pas entravé l’exercice du droit du public à l’information en n’acceptant pas de publier intégralement le texte de la réplique que le Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse opposait à son article éditorial, «Autopsie de la grève», paru en première page de l’édition du 8 mai 1978 du journal.
Compte tenu en effet du traitement accordé par La Presse aux diverses réactions suscitées par l’article de monsieur Lemelin, tant dans la tribune des lettres du lecteur (voir édition du 8 mai: pleine page 5, cahier A) que dans ses pages d’information (édition du 10 mai: «Le STIP et la FNC répliquent: «Notre nette victoire rend monsieur Lemelin amer» et édition du 12 mai: «La CSN et la FNC accusent Roger Lemelin d’avoir terni le retour au travail»), ce dernier a permis au public de prendre connaissance du point de vue du principal intéressé. Partant, il a satisfait aux exigences du droit du public à l’information.
A cet égard, le Conseil a aussi pris bonne note que le texte de votre réplique a été publié intégralement dans l’édition du 19 mai du journal Le Devoir.
Le Conseil considère cependant qu’il eût été souhaitable, vu que le président et éditeur de La Presse était à la fois juge et partie de la situation qu’il exposait dans ses propos du 8 mai, que le Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse, également partie au conflit décrit et principalement visé par l’article en question, pût aussi faire connaître au public sa version officielle des faits.
Le Conseil estime cependant que l’exigence formulée par le président et éditeur de La Presse à l’effet que le Syndicat retire de sa réplique les passages qui l’attaquaient directement était légitime et raisonnable. Cette demande n’a pas constitué, au sens du Conseil, un abus de la fonction d’éditeur.
Le Conseil est d’avis qu’en n’acceptant pas le retrait des passages en question, le Syndicat s’est privé de la possibilité de faire connaître sa version officielle des faits au public.
Le Conseil base ce jugement sur les considérations suivantes:
Il lui est apparu que les passages dont le président et éditeur de La Presse exigeait le retrait pour permettre la publication de la réplique du Syndicat, outre qu’ils n’ajoutaient rien à la substance de cette dernière, ne contenaient aucun élément nécessaire à une meilleure information du public. On ne peut considérer non plus que ces passages constituaient une réponse «dans la même forme» comme le réclamait le Syndicat.
Libre en effet des attaques contre la personne du président et éditeur de La Presse, cette réponse eut davantage répondu aux exigences du droit du public à l’information ainsi qu’à celles de l’éthique professionnelle du journalisme. Si, dans ces circonstances, le président et éditeur de La Presse en eut alors empêché la publication, l’attitude du Conseil aurait été tout autre.
Le Conseil s’est déjà prononcé, en d’autres occasions, sur la prérogative de l’éditeur ou de ceux qui, au sein des organes d’information, ont comme fonction de livrer à la population des prises de position ou des commentaires de nature éditoriale. Il exigeait de ces derniers, la même rigueur, la même honnêteté, la même intégrité qui s’imposent aux autres artisans de l’information. Ces exigences, qui s’appliquent également aux membres du Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse, n’autorisent pas l’usage de propos offensants contre la personne, tel que ce fut le cas pour ceux dont le président et éditeur de La Presse demandait le retrait.
Les observations faites plus haut s’appliquent mutatis mutandis en ce qui a trait au refus du président et éditeur de La Presse de vendre au Syndicat un espace publicitaire pour rendre publique le texte intégral de son point de vue. Il eut été paradoxal en effet que le président et éditeur de La Presse acceptât, contre argent, un texte qu’il se refusait à publier en tribune libre.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C10D Refus de publier
Date de l’appel
5 October 1979
Appelant
Le Syndicat des
travailleurs de l’information de La Presse [Montréal]
Décision en appel
Lors de leur
réunion plénière des 4 et 5 octobre derniers, les membres du Conseil ont jugé
irrecevable, pour les raisons suivantes, l’appel que vous logiez le 12
septembre dernier de sa décision du 1er mars 1979 concernant votre plainte du 5
septembre 1978.
Outre que les
motifs de fond à la base de votre appel ne justifient pas une révision du cas
en ce qu’ils n’apportent aucun élément nouveau ou aucun élément qui aurait
échappé à l’attention du Conseil au cours de son étude du cas en première
instance, les membres du Conseil ont exprimé l’avis que votre demande de
révision outrepasse non seulement le délai prescrit par son règlement pour
loger appel, mais aussi toute interprétation qu’il pourrait accorder à
l’extension d’un délai raisonnable.