Plaignant
Le Comité pour
la défense des droits des Autochtones de la Ligue des droits de l’Homme
Représentant du plaignant
Mme Kateri
Lescop (représentante, Comité pour la défense des droits des Autochtones de la
Ligue des droits de l’Homme)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec], M. André Bellemare (journaliste, Le Soleil [Québec]), La Presse
[Montréal], M. Jacques Benoît (journaliste, La Presse [Montréal]), M. Paul
Longpré (journaliste, La Presse [Montréal]), Québec Chasse et Pêche [Montréal],
M. Gaétan Hayeur (journaliste, Québec Chasse et Pêche [Montréal]), M. Normand
Desjardins (journaliste, Québec Chasse et Pêche [Montréal]), M. André Y.
Croteau (directeur de la rédaction, Québec Chasse et Pêche [Montréal]), M.
Henri Poupart (rédacteur en chef, Québec Chasse et Pêche [Montréal]), M. Daniel
Banville (journaliste, Québec Chasse et Pêche [Montréal]), L’Avenir
[Sept-Iles], M. Louis Garneau (journaliste, L’Avenir [Sept-Iles]), L’Actualité
[Montréal], M. André Lamoureux (journaliste, L’Actualité [Montréal]), Le Journal
de Montréal, M. Guy Pagé (journaliste, Le Journal de Montréal) et Les Echos de
la Baie James
Résumé de la plainte
Les principaux
chroniqueurs de chasse et pêche ont une attitude généralement défavorable aux
Autochtones, ce qui fausse le débat sur les droits et privilèges de ces
derniers en matière de chasse et de pêche. Ainsi, certains textes parus dans Le
Soleil, La Presse, L’Avenir, Québec Chasse et Pêche, L’Actualité, Le Journal de
Montréal et Les Echos de la Baie James présentent une information partiale,
erronée, incomplète et empreinte de préjugés.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a accordé une attention minutieuse au dossier que vous lui soumettiez au
nom du Comité pour la défense des droits des Autochtones, dans lequel celui-ci
dénonçait l’attitude, selon lui, généralement défavorable démontrée par les
principaux chroniqueurs de chasse et pêche du Québec à leur endroit, ayant
comme résultat de fausser considérablement le débat sur leurs droits et
privilèges en matière de chasse et de pêche.
Vous attiriez
principalement l’attention du Conseil sur certaines chroniques de chasse et
pêche parues dans Le Soleil, La Presse, Québec Chasse et Pêche, L’Avenir,
L’Actualité, Le Journal de Montréal et les Echos de la Baie James.
Selon le Comité
pour la défense des droits des Autochtones, la plupart de ces chroniques
présentaient des exposés souvent incomplets, parfois erronés, partiaux,
empreints de préjugés, de parti pris et d’erreurs de faits au mépris d’une
information rigoureuse qui aurait permis au public de porter un jugement
éclairé sur les situations qu’elles portaient à son attention.
Analyse
Après une analyse des textes que vous lui avez soumis de même qu’à la lumière des commentaires des chroniqueurs de chasse et pêche des divers organes d’information mentionnés dans votre plainte, le Comité des cas du Conseil en est arrivé aux conclusions suivantes:
Le Conseil est d’avis que l’objet de votre plainte dépasse les seuls aspects relatifs au comportement et à l’éthique de la presse. Il touche en effet un problème de fond directement lié à certaines revendications des Autochtones en matière de chasse et de pêche sur la légitimité desquelles il n’appartient pas au Conseil de se prononcer.
Quant au comportement de la presse vis-à-vis ces revendications et, d’une façon générale, quant à ses prises de position que vous estimiez discriminatoires envers les Autochtones, le Conseil n’a pu déceler dans les articles que vous lui avez soumis les dérogations à l’éthique journalistique ou à la responsabilité professionnelle que vous lui imputez dans ce dossier.
Ces articles, au contraire, lui sont apparus, d’une façon générale, comme la manifestation de l’exercice normal de la liberté d’expression et par conséquent de la liberté de la presse et ce, pour les raisons suivantes:
Le Conseil reconnaît d’une part qu’un chroniqueur jouit d’une grande latitude dans la formulation de ses jugements et l’expression de ses prises de position. Le genre journalistique particulier que constitue la chronique qui tient à la fois autant de l’éditorial et du commentaire que du reportage d’information, permet en effet au journaliste d’adopter même un ton de polémiste pour prendre parti et exprimer ses critiques, faire valoir ses points de vue sur une idée, une situation, une personne, un groupe, etc.
D’autre part, on ne saurait exiger des organes d’information qu’ils véhiculent dans leurs écrits des messages qui épousent intégralement l’image et le sens que veulent donner à leurs actions des individus ou des groupes. La presse ne peut en effet être tenue de se faire le porte-parole ou d’adhérer à la conception des choses de qui que ce soit. La liberté de la presse et partant, le droit du public à l’information seraient gravement compromis si dans sa façon d’aborder un sujet donné, la presse devait se plier à quelque philosophie ou courant d’idées, fussent-ils de l’Etat, de groupe de pression ou de tout autre mouvement.
Cependant, le Conseil estime que tout organisme comme tout individu ou tout groupe a le droit de s’attendre à ce que la presse ne présente pas de lui une image déformée. Aussi, est-il d’avis que la presse, même par l’intermédiaire de genres journalistiques comme la chronique, ne saurait contrevenir à la vérité des faits et à l’honnêteté que lui imposent son devoir et sa responsabilité d’informer adéquatement le public.
Or, il n’est pas apparu au Conseil que, dans les articles que vous lui avez soumis, les chroniqueurs de chasse et pêche, même en prenant légitimement parti pour la protection de la faune, aient manqué de rigueur professionnelle dans leur façon de rapporter les faits, soit en ne les vérifiant pas suffisamment ou en se contentant d’une version unilatérale, conforme ou favorable à leur propre opinion ou entendement, pour n’en présenter au lecteur qu’une vue partiale ou partielle empêchant ainsi ce dernier de porter son propre jugement en toute connaissance de cause.
Le Conseil ne saurait non plus considérer les commentaires et les critiques contenus dans lesdites chroniques comme le simple fruit des suppositions, des présomptions ou encore des partis pris ou des préjugés que vous imputez aux chroniqueurs. Ces commentaires qui sont matière d’opinion prêtent à discussion qu’il vous appartient, en tant que groupe de pression, de confronter si vous le jugez à propos. A cet égard, les organes d’information ont affirmé au Conseil qu’ils n’avaient jamais hésité à vous ouvrir leurs pages et qu’ils étaient toujours disposés à le faire. Aussi, le Conseil ne saurait-il que vous encourager à utiliser ce recours pour contester les points de vue que vous jugeriez injustes ou non fondés.
Enfin, le Conseil considère que les articles en question n’ont pas eu comme effet de porter atteinte au droit du public à l’information car de même que les organes d’information mentionnés dans votre plainte, la presse en général, loin de se contenter d’informer uniquement le public par la seule voie de chroniques fait régulièrement état, soit dans ses reportages et analyses ou encore dans ses pages d’information, des questions concernant les Autochtones en y incluant l’expression des points de vue de ces derniers. La presse, selon le Conseil, démontre ainsi son souci de fournir au public une information aussi complète et adéquate que possible sur ce sujet.
Analyse de la décision
- C18F Discrimination (couverture)
- C24D Hors mandat