Plaignant
M. Robert
Letendre (candidat du Parti conservateur du Québec)
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Maurice
Baudry (adjoint au directeur du service de l’information, Société Radio-Canada
[Montréal])
Résumé de la plainte
Le réseau
français de la Société Radio-Canada boycotte le Parti conservateur du Québec
lors de la campagne électorale fédérale de 1979. Ainsi, après avoir couvert
équitablement la tournée des chefs des partis, «Le Téléjournal» du 4 avril
accorde plusieurs minutes d’antenne au seul choix des candidants libéraux du
Québec. De plus, Radio-Canada passe sous silence les conventions organisées par
le Parti conservateur pour le choix de ses candidats dans 4 comtés ainsi que le
lancement officiel de la campagne de ce parti dans l’Est de Montréal.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte dont vous le saisissiez contre le
service des nouvelles de Radio-Canada concernant l’édition nationale du
téléjournal diffusé à 2h30, le mercredi 4 avril 1979.
Vous dénonciez
le fait que Radio-Canada n’ait pas su donner au Parti conservateur un
traitement équitable par rapport à celui accordé au Parti libéral, en ce qui a trait
aux différentes manifestations publiques de ces deux partis, dans le cadre de
la campagne électorale qui avait cours au printemps 1979. En outre, vous
reprochiez au réseau français de Radio-Canada d’avoir consacré plusieurs
minutes d’antenne au choix des candidats libéraux dans les comtés de Dollard et
Sainte-Marie ainsi qu’aux offres de service du candidat libéral du comté
d’Hochelaga-Maisonneuve et ce, après une période minutieusement partagée
portant sur la journée des chefs de partis.
Par ailleurs,
dans la même période, Radio-Canada ignorait, selon vous, les conventions
organisées par le Parti conservateur pour le choix de ses candidats dans les
comtés de Bourassa (25 mars, Laval des Rapides (30 mars), Mercier (1er avril),
Chicoutimi (4 avril). La Société Radio-Canada aurait ignoré, également le
dimanche 1er avril, le lancement officiel de la campagne du Parti conservateur
dans l’Est de Montréal. Aussi, vous en arriviez à la conclusion que le Parti
conservateur au Québec était l’objet d’un boycottage de la part de
Radio-Canada, lequel constituait une entrave au droit du public à
l’information.
Commentaires du mis en cause
En guise de
réponse à votre plainte, M. Maurice Baudry, adjoint au directeur du service de
l’information de Radio-Canada, alléguait que Radio-Canada ne pouvait s’engager,
non plus qu’aucune entreprise de presse, à présenter une information
rigoureusement équilibrée à l’intérieur de chaque édition quotidienne et que
c’était dans l’ensemble de toute la couverture de la campagane électorale qu’il
fallait chercher cet équilibre. Par ailleurs, cet équilibre ne connotait pas,
selon M. Baudry, un temps d’antenne réparti également entre tous les partis. La
couverture de Radio-Canada tenait compte de l’importance des partis à la
dissolution des Chambres, des suffrages exprimés recueillis par les partis lors
de l’élection précédente, du nombre de candidats présentés par chaque parti
durant la campagne, de la campagne électorale elle-même comme la menaient
chaque parti et son chef.
En outre, lors
de cette campagne électorale, Radio-Canada a surtout couvert, aux dires de M.
Baudry, la «tournée» des chefs de partis et certaines régions ou comtés clés,
ainsi que certaines assemblées de mise en candidature et à plusieurs de ces
facteurs réunis.
Par ailleurs, M.
Baudry affirmait que c’est principalement dans la région de Montréal et donc
dans ses bulletins de nouvelles régionales que Radio-Canada s’est intéressé aux
assemblées de mise en candidature et que, dans ces comtés de la région
métropolitaine, plus d’une quinzaine des mises en candidatures libérales (sur
24) se sont déroulées au coeur même de la campagne électorale, c’est-à-dire
entre le déclenchement et le début du mois de mai, alors que pour ce qui est du
Parti conservateur, plus de la moitié des mises en candidature avaient déjà eu
lieu avant même le déclenchement de la campagne électorale. Toutefois,
Radio-Canada aurait quand même couvert les mises en candidature des comtés de
St-Hyacinthe, St-Michel, LaSalle, Terrebonne et Duvernay du côté des Conservateurs,
en plus de faire un bilan des candidatures conservatrices les plus
prestigieuses dans la région de Montréal.
Analyse
Le Conseil considère que l’objet de cette plainte relève du jugement rédactionnel qu’il appartient aux organes d’information de poser en ce qui a trait au choix des nouvelles et l’importance qu’ils décident de leur accorder. Le Conseil est d’avis cependant que celui-ci ne saurait s’exercer d’une façon absolue sans être mesuré aux exigences qu’imposent aux organes d’information la responsabilité et le devoir d’informer adéquatement, c’est-à-dire complètement et de façon équilibrée la population sur les questions d’intérêt public.
Or, dans le présent cas, le Conseil estime que le public n’a pas été brimé dans son droit à une information complète et équilibrée. Si l’on tient compte en effet de l’ensemble de la couverture de cette campagne électorale, il appert plutôt que Radio-Canada, tant dans ses bulletins de nouvelles nationales que régionales, a fait largement état des déclarations des chefs de partis ainsi que des programmes et des mises en candidature de chacun y compris le Parti conservateur.
En outre, le Conseil estime, qu’à l’instar des autres organes d’information qui ont couvert cette campagne, Radio-Canada a permis au public de se faire une idée aussi juste que possible des enjeux politiques de cette élection et ce, tant par le contenu de ses bulletins d’information que par la diffusion et le traitement d’émissions d’affaires publiques consacrées à cet événement. Aussi, eu égard aux efforts tangibles déployés par la Société Radio-Canada et les autres organes d’information pour assurer une couverture équilibrée des différentes phases de cette campagne électorale, il n’apparaît pas, au sens du Conseil, que le Parti conservateur au Québec ait pu être l’objet d’un boycottage pouvant constituer une entrave au droit du public à l’information, ce droit ayant été, dans son essence respecté.
Analyse de la décision
- C12A Manque d’équilibre