Plaignant
M. Jacques Guay
(directeur du département d’information et communication, Université Laval)
Mis en cause
Le Journal de
Québec, M. Eddie Labrie (journaliste, Le Journal de Québec), Le Soleil [Québec]
et M. Lucien Latulippe (journaliste, Le Soleil [Québec])
Représentant du mis en cause
M. Claude
Beauchamp (rédacteur en chef, Le Soleil [Québec]) et M. Michel Trudeau (gérant
de la rédaction, Le Journal de Québec)
Résumé de la plainte
Le Journal de
Québec et Le Soleil, dans une moindre mesure, accordent un traitement
sensationnaliste à l’arrestation de Mme Chantal Labrie et M. Rock Thériault,
dit «Moïse». L’article «C’est aux familles d’aller chercher les autres
illuminés» (Le journal de Québec, 19 avril 1978) ne démontre pas que les
personnes concernées soient «illuminées». La légende «Rock Thériault n’a pas eu
le temps de se servir de sa .303 ou de sa .22» (Le Journal de Québec, 19 avril)
constitue une accusation préjudiciable à l’inculpé. Le titre «Sous le lit de
Moïse… 2 armes et 710 balles» (Le Journal de Québec, 20 avril) s’avère faux
et tendancieux. En effet, ce titre est démenti par des légendes accompagnant
les photos et par le contenu de l’article lui-même.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte dont vous le saissiez concernant le traitement
accordé par le journal Le Soleil et Le Journal de Québec à l’arrestation de Mme
Chantal Labrie et de M. Rock Thériault dans leurs éditions du 19 avril dernier.
Vous estimiez
que le traitement journalistique accordé à cette affaire par les deux journaux,
quoique d’une façon moindre de la part du Soleil, faisait appel au
sensationnalisme du plus mauvais aloi et était indigne d’une presse qui se respecte
ainsi que ses lecteurs. En outre, notamment par la familiarité des titres et
leur ton, ces articles constituaient, selon vous, un exemple de manque de
respect envers la personne contraire à l’article 4 de la Charte québécoise des
droits et libertés de la personne à l’effet que: «Toute personne a droit à la
sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation».
Nulle part il
est démontré dans l’article, paru en page 5 du Journal de Québec le 19 avril et
intitulé «C’est aux familles d’aller chercher les autres illuminés», qu’il
s’agit vraiment «d’illuminés». La légende «Rock Thériault n’a pas eu le temps
de se servir de sa .303 ou de sa .22», accompagnant la photo parue en page 3 de
la même édition, en plus d’être contraire aux faits, constitue une grave
accusation de nature à porter préjudice à un honnête citoyen. Le titre «Sous le
lit de Moïse… 2 armes et 710 balles», paru en page 4 de l’édition du 20 avril
du Journal de Québec, est faux, tandancieux et assaisonne de violence une
affaire des plus calmes. Ce titre est même démenti par l’une des légendes
accompagnant les photographies et par le contenu de l’article lui-même.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en
chef du Soleil, M. Claude Beauchamps, indiquait au Conseil que, selon lui, ce
quotidien avait couvert les divers aspects de l’événement de la façon la plus
complète et la plus humaine possible. M. Lucien Latulippe, auteur du texte de
la page A-3 du Soleil du 19 avril 1979, faisait valoir pour sa part au Conseil
que son article, basé sur les renseignements obtenus des autorités policières
qui ont participé à l’arrestation de M. Thériault, ne faisait que relater ce
qui lui a été dit sans amplification et sans recours au sensationnalisme.
Analyse
Le Conseil estime que la facture des articles du Soleil ne portait pas atteinte à la dignité, à l’honneur et à la réputation des personnes non plus qu’elle n’a fait appel au sensationnalisme. Aussi, le Conseil est-il d’avis que la couverture de cet événement par Le Soleil, le 19 avril dernier, a été faite selon les règles de l’art conformément aux exigences de l’éthique journalistique.
Le Journal de Québec et le journaliste pouvaient traiter l’événement dans le style qui leur est propre en utilisant un vocabulaire qui ne correspond pas nécessairement aux conceptions sociales du plaignant. Le Conseil n’a pas à établir un lexique de termes à employer ou à éviter. Un tel choix relève de la discrétion rédactionnelle des organes d’information qui doivent cependant peser l’emploi de ses termes lorsque, à cause de leur connotation péjorative, ils peuvent avoir des effets préjudiciables pour les réputations des personnes.
L’affirmation contenue dans le titre «Rock Thériault n’a pas eu le temps de se servir de sa .303 et de sa .22» n’est rien d’autre qu’un procès d’intention résultant des suppositions ou des hypothèses du journaliste. Quant au titre: «Sous le lit de Moïse… 2 armes et 710 balles», il manque de rigueur et véhicule une information inexacte. Ce titre, par son manque de riqueur et son caractère sensationnel, risque d’induire en erreur un lecteur peu attentif. Il est possible que la publication d’un tel titre soit imputable aux contraintes inhérentes à la fabrication d’un journal. Ces contraintes ne sauraient cependant être invoquées comme excuse pour transmettre au public une information inadéquate.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17A Diffamation