Plaignant
M. Pierre de
Bellefeuille (député provincial, comté de Deux-Montagnes)
Mis en cause
CBF-AM [SRC,
Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Marc Thibault
(directeur de l’information, Société Radio-Canada [Montréal])
Résumé de la plainte
La radio de la
Société Radio-Canada rapporte de manière partiale un discours prononcé le 30
mai 1979 par le Premier ministre du Québec. Ainsi, l’auteur des bulletins de
nouvelles diffusés en soirée le 30 mai et en matinée le lendemain qualifie ce
discours de «décevant», un jugement qui relève de la prérogative de
l’éditorialiste. De plus, ces bulletins présentent deux déclarations du chef de
l’opposition, mais aucun extrait du discours en question.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de votre plainte concernant le traitement accordé par
le service des nouvelles de la radio de Radio-Canada au discours que prononçait
le Premier ministre du Québec à l’Assemblée nationale, le 30 mai dernier au
cours du débat sur la motion du chef de l’opposition sur le renouvellement du
fédéralisme canadien.
Considérant la
façon du service en question de rapporter l’événement comme un «cas flagrant de
distorsion et de déséquilibre de l’information», vous reprochiez d’une part à
l’auteur des bulletins de nouvelles diffusés dans la soirée du 30 ainsi que
dans la matinée du 31 mai dernier, de s’être arrogé le droit de juger le
discours du Premier ministre en le qualifiant de «décevant». Un tel jugement
vous apparaissait relever de la prérogative de l’éditorialiste et non pas du
rédacteur des bulletins d’information ou encore du reporter à moins que ce
dernier ne dégage un tel constat d’un consensus ressortant d’une enquête
d’opinion, ce qui n’était, selon vous, manifestement pas le cas.
D’autre part,
vous dénonciez le fait que les bulletins de nouvelles en question ne
contenaient aucun extrait sonore du discours du Premier ministre alors qu’en
revanche, il en présentait deux des déclarations faites en dehors de
l’Assemblée nationale par le chef de l’opposition officielle.
Commentaires du mis en cause
Le directeur de
l’information de la Société Radio-Canada, monsieur Marc Thibault, reportait le
Conseil au texte publié dans l’édition du 19 juin du journal Le Devoir dans
lequel il répondait à vos griefs également publiés dans le même journal le 14
précédent.
Dans ce texte,
le directeur de l’information de Radio-Canada en s’interrogeant sur l’à propos
de l’utilisation du mot «décevant» par le rédacteur de la présentation du
bulletin de nouvelles en question, se demandait si celui-ci constituait «un
jugement éditorial si accablant» qu’il justifiât votre protestation.
Quant à ce que
vous considériez comme un déséquilibre flagrant dans le traitement de la
nouvelle vu l’absence d’extrait sonore du discours du Premier ministre en
regard de ceux qui ont été présentés pour illustrer les réactions du Chef de
l’opposition, monsieur Thibault indiquait qu’il s’agissait là d’une décision
rédactionnelle conforme aux règles de l’art.
Il expliquait ce
choix de par les circonstances qui ont entouré l’événement en question qui
firent passer au second plan le discours du Premier ministre au profit de la
réaction du chef de l’opposition. Selon lui, les journalistes s’attendaient
tous, cet après-midi-là, à un grand discours référendaire de la part du Premier
ministre; l’événement n’a pas été cela, mais plutôt un brouhaha et un chahut
parlementaire indescriptibles qui ont annulé, à toutes fins pratiques, le droit
de réplique du chef de l’opposition.
Enfin, monsieur
Thibault faisait remarquer au Conseil que l’équilibre dans le traitement de
l’information de même que l’objectivité ou le sens de l’équité d’un organe
d’information ne sauraient s’évaluer sur la base d’un seul bulletin de
nouvelles, mais plutôt sur le traitement d’ensemble, étalé sur une période
significative de temps, accordé par un organe d’information aux événements
d’intérêt public.
Analyse
Le Conseil considère d’une part que le choix du mot «décevant» pour décrire le discours que le Premier ministre prononçait à l’Assemblée nationale le 30 mai, constitue un jugement rédactionnel qui s’apparente davantage à du commentaire de nature éditoriale qu’à de l’information stricte. Le Conseil ne saurait cependant en arriver à la conclusion que le choix de ce mot a eu comme intention ou comme effet une distorsion de l’information.
Le Conseil n’a pas l’intention d’établir un lexique des termes que les professionnels de l’information doivent employer ou éviter, considérant que la décision à cet égard relève exclusivement de l’autorité rédactionnelle des organes d’information. Le Conseil est cependant d’avis que la presse doit peser l’emploi des mots qu’elle utilise en sorte d’éviter la confusion que peut entraîner dans l’esprit du public le mélange des genres journalistiques. Autrement, le public pourra être induit en erreur sur la vraie nature des situations ou encore sur l’exacte signification des événements sur lesquels la presse l’informe, étant incapable de formuler à leur sujet son propre jugement.
Le Conseil a pu aussi se rendre compte, à l’étude des divers bulletins de nouvelles présentés sur l’événement en question, que dans certains d’entre eux, on a substitué le mot «décevant» par l’expression «déception générale» qui lui apparaît plus conforme au genre journalistique que constitue un bulletin de nouvelles.
D’autre part, le Conseil ne saurait faire grief au service des nouvelles radio de Radio-Canada d’avoir mis l’accent sur les réactions du chef de l’opposition (notamment par son choix des extraits sonores étayant le reportage) plutôt que sur les propos du Premier ministre, étant d’avis qu’il s’agit là d’une décision qui relève du jugement rédactionnel qu’il appartient aux organes d’information de poser en ce qui a trait au choix et au traitement de l’information ainsi qu’à l’importance qu’ils décident de lui accorder.
Le Conseil estime aussi que, dans le présent cas, le public n’a pas été brimé dans son droit à une information équilibrée, retenant à cet égard l’explication du directeur de l’information de la Société Radio-Canada concernant la légitimité du choix rédactionnel des responsables du reportage en question.
Analyse de la décision
- C12A Manque d’équilibre
- C20A Identification/confusion des genres