Plaignant
M. André Dion
Mis en cause
Photo Police
[Montréal] et M. Pierre Montour (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Pierre
Schneider (directeur, Photo Police [Montréal])
Résumé de la plainte
Le reportage
«Encore une putain étranglée», paru dans l’édition du 4 août 1979 de Photo
Police sous la signature du journaliste Pierre Montour, manque totalement de
respect tant à l’égard de la victime que du lecteur. Le traitement accordé à ce
genre d’événement par Photo Police relève de la perversion.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur André Dion concernant le
reportage paru dans l’édition du 4 août 1979 du journal Photo Police, sous le
titre: «Encore une putain étranglée».
Le plaignant
protestait avec vigueur contre le traitement accordé par des publications comme
Photo Police à ce genre d’événement qui, selon lui, ne peut que porter atteinte
à la dignité des personnes ainsi qu’à celle des lecteurs. Il attirait
particulièrement l’attention du Conseil sur la façon de faire la «une» de Photo
Police avec de tels faits divers qui, dans ce cas, lui apparaissait être «une
méprisable et inutile accusation à l’égard de la victime et une inqualifiable
manifestation de mépris envers le lecteur». «Plus que du jaunisme, c’est de la
perversion», indiquait-il au Conseil.
Commentaires du mis en cause
Vous indiquiez
au Conseil, quant à vous, que ce n’est qu’après une enquête sérieuse de la part
de l’auteur du reportage en question, confirmant le métier de la victime et la
relation directe de celui-ci avec le crime rapporté, que votre journal en a
fait état. L’objectivité de votre journal aurait été trahie et dénaturée, selon
vous, s’il n’avait fait mention de son métier. Aussi la personne en question
eut-elle été journaliste ou avocat et victime également de son métier, vous
l’auriez souligné avec la même emphase quoique, dans toute autre circonstance,
vous l’auriez ignoré afin de ne pas nuire à ses proches, souteniez-vous.
Cependant, en l’occurrence, le meurtre en question était si directement relié
aux activités «professionnelles» de la victime que le taire aurait été
contraire à votre souci de bien informer le public.
Enfin, vous
présumiez que dans le cas de poursuites judiciaires éventuelles contre l’auteur
du crime, la vie de la victime ne manquera pas d’être étalée dans la presse.
Analyse
Le Conseil estime que lorsque la presse, dans l’exercice de sa fonction, juge pertinent d’informer le public sur les aspects d’intérêt public que peuvent présenter des situations de la nature du sujet traité, elle doit le faire avec toute la circonspection qu’exige le respect dû à la personne en s’abstenant de la discréditer indûment auprès de l’opinion publique.
Dans le présent cas, le Conseil ne retient pas de blâme contre le journal Photo Police pour avoir fait mention dans son reportage que la victime s’adonnait à la prostitution, puisqu’il apparaît, à la lumière des faits connus, que le crime en question était intimement lié à cette situation.
Le Conseil est cependant d’avis qu’en mettant l’accent comme il l’a fait sur le drame en question (dimension et couleurs des caractères illustrant le titre «Encore une putain étranglée», photo de la victime occupant tout l’espace de la page couverture), Photo Police, en plus de manquer au respect élémentaire dû à la personne, s’est soucié davantage de susciter la curiosité publique que de renseigner adéquatement la population sur les aspects d’intérêt public que pouvait offrir l’événement en question.
Bien que les décisions concernant le choix de la nouvelle et l’importance à lui accorder relèvent de l’autorité rédactionnelle des organes d’information, le Conseil est d’avis qu’en privilégiant ainsi ce genre de nouvelles et en lui accordant un caractère démesuré par rapport au degré d’intérêt public qu’elles contiennent, Photo Police s’expose inévitablement à s’attirer le reproche de se laisser guider par le désir de faire du sensationnel plutôt que par celui d’informer adéquatement le public.
Le Conseil déplore une telle pratique qui, soit par inconscience ou vénalité, a comme résultat inévitable, selon lui, de diminuer la qualité et la crédibilité de la presse.
Le Conseil serait mieux rassuré sur la qualité de ce genre d’information, si ceux qui le font manifestaient à l’endroit des victimes et de leurs proches plus d’humanité et de la déférence plutôt que de le faire en mettant l’accent sur les aspects morbides, spectaculaires et sensationnels des drames humains sur lesquels ils attirent l’attention du public.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C16D Publication d’informations privées