Plaignant
M. Louis O’Neill
(député provincial, comté de Chauveau)
Mis en cause
United Press
Canada [Québec], M. Robert Quinn (journaliste, United Press Canada [Québec]),
Dimanche-Matin [Montréal] et The Gazette [Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Malcolm F.
Hughes (éditeur en chef, United Press Canada [Québec])
Résumé de la plainte
Le journaliste
Robert Quinn d’United Press Canada déforme le sens du document «Règles d’action
pour la campagne référendaire», rédigé par le plaignant, en rapportant son
contenu de manière incomplète et inexacte, et en y ajoutant ses propres
commentaires. La dépêche du journaliste est publiée le 28 octobre 1979 par
Dimanche-Matin et le lendemain par The Gazette.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Louis O’Neill, député de
Chauveau à l’Assemblée nationale du Québec, dans laquelle il s’en prenait au
traitement que vous avez accordé, dans vos dépêches du 27 octobre dernier, au
document de travail qu’il avait mis au point à l’intention des militants de sa
circonscription électorale concernant les «Règles d’action pour la campagne
référendaire».
En dénonçant le
caractère tendancieux et fallacieux de vos dépêches, reprises dans le
Dimanche-Matin du 28 octobre et The Gazette du 29 suivant, monsieur O’Neill vous
faisait grief d’avoir altéré le véritable message du document de travail en
question en en rapportant de façon inexacte le contenu, en intervertissant et
en tronquant certaines citations et en y allant de vos propres commentaires que
vous présentiez encore comme le reflet de sa pensée pour le mettre en
contradiction avec le premier ministre ou avec la ligne de pensée des
dirigeants du Parti québécois.
Tout en
reconnaissant votre plein droit à vos opinions en ce qui concerne le projet
référendaire du Parti québécois, monsieur O’Neill, en dénonçant le texte de vos
dépêches comme «un exemple flagrant de malhonnêteté intellectuelle»,
considérait comme inacceptable que vous vous soyez ainsi servi de votre
fonction de journaliste et de procédés indignes d’une telle fonction
(demi-vérités, mensonges, insinuations malveillantes) pour conduire votre
propre croisade contre ce projet.
Commentaires du mis en cause
En indiquant au
Conseil qu’en aucun moment le député de Chauveau n’avait communiqué directement
soit avec vous soit avec lui-même pour exprimer l’objet de son mécontentement,
monsieur Malcolm F. Hughes, éditeur en chef de United Press Canada, attribuait
les manquements signalés dans vos dépêches à vos erreurs de traduction du texte
français du document de travail en question, invoquant par ailleurs que jamais
vous n’aviez délibérément voulu déformer la vérité ou encore présenter monsieur
O’Neill sous un mauvais jour. United Press Canada n’avait pas non plus, selon
lui, tenté de passer sous silence de telles erreurs, à preuve, la dépêche que
cette agence de presse diffusait le 30 octobre 1979. Cette dernière dans
laquelle vous attribuiez la mauvaise interprétation dont furent l’objet vos
dépêches précédentes à des erreurs de traduction sans importance (minor)
faisait également état de l’intention du député de Chauveau de saisir le
Conseil de cette affaire.
Analyse
Le Conseil ne saurait limiter la portée des manquements reprochés à vos dépêches du 27 octobre 1979 par le député de Chauveau, monsieur Louis O’Neill, aux seules difficultés que vous auriez éprouvées dans la traduction de son texte «Règles d’action pour la campagne référendaire». Si celles-ci ont pu en effet expliquer à certains égards, une partie de ces manquements comme vous-même et l’agence qui vous emploie l’avez reconnu, elles ne sauraient toutefois être invoquées comme excuses pour transmettre au public une information inadéquate. Au contraire, des difficultés de cet ordre devraient inciter les organes d’information à apporter une grande attention à la traduction des textes dont ils informent le public en sorte que celui-ci reçoive l’information exacte à laquelle il a droit.
Cependant, le Conseil attache un tout autre poids au manque de rigueur professionnelle dont témoigne votre démarche journalistique dans les dépêches en question, lesquelles, à son avis, donnent prise à l’ensemble des griefs du plaignant.
Ainsi, même en accordant tout le crédit possible à l’affirmation de l’éditeur en chef de l’agence qui vous emploie et selon qui vous n’auriez pas délibérément déformé la vérité ou encore rédigé vos dépêches de façon à montrer monsieur O’Neill sous un mauvais jour, le Conseil émet de sérieuses réserves sur les procédés que vous avez utilisés pour faire état, dans vos dépêches, du document de monsieur O’Neill.
A cet égard, le Conseil ne saurait approuver la façon dont vous avez exploité certaines citations de monsieur O’Neill pour en conclure que son texte était contraire à l’orientation officielle du Parti québécois et constituait une dénonciation des tactiques employées par certains des ministres de ce parti ou encore un désaveu de la ligne de pensée du premier ministre lui-même; conclusions que d’ailleurs vous prêtiez au plaignant. Or, le Conseil ne peut voir dans les «Règles d’action pour la campagne référendaire» dont s’inspiraient vos dépêches, aucune indication justifiant vos conclusions. Aussi doit-il sur tous ces points donner raison au plaignant et dénoncer votre façon de procéder comme étant contraire à la fonction et à la responsabilité des artisans de l’information d’informer adéquatement le public.
En effet, le Conseil estime que vos dépêches, qui s’apparentent davantage à un commentaire de nature éditoriale qu’à de l’information stricte, ont pu induire le public en erreur sur la nature de l’information qu’il croyait recevoir. Cette confusion des genres manifestée par vos dépêches a pu en outre porter atteinte au droit du public à une information en faussant le véritable sens du document de monsieur O’Neill, en plus d’entretenir dans l’esprit du public une confusion préjudiciable à l’endroit du député de Chauveau. Il eut été plus équitable de présenter le document en question de façon factuelle en sorte que le public puisse en prendre une connaissance plus substantielle et se former une opinion en toute connaissance de cause.
Enfin, le Conseil estime, à l’instar du plaignant, que malgré son mérite, la mise au point faite par United Press Canada le 30 octobre, n’a pu rétablir dans l’esprit du public l’impression laissée par vos dépêches précédentes et qui ont été reproduites dans le Dimanche-Matin et The Gazette. Cette mise au point réduisait, sans la lever, l’ambiguïté du contenu de vos dépêches, à vos seules difficultés de traduction.
Le Conseil est d’avis qu’une rectification qui aurait tenu compte d’une façon plus substantielle du document de travail «Règles d’action pour la campagne référendaire», sur lequel s’appuyait vos dépêches du 27 octobre, aurait davantage répondu aux exigences du droit du public à l’information ainsi qu’à celle de l’éthique d’une presse soucieuse de sa responsabilité d’informateur public.
Vous trouverez ci-joint, pour votre information, copie de la lettre que je fais tenir ce jour à monsieur J.R. Walker, chef des nouvelles à The Gazette, qui, en reproduisant vos dépêches, s’attirait le griefs de monsieur O’Neill.
Analyse de la décision
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C13B Manipulation de l’information
- C19B Rectification insatisfaisante
- C20A Identification/confusion des genres