Plaignant
Mme Denise
Leduc, M. Marcel Auclair et M. Yves Beaucage (journalistes)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. Réjean Tremblay (chroniqueur)
Résumé de la plainte
La chronique de
M. Réjean Tremblay intitulée «60 lignes dans le vide», parue dans l’édition du
8 janvier 1980 de La Presse, se distingue par sa médiocrité et son
insignifiance. Le chroniqueur néglige de respecter certains grands principes
journalistiques permettant de publier des articles qui éclairent et renseignent
le public.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a bien reçu votre lettre du 30 janvier dernier dans laquelle vous portez
plainte contre le journal La Presse et le chroniqueur sportif, M. Réjean
Tremblay, auxquels vous reprochez de ne pas avoir «rempli leurs fonctions
d’informateurs publics d’une façon responsable» en publiant, dans l’édition du
8 janvier 1980, la chronique intitulée «60 lignes dans le vide» concernant le
match de hockey disputé la veille au Forum de Montréal entre les Oilers
d’Edmonton et l’équipe du Canadien.
Considérant que
ce texte «vide de sens» constituait «un mépris à l’intelligence du lecteur du
quotidien La Presse», vous estimiez de plus que M. Tremblay «a manqué à
certains grands principes qu’on se doit d’appliquer dans le monde de la
presse». Selon vous, le journaliste doit constamment rechercher la nouvelle qui
va intéresser le public. A défaut d’événements intéressants, il doit être en
mesure de puiser à même son bagage de connaissances qui lui permettra de
remplir adéquatement sa fonction d’informateur public, la curiosité, le flair,
l’intérêt pour le métier, le jugement et le courage étant autant d’éléments
qui, selon vous, permettent au journaliste de «développer des sujets pertinents
dans des textes qui éclaireront ses lecteurs ou leur feront connaître quelque
chose».
Vous exprimez en
outre l’avis que si on voulait maintenir la qualité de l’information, la publication
de tels textes devrait cesser. Même au nom de la liberté de l’information, on
ne peut permettre, selon vous, la publication d’un «texte aussi méprisant et
médiocre».
Analyse
Le Conseil ne retient pas votre plainte pour les raisons suivantes:
Le Conseil considère que l’attention que décide de porter un journaliste ou un organe d’information à un sujet particulier relève de son jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet de même que la façon de le traiter lui appartiennent en propre. Le Conseil ne saurait intervenir dans de telles décisions sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information, sauf pour revoir, si besoin est, les critères qui président à ces choix et qui ne seraient pas conformes au rôle des professionnels et des organes d’information de renseigner adéquatement la population sur les questions d’intérêt public.
Le Conseil est d’avis, d’autre part, que le genre journalistique particulier que constitue la chronique qui tient à la fois autant de l’éditorial et du commentaire que du reportage d’information, confère au journaliste une grande latitude dans le choix de ses sujets, la formulation de ses jugements, l’expression de ses prises de position et l’importance qu’il décide de leur accorder.
Or, dans le présent cas, le Conseil n’a pu déceler dans la chronique en question les dérogations à l’éthique journalistique ou à la responsabilité professionnelle que vous imputez au journal La Presse et à son journaliste dans ce dossier. En permettant au public de prendre connaissance des exigences rédactionnelles auxquelles le journaliste devait se soumettre ce soir-là, par les différentes allusions au peu d’intérêt démontré pour la partie en question par les journalistes assignés à la couverture de ce match, les remarques sur la tenue médiocre de certains joueurs, le salaire qui leur est accordé et le prix d’admission que doit débourser l’amateur de hockey pour assister à un tel match, cette chronique est apparue au Conseil comme étant une manifestation de l’exercice normal de la liberté d’expression et par conséquent de liberté de la presse, de même que conforme aux exigences du droit du public à l’information.
Ceci étant dit, le Conseil estime toutefois que les griefs que contient votre lettre devraient faire l’objet d’une lettre du lecteur que La Presse, en l’occurrence, pourrait publier ne serait-ce que pour faire état de votre point de vue.
Ceci pourrait constituer un autre exemple de la vigilance à laquelle se doit le public en ce qui concerne l’information qu’il reçoit, de même qu’un rappel aux professionnels et aux organes d’information des exigences d’une information adéquate sur des questions d’intérêt public.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C08A Choix des textes