Plaignant
Le Syndicat des
employés de CHNC-AM [Télémédia, New Carlisle]
Représentant du plaignant
M.
Gérard-Raymond Blais (président, Syndicat des employés de CHNC-AM [Télémédia,
New Carlisle])
Mis en cause
CHNC-AM
[Télémédia, New Carlisle] et M. Luc Plourde (directeur de l’information)
Résumé de la plainte
Depuis le début
du conflit qui l’oppose à ses employés syndiqués, CHNC utilise ses ondes afin de
défendre ses intérêts propres. La station néglige ainsi de rapporter les
initiative du syndicat et les manifestations de solidarité à son endroit. De
plus, le 4 janvier 1980, CHNC monopolise ses ondes afin de faire valoir son
seul point de vue. Finalement, le directeur de l’information de la station, M.
Luc Plourde, enregistre des textes publicitaires pour le compte de marchands
locaux au cours de ce conflit.
Griefs du plaignant
Le Conseil de presse
a terminé l’étude de la plainte dont vous le saisissiez, au nom du Syndicat des
employés de CHNC, contre la direction de cette station de radio et son
directeur de l’information, Monsieur Luc Plourde.
Selon le
Syndicat, depuis le début du conflit opposant cette station à ses employés
syndiqués mis en «lock-out» le 17 décembre 1979, CHNC aurait utilisé ses ondes
«dans le sens étroit de ses intérêts directs» en niant «d’évidente façon le
droit du public à l’information».
Plus
spécifiquement, le Syndicat dénonçait le bulletin de nouvelles du 4 janvier
1980 dans lequel CHNC, en informant pour la première fois ses auditeurs sur
l’existence du conflit en cours, favorisait un message visant à établir et
rendre publique la version patronale et à contester le contenu d’un article
paru dans l’hebdo Chaleur du 2 janvier précédent, alors qu’en aucune occasion
cette station n’a diffusé le point de vue du Syndicat sur ce conflit.
Ainsi, vous
reprochiez à la direction de CHNC et à son directeur de l’information d’avoir
volontairement omis, depuis le début des négociations, de faire état des
multiples initiatives du Syndicat ainsi que des nombreuses manifestations de
solidarité à son endroit; tels son communiqué du 19 novembre 1979 qui faisait
le point sur l’état des négociations et celui du 10 janvier 1980 dans lequel le
Syndicat rendait publique son «opération janvier», de même que la manifestation
d’appui des quelque deux cents travailleurs syndiqués gaspésiens du 4 février
1980.
Vous dénonciez
également le mutisme de CHNC sur les prises de position publiques des candidats
du Parti progressiste-conservateur et du Parti libéral fédéral du comté de
Bonaventure qui avaient décidé de boycotter cette station lors de la dernière
élection générale fédérale à cause du conflit existant.
Enfin, le
Syndicat trouvait inacceptable, du point de vue de l’éthique journalistique,
que Monsieur Plourde, à titre de directeur de l’information et ainsi appelé à
informer le public, ait, pendant la période du conflit, enregistré des textes
publicitaires «vantant les mérites des marchands locaux» qui, en tant que
notables, étaient susceptibles de faire l’objet de l’actualité.
Autant
d’attitudes de la part de la direction de CHNC qui, selon le Syndicat,
constituaient «des exemples incontestables de manipulation et de censure de
l’information».
Commentaires du mis en cause
Estimant que les
autres médias de la région pouvaient fort bien informer la population sur le
conflit de travail en question, Monsieur Arthur Houde, directeur général de
CHNC, faisait valoir au Conseil que la position du service des nouvelles était
celle de la «neutralité», comme en faisait foi la mise au point de CHNC, lue en
ondes le 4 janvier 1980, à la suite d’un article qui avait été publié dans le
journal Chaleur qui imputait le ralentissement du service des nouvelles à la
situation de lock-out décrété par CHNC.
Monsieur Houde
indiquait par ailleurs au Conseil que si CHNC n’avait pas fait état des prises
de position des représentants du Parti libéral et du Parti progressiste-conservateur
concernant leur décision de boycotter CHNC, c’est tout simplement parce que ces
partis se sont abstenus de lui soumettre leurs communiqués.
Enfin, il
informait le Conseil qu’au total, trois textes commerciaux seulement furent
enregistrés par le directeur de l’information et cela, en raison d’un surcroît
de travail pendant la semaine précédant Noël.
Analyse
Le Conseil estime que, contrairement à vos assertions, CHNC ne s’est pas indûment servie des ondes publiques pour n’exposer à ses auditeurs que sa seule version du conflit qui l’opposait au Syndicat que vous représentez et cela, en dépit du fait que cette station ait inévitablement communiqué sa perception des causes du conflit au cours d’un bulletin de nouvelles du 4 janvier 1980. Ce bulletin de nouvelles se voulait, selon le Conseil, une réplique ou une mise au point à l’article du 2 janvier du journal Chaleur, plutôt qu’une volonté de CHNC de traiter de façon unilatérale du conflit en question.
Le Conseil ne peut non plus conclure que le public ait été privé de son droit à l’information puisque, selon votre propre affirmation, les autres médias de la région ont fait largement écho au conflit de travail en question. Il estime cependant que les silences de CHNC ont pu avoir comme effet de priver la population de cette région d’une source d’information privilégiée. Sur ce point précis, le Conseil ne saurait exonérer complètement CHNC de tout blâme. Le Conseil considère en effet que l’information sur le conflit de travail en question aurait dû être communiquée aux auditeurs de CHNC au même titre que toute autre information d’intérêt public et cela, dans le respect des points de vue de chacune des parties en cause comme le commande l’équité.
Enfin, même s’il ne peut, dans le présent cas, reprocher au directeur de l’information de la station CHNC d’avoir enregistré les trois annonces publicitaires dont vous faites état, le Conseil croit devoir attirer l’attention des professionnels de l’information sur les dangers inhérents à une telle pratique. Le Conseil s’interroge en effet sur la compatibilité des fonctions qui, dans les organes d’information, relèvent des services de la publicité et celles qui relèvent du métier de journaliste.
A cet égard, le Conseil est d’avis que les journalistes devraient éviter toute situation susceptible de compromettre leur crédibilité d’informateurs publics et l’intégrité de l’information qu’ils transmettent à la population, même si dans les faits ces derniers s’acquittent convenablement de leur tâche. Le Conseil invite les professionnels de l’information à définir eux-mêmes les conditions dans lesquelles ils exerceront leur métier de façon à préserver leur propre crédibilité auprès du public qu’ils servent.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C12C Absence d’une version des faits
- C22E Travail extérieur incompatible