Plaignant
3 500
signataires d’une pétition
Représentant du plaignant
Mme Lise
Théberge, Mme Carmen Simard et Mme Danielle Dubé
Mis en cause
Le Journal de
Québec et Le Journal de Montréal
Représentant du mis en cause
M. Serge Côté
(directeur de la rédaction, Le Journal de Québec) et M. Gérard-P. Cellier
(directeur de l’information et de la production, Le Journal de Montréal)
Résumé de la plainte
En exploitant
l’image de la femme-objet pour mousser leurs ventes, Le Journal de Québec et Le
Journal de Montréal contribuent à perpétuer une image fausse, stéréotypée et
discriminatoire des femmes. De plus, ces journaux négligent de rendre compte,
en juste proportion, des activités des femmes et de leur apport à la société.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
Presse du Québec a terminé l’étude de la plainte portée par Mmes Lise Théberge,
Carmen Simard et Danielle Dubé, représentantes de 3 500 signataires d’une
pétition contre Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal.
Les plaignantes
reprochaient à ces deux journaux d’exploiter, par la publication des photos du
type «Petits matins» et «Rayon de soleil matinal», l’image de la femme-objet
pour mousser leur vente, contribuant ainsi à perpétuer une image fausse et
stéréotypée de la femme; une image qu’elles estimaient profondément
discriminatoire à son endroit.
Une telle façon
de procéder, tout à fait dénuée d’intérêt public, selon elles, leur paraissait
nettement injustifiable, tout comme elles jugeaient intolérable que ces
journaux négligent de rendre compte, en juste proportion, de l’activité et de
l’apport des femmes à la société.
Les plaignantes
estimaient enfin que l’interdiction de publier de telles photos ne pouvait
constituer une entrave au droit du public à l’information, puisqu’elles étaient
contraires à l’intérêt public; l’image qu’elles projettent étant propre à
maintenir un climat de violence physique et morale envers les femmes.
Les conséquences
d’une telle façon de faire apparaissaient aux plaignantes d’autant plus graves
qu’elle était pratiquée par des journaux d’information à large diffusion,
beaucoup plus accessibles au grand public que la presse spécialisée dans la
«pornographie» et identifiée comme telle.
Commentaires du mis en cause
Le directeur de
la rédaction du Journal de Québec, Monsieur Serge Côté, soutenait que c’était
minimiser le contenu du Journal de Québec que de prétendre que le «Rayon de
soleil matinal» faisait vendre le journal. Aussi trouvait-il que les termes
«obscène», «porno», etc., utilisés par les plaignantes étaient nettement
déplacés dans ce contexte et démontraient une méconnaissance profonde de ce
qu’est la pornographie.
Il était faux
aussi, selon Monsieur Côté, de prétendre que par la publication du «Rayon de soleil
matinal» Le Journal de Québec entretenait une attitude discriminatoire et un
climat de violence physique et morale envers les femmes.
Monsieur Côté
affirmait de plus au Conseil que les journaux avaient des politiques
rédactionnelles qui leur étaient propres et qu’il leur revenait de décider du
contenu de leur produit. Lorsque les événements le justifiaient, Le Journal de
Québec publiait des informations à caractère socio-politique et sportif
impliquant des femmes. Il était évident, selon lui, que dans le présent cas les
plaignantes n’avaient retenu que quelques éditions du journal pour établir leur
jugement.
Enfin,
disait-il, le journal n’étant pas distribué gratuitement, les lecteurs (dont 40
pour cent sont des femmes) demeuraient libres de l’acheter ou pas au même titre
que n’importe quelle «revue spécialisée».
Le directeur de
l’information et de la production du Journal de Montréal, Monsieur Gérard
Cellier, estimait que cette plainte aurait été beaucoup plus justifiée il y a
cinq ans alors que la «pin up de la page 7» était quelque peu dévêtue. On ne
pouvait voir, aujourd’hui, quelle sorte de frustration sexuelle la publication
des «Petits matins» pouvait satisfaire. Les griefs «d’obscénité» et de
«pornographie» utilisés dans le contexte de la plainte étaient, selon lui,
nettement exagérés.
Avant d’accuser
Le Journal de Montréal de négliger la femme, les plaignantes auraient eu
mérite, selon Monsieur Cellier, à lire les articles des nombreuses femmes
journalistes à l’emploi de ce journal.
Analyse
Le Conseil estime que la publication de photos du type «Petits matins» et «Rayon de soleil matinal» contribue à perpétuer une image fabriquée et stéréotypée de la femme. Le Conseil déplore que par inconscience ou par vénalité certains médias persistent à exploiter des clichés qui portent atteinte à l’intégrité des femmes; atteinte qui n’est souvent qu’amplifiée par la façon dont ces médias soulignent les contributions des femmes à la société.
Le Conseil n’a ni le pouvoir ni l’intention de prohiber le type d’illustrations remis en question ici. S’il le faisait, il deviendrait un instrument de censure puisqu’il interviendrait dans la détermination du contenu rédactionnel des organes d’information. Le Conseil considère en effet que l’autorité en de telles matières découle de l’entière responsabilité des organes et des professionnels de l’information.
Le Conseil espère cependant que les médias seront sensibles aux revendications des individus et des groupes qui sont en droit d’exiger d’eux une information de la plus haute qualité possible.
Analyse de la décision
- C18C Préjugés/stéréotypes