Plaignant
Le Comité des
citoyens du Vieux-Québec
Représentant du plaignant
M. Michel Doyon
(vice-président, Comité des citoyens du Vieux-Québec)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec] et M. Pierre Champagne (chroniqueur)
Représentant du mis en cause
M. Claude Beauchamp
(rédacteur en chef et éditeur adjoint, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
La chronique «Le
71 d’Auteuil est une auberge», parue dans l’édition du 22 mai 1980 du Soleil,
relie l’opposition de citoyens à l’émission d’un permis d’alcool à une
ordonnance de la Commission de contrôle des permis d’alcool, alors qu’elle vise
une autre demande toujours pendante devant la Commission. Le chroniqueur Pierre
Champagne substitue son propre jugement à celui de la Commission en présumant
d’une décision dans une cause qui n’a pas été entendue. Il accuse à tort le
Comité des citoyens du Vieux-Québec de mener une guerre contre le demandeur du
permis d’alcool.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte du Comité des citoyens du Vieux-Québec concernant
certaines erreurs de faits et attaques injustifiées dont il aurait été l’objet
dans votre chronique du 22 mai dernier intitulée: «Le 71 d’Auteuil est une
auberge».
Le Comité des
citoyens du Vieux-Québec trouvait inadmissible que vous le blâmiez pour les
décisions rendues par la Commission de contrôle des permis d’alcool et que vous
substituiez votre propre jugement à celui de la Commission en présumant d’une
décision qu’elle n’avait pas encore rendue dans une cause qui n’avait même pas
encore été entendue. Il ne pouvait y avoir aucun doute à ce sujet, selon le
plaignant, étant donné les citations que vous faisiez des textes d’opposition à
ce dernier dossier.
Le Comité des
citoyens du Vieux-Québec s’indignait en outre que vous l’accusiez, dans votre
chronique, de mener une guerre contre le propriétaire du 71 d’Auteuil, son
action visant avant tout à «préserver l’équilibre des fonctions,
l’environnement et la qualité de la vie du quartier».
Le Comité des
citoyens réfutait aussi votre affirmation à l’effet que le 71 d’Auteuil avait
été construit pour être un «hôtel», une «auberge», soutenant que dans l’Album
du centenaire de l’Université Laval 1852-1952, sur lequel vous appuyiez vos
dires, le mot «hôtel» signifiait «hôtel particulier», c’est-à-dire, «résidence
de prestige pour une grande famille».
Enfin, le Comité
s’interrogeait sur les motifs qui vous poussaient à vous faire le porte-parole
d’intérêts privés et à tenter d’intimider des gens qui agissent pour le bien
commun en tentant de sauvegarder leur quartier «considéré comme l’un des plus
importants sites historiques du Québec».
Commentaires du mis en cause
Vous souteniez
pour votre part que le Comité des citoyens avait tort de vous accuser de vous
être substitué à la Commission des contrôle des permis d’alcool du Québec,
puisque vous n’aviez fait que commenter une décision déjà rendue le 4 mars
1980, soit deux mois et demi avant la publication de votre article.
D’autre part,
c’était, selon vous, «un secret de polichinelle» que de dévoiler qu’il existait
«une guerre» ou «une guérilla historico-culturelle» entre le propriétaire du
71, d’Auteuil et le Comité des citoyens du Vieux-Québec; les médias
d’information en faisaient grandement écho depuis 1976.
Quant au mot
«hôtel», vous vous en étiez tenu à l’acception courante soit «une maison où on
loge les voyageurs» et non «une habitation de luxe occupée par une seule
famille» et que l’on doit appeler «hôtel particulier». Dans l’Album du
centenaire de l’Université Laval, il est question, disiez-vous, «d’hôtel et non
d’hôtel particulier».
Enfin, vous ne
voyiez pas comment le Comité des citoyens pouvait vous accuser de tenter de
l’intimider, alors que votre texte constituait plutôt, selon vous, un appel à
la conciliation entre les parties intéressées.
En faisant remarquer
au Conseil que Le Soleil avait publié, bien avant qu’elle ne fut présentée au
Conseil de presse, la lettre de la plainte du Comité des citoyens du
Vieux-Québec, le rédacteur en chef et éditeur adjoint d’alors, M. Claude
Beauchamp, en rejetait tout fondement valable.
Il ajoutait que
Le Soleil a toujours fait droit, non seulement dans ses colonnes réservées à
l’opinion des lecteurs, mais encore dans ses pages de nouvelles et de
commentaires, aux points de vue, aux revendications et aux activités du Comité
des citoyens du Vieux-Québec. Le Soleil véhicule aussi, comme c’est son droit
et son devoir, des opinions et des prises de position qui peuvent différer de
celles défendues par cet organisme.
Enfin, selon M.
Beauchamp, l’article visé par le plaignant était en tout point conforme aux
faits; seule la signification du mot «hôtel» pouvait prêter à interprétation.
Analyse
Le Conseil estime que vous avez manqué de rigueur et induit le public en erreur en utilisant à mauvais escient le texte d’apposition qui ne se rattachait nullement, comme vous l’affirmiez, à une ordonnance déjà rendue par la Commission de contrôle des permis d’alcool du Québec, soit celle du 4 mars, mais plutôt à une opposition présentée le 5 mai 1980 concernant une autre demande du même établissement et qui, selon nos renseignements, est toujours en délibéré.
Le Conseil ne retient cependant pas de griefs contre vous pour la façon dont vous avez, par ailleurs, traité le sujet en question étant d’avis que vous vous êtes tenu en deça des limites de la latitude rédactionnelle dont vous jouissez à titre de chroniqueur et qui vous permet d’adopter même un ton de polémiste pour prendre parti, exprimer des critiques, faire valoir des points de vue sur une idée, une personne ou un groupe.
Le Conseil a d’autre part pris bonne note du fait que Le Soleil a publié la lettre ouverte du plaignant dans son édition du 30 mai 1980, permettant ainsi au public de prendre connaissance de son point de vue.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11B Information inexacte
Appelant
Le Comité des
citoyens du Vieux-Québec
Décision en appel
Le plaignant en
appelle de la décision du Conseil, jugeant que ce dernier ne s’est pas prononcé
sur le fond du litige. Les membres du Conseil rejettent cet appel pour les
raisons suivantes:
1. Le délai
écoulé depuis le moment où le Conseil a rendu sa décision, soit le 26 novembre
1980, et celui de la demande du plaignant, le 2 septembre 1981, outrepasse non
seulement la période de trente jours prévue dans son règlement de procédure,
mais prohibe même toute extension que le Conseil voudrait accorder à
l’interprétation d’un délai raisonnable pour porter appel de l’une de ses
décisions.
2. Les motifs
invoqués au soutien de cette demande ne soulèvent, d’une part, aucun fait
nouveau. D’autre part, ils ne contiennent aucune démonstration à l’effet que le
Conseil aurait soit évité de se prononcer sur le fond du litige; soit le fait
que le journaliste se serait rendu coupable d’outrage au tribunal en faisant
état d’une question à l’étude devant la Commission de contrôle des permis
d’alcool ou encore que par sa décision, le Conseil se serait arrogé «le pouvoir
d’accorder à un potineur un droit que n’a aucun autre citoyen canadien et
d’aller à l’encontre de toute la jurisprudence et la doctrine légale canadienne
au sujet du sub judice».
A ce sujet, le
Conseil maintient, d’une part, qu’il ne relève que de l’appréciation des
pouvoirs judiciaires de décider si une personne s’est rendue ou non coupable
d’un outrage au tribunal. Une telle décision ne relève pas de la compétence du
Conseil. Dans sa décision, le Conseil ne confirme ni n’infirme l’existence du «sub
judice». Il se borne à reconnaître une situation de fait, soit que le
chroniqueur a fait référence dans son article à une demande qui était pendante
devant la Commission des permis d’alcool. Le Conseil ne se prononce pas, et
pour cause, sur le fait de savoir si le journaliste avait le droit de le faire
ou non. Encore une fois, il ne lui appartient pas de disposer de cet aspect de
la question qui relève de l’appréciation des tribunaux.
Analyse de la décision en appel
- C17H Procès par les médias
- C24C Règles de procédure