Plaignant
La Ligue
nouvelle des propriétaires de taxis de Montréal
Représentant du plaignant
M. Jean-Paul Ste-Marie
(directeur général, Ligue nouvelle des propriétaires de taxis de Montréal)
Mis en cause
La Presse
[Montréal], M. Michel Girard, M. Denis Masse et M. Guy Pinard (journalistes)
Résumé de la plainte
En 1980, La
Presse publie, sous la signature des journalistes Michel Girard, Denis Masse et
Guy Pinard, une série d’articles partiaux qui portent atteinte à la réputation
de la Ligue nouvelle des propriétaires de taxis de Montréal. Certaines
informations sont inexactes, imprécises ou incomplètes. Certains titres
faussent la réalité et ne correspondent pas au contenu des articles qu’ils
coiffent.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude des diverses plaintes portées par la Ligue nouvelle
des propriétaires de taxis de Montréal inc. le 2 juin, 30 septembre, 23 octobre
et 21 novembre 1980, contre les articles de MM. Michel Girard, Denis Masse et
Guy Pinard, journalistes au quotidien La Presse. La Ligue faisait aux
journalistes les griefs suivants:
1) M. Michel
Girard, articles des 1er et 2 mai 1980:
La Ligue reprochait
à M. Girard d’avoir affirmé dans ces articles qu’elle visait le «contrôle
complet du taxi sur le territoire» qu’elle dessert. Le journaliste avait
également eu tort d’affirmer que les dirigeants de la Ligne n’avaient pas
respecté la volonté du ministre des Transports qui avait fixé la cotisation de
1980 à 35,00$; qu’ils avaient changé l’année fiscale sans l’autorisation de
leurs membres et qu’ils avaient illégalement imposé une cotisation annuelle de
75,00$. Le journaliste s’était également fourvoyé en affirmant que ces mêmes
dirigeants avaient introduits un nouveau critère d’éligibilité aux élections
qui n’était pas conforme à la constitution de la Ligue; qu’ils avaient acheté
un immeuble sans l’autorisation des membres et enfin qu’il y avait eu nomination
illégale d’un membre du conseil d’administration.
2) M. Michel
Girard, article du 16 octobre 1980:
Selon la Ligue,
le titre de cet article, «La Ligue nouvelle fait marche arrière», n’était pas
conforme aux faits. D’autre part, en affirmant que la cotisation de 1980 était
de 35,00$ «comme le fixe la loi», le journaliste donnait une opinion légale et
décrétait que tel était le montant de cette cotisation alors que ce sont des
règlements soumis à l’approbation du ministre qui déterminent ce montant.
3) M. Michel
Girard, article du 18 octobre 1980:
La Ligue
reprochait à cet article intitulé «Des propriétaires de taxis auraient été
victimes de menaces et de brutalités», de ne donner que le point de vue de
l’avocat des intervenants à l’exclusion de la preuve qu’elle avait offerte et
qui n’a rien révélé des menaces et des brutalités rapportées par le
journaliste.
4) M. Michel
Girard, article du 21 novembre 1980:
Cet article,
«Cotisation 79 : La Ligue A-11 cède devant les contestataires», a eu comme effet
d’induire le public en erreur puisque d’une part la Ligue n’a absolument rien
cédé. D’autre part, la seule «cotisation» qui ait eu une approbation
ministérielle s’élève à 60,00$ et date de 1978. Cent cinquante-huit membres et
non 2000 ont déposé des sommes entre les mains du ministre des Finances. Quant
à la cotisation spéciale pour la maison du taxi, il s’agissait-là d’une
cotisation votée par l’assemblée générale des membres et approuvée par le
ministre.
5) M. Guy
Pinard, article du 27 septembre 1980:
Selon la Ligue,
le titre «Laissez-moi finir» coiffant cet article n’était pas justifié. Les
allégations quant aux «interventions intempestives» du procureur de la
plaignante étaient de nature à induire le public en erreur. En outre, le
procureur de la Ligue, Me Pothier Ferland, niait avoir siégé à la Commission
juridique du Parti québécois, comme l’affirmait le journaliste.
6) M. Denis
Masse, article du 23 septembre 1980:
Selon la Ligue,
M. Masse a eu tort d’affirmer dans son article que les administrateurs de la
Ligue avaient avoué devant la Commission des transports avoir autorisé une
dépense de 33 000 $ prise au compte courant de l’organisme pour acquérir ou
faire construire une maison du taxi à Montréal sans soumettre cette dépense à
l’assemblée générale des membres. Le journaliste a eu aussi tort d’écrire que
la Commission des transports du Québec menait une «enquête» ordonnée par le
ministre.
Commentaires du mis en cause
1) Réplique de
M. Michel Girard, articles des 1er et 2 mai 1980:
Il serait
prématuré de livrer au Conseil des commentaires sur ces deux articles puisque
la Commission des transports mène, depuis septembre 1980, une enquête sur
l’ensemble des faits mentionnés dans ces reportages.
2) Réplique de
M. Michel Girard, article du 16 octobre 1980:
Le titre de cet
article, «La Ligue nouvelle fait marche arrière», est fort juste puisqu’il
s’appuie sur le retrait des trois requêtes déposées devant la Commission des
transports du Québec par la Ligue au sujet de la révision des permis de taxis
détenus par les propriétaires de taxis contestataires. Quant à l’expression
«comme le fixe la loi», elle signifie qu’en vertu du règlement no 6 afférent à
la loi des transports, c’est le ministre des Transports qui a le pouvoir
d’approuver et d’établir de tels montants.
3) Réplique de
M. Michel Girard, article du 18 octobre 1980:
Cet article,
«Des propriétaires de taxis auraient été victimes de menaces et de brutalités»,
rapportait fidèlement les débats de la journée d’audience et ne présumait en
rien de leurs résultats puisque ce sera au juge de décider «que la preuve n’a
rien révélé de ce que ce journaliste a rapporté». Il faudra attendre le rapport
de la Commission des transports avant de tirer quelque conclusion que ce soit.
4) Réplique de
M. Michel Girard, article du 21 novembre 1980:
L’article
«Cotisation 79 : La Ligue A-11 cède devant les contestataires» rapporte
fidèlement le contenu d’un règlement hors cour entre la Ligue et le groupe des
propriétaires de taxis contestataires, qui avait demandé de réduire de 15,00$
la cotisation de 1979. Quant à la cotisation de 60,00$, il est prématuré de
conclure quoi que ce soit, puisque c’est la Commission des transports qui aura
à trancher le dilemme à la fin de l’enquête. Il n’a jamais été question de 2000
membres qui ont déposé des sommes entre les mains du Ministre des finances
comme le soutient la plaignante, mais plutôt d’une cinquantaine de membres.
5) Réplique de
M. Guy Pinard, article du 27 septembre 1980:
Sans vouloir
juger de la pertinence des interventions de Me Pothier Ferland, le journaliste
déçu de son attitude qu’il considérait comme inutilement agressive, sinon
déplacée (interruptions incongrues du président du Tribunal, interruptions des
avocats du ministre et des intervenants, remarques sarcastiques, etc.), visait
à témoigner du ton général qui se dégageait de ces interventions.
Quant à la
présence de Me Pothier Ferland sur la Commission juridique du Parti québécois,
le journaliste ne faisait que rapporter une information qui lui avait été
confirmée par le siège social du Parti québécois à Montréal.
6) Réplique de
M. Denis Masse, article du 23 septembre 1980:
Le compte rendu
devant la Commission des transports quant à la dépense non autorisée par
l’assemblée générale des membres de la Ligue est fidèle et exact. Bien que l’on
puisse discuter de l’ampleur du mot «enquête», il s’agit bel et bien d’une
forme d’enquête.
Analyse
1) M. Michel Girard, articles des 1er et 2 mai 1980:
Le Conseil n’est pas en mesure de se prononcer sur la véracité des allégués contenus dans les articles des 1er et 2 mai 1980 de M. Michel Girard, puisque d’une part certains d’entre eux font l’objet de l’attention des tribunaux. D’autre part, comme l’indique le journaliste, seul le rapport de la Commission de transports, lorsqu’il sera rendu public, pourra déterminer si certaines autres informations rapportées étaient fondées ou non.
2) M. Michel Girard, article du 16 octobre 1980:
Selon le Conseil, le titre du 16 octobre est justifié par le contenu de l’article qui explicite comment la démarche de la Ligue de taxis peut être interprétée comme un pas en arrière.
Le Conseil reconnaît que l’expression «comme le fixe la loi» manque de précision. Ce manque est toutefois mineur et n’a pas comme effet d’induire le public en erreur puisque c’est effectivement de par la loi et les règlements qui en découlent que le ministre des Transports tire son pouvoir de fixer le montant des cotisations.
3) M. Michel Girard, article du 18 octobre 1980:
Le Conseil estime qu’il aurait été plus équitable et plus conforme aux exigences du droit du public à l’information que le journaliste fit également état, dans son article du 18 octobre, des objections formulées par le procureur de la Ligue aux témoignages des intervenants devant la Commission des transports plutôt que de ne s’en tenir qu’à rapporter ces derniers. Une telle façon de faire aurait mieux convenu à la responsabilité du journaliste d’informer adéquatement et complètement le lecteur.
4) M. Michel Girard, article du 21 novembre 1980:
Le Conseil estime enfin que le titre du 21 novembre 1980, «Cotisation 79: La Ligue A-11 cède devant les contestataires», était conforme au contenu de l’article qu’il coiffait. L’utilisation du mot «cède» lui est aussi apparu justifiée par les faits, puisque d’une part, la Ligue a coupé de 15,00$ le montant de la cotisation exigée pour 1979. D’autre part, elle a renoncé à toutes les poursuites qu’elle avait engagées contre les membres qui la contestaient.
Quant à la cotisation de 60,00$, la seule, selon le président de la Ligue, à avoir été approuvée par le ministre des Transports, le journaliste rapporte avec exactitude, selon le Conseil, l’état du litige sur cette question.
Jamais le journaliste n’a fait état que 2000 membres de la Ligue aient versé des sommes entre les mains du ministre des Finances comme le soutient la plaignante, mais bien d’une cinquantaine.
Enfin, le Conseil n’est pas en mesure de déterminer si la cotisation spéciale pour la maison du taxi fut «imposée» comme l’affirme le journaliste, ou «votée en assemblée générale», comme le prétend le président de la Ligue, étant en présence de versions contradictoires à ce sujet. Le Conseil est d’avis toutefois que le journaliste a informé adéquatement le public sur le dilemme entourant cette question.
5) M. Guy Pinard, article du 27 septembre 1980:
Le Conseil est d’avis que le titre de cet article était conforme au contenu de l’article en question.
Le journaliste a respecté les limites de la latitude rédactionnelle dont il jouit à titre de chroniqueur et qui lui permet d’adopter même un ton de polémiste pour prendre parti, exprimer ses critiques, faire valoir ses points de vue sur une idée, une personne ou un groupe.
Le Conseil a pu vérifier auprès du siège social du Parti québécois à Montréal que l’affirmation du journaliste à l’effet que Me Pothier Ferland avait déjà siégé sporadiquement à la Commission juridique du Parti québécois était exacte, sinon pertinente.
6) M. Denis Masse, article du 23 septembre 1980:
En présence des versions opposées du journaliste et du procureur de la Ligue quant à la dépense de 33 000$, le Conseil ne peut déterminer si effectivement le journaliste s’en est tenu à rapporter fidèlement les faits. Bien que le procureur de la Ligue s’érige fortement contre l’affirmation du journaliste à cet égard; qu’il affirme au Conseil «qu’il n’a jamais été question d’un tel aveu dans la preuve» et qu’il «sait pertinemment bien que tel n’est pas le cas», il ne fait aucunement la démonstration que les faits rapportés par le journaliste soient faux. Le Conseil ne peut en rien présumer que le journaliste ait fabriqué une telle histoire, sans plus ample démonstration à l’effet contraire.
Quant au terme «enquête» qu’on retrouve couramment dans les articles des journalistes concernés relativement à l’activité de la Commission des transports dans cette affaire, le Conseil est d’avis qu’il est justifié et qu’il n’a pas comme effet d’induire le public en erreur puisque dans les faits, la Commission des transports utilise bel et bien des pouvoirs d’enquête pour remplir le mandat que lui a confié le ministre des Transports du Québec.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11H Terme/expression impropre
- C12A Manque d’équilibre