Plaignant
M. Jean-Guy
Ramsay (chroniqueur-pigiste)
Mis en cause
L’Office des
personnes handicapées du Québec
Représentant du mis en cause
M. Robert
Capistran (directeur, Office des personnes handicapées du Québec)
Résumé de la plainte
Par crainte de
voir le plaignant écrire des choses pouvant être nuisibles au financement de la
revue Feux-Verts, destinée aux personnes handicapées du Québec, la direction de
l’Office des personnes handicapées du Québec intervient auprès du responsable
de celle-ci. Cette intervention empêche le plaignant d’écrire sa chronique
habituelle pendant deux mois.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Jean-Guy Ramsay qui vous
reprochait d’avoir porté atteinte à sa liberté d’expression par votre
intervention auprès des responsables de la revue destinée aux personnes
handicapées du Québec, Feux Verts.
Selon monsieur Ramsay,
votre mise en garde, comme directeur de l’Office des personnes handicapées du
Québec (OPHQ), auprès du coordonnateur de Feux Verts aurait eu comme effet de
le priver de son droit de rédiger sa chronique habituelle pendant les mois de
novembre et décembre 1980.
Le plaignant
était d’avis que de telles interventions de la part d’un haut fonctionnaire
dans les affaires courantes d’un magazine constituaient un danger pour la
liberté de la presse. Il estimait en outre que votre crainte à l’effet qu’il rédige
de «mauvaises choses» sur l’OPHQ était non fondée puisqu’il avait fait part à
la rédactrice en chef du magazine, dans une lettre du 26 août 1980, de son
intention de ne pas assumer la responsabilité d’un reportage sur l’OPHQ pour le
numéro spécial d’octobre 1980, par souci d’objectivité étant donné qu’il avait
déjà travaillé pour l’OPHQ qui, par la suite, l’avait remercié de ses services.
Commentaires du mis en cause
Le coordonnateur
d’alors du magazine en question, monsieur Jacques Brodeur, affirmait au
Conseil, pour sa part, que vous vous étiez effectivement informé auprès de lui
pour savoir si monsieur Ramsay allait écrire «contre» l’OPHQ dans un futur
numéro du magazine en lui indiquant que vous trouveriez malheureux qu’une telle
éventualité porte ombrage à vos relations avec Feux Verts.
Par ailleurs, si
monsieur Brodeur avait empêché monsieur Ramsay d’écrire une chronique dans le
numéro spécial d’octobre ou de critiquer l’OPHQ, c’était parce que ce dernier
ne respectait pas la ligne de pensée du magazine. En outre, il aurait été fort
regrettable, disait-il, de commencer l’année internationale des personnes
handicapées sur un pied de guerre avec l’OPHQ, vu que Feux Verts n’avait pas
«les moyens de se payer un affrontement ouvert» avec l’Office. Aujourd’hui comme
alors, Feux Verts subsistait grâce à une subvention OSE de l’Office de
planification et de développement du Québec et il aurait été facile pour l’OPHQ
de faire pression pour lui couper les vivres sous prétexte que ce magazine ne
jouait pas le rôle qu’on attendait de lui. Bien que ce n’était pas là le but de
son numéro spécial d’octobre, Feux Verts ne pouvait se permettre, vu sa
situation financière précaire, de dénoncer publiquement «le malfonctionnement
de l’OPHQ».
Il était exact,
comme vous l’affirmiez au Conseil, que vers la fin du mois d’août 1980, vous
aviez communiqué avec monsieur Brodeur «pour lui demander de vérifier la
véracité du contenu d’un article que pourrait éventuellement écrire monsieur
Ramsay sur l’Office des personnes handicapées du Québec vu les circonstances
entourant son congédiement de l’Office». Vous ne lui auriez jamais dit,
cependant, que monsieur Ramsay s’apprêtait à écrire de «mauvaises choses» sur
l’Office, puisqu’à l’époque l’information que vous possédiez ne vous permettait
pas de tirer une telle conclusion.
D’autre part, la
lettre par laquelle monsieur Ramsay affirmait à la rédactrice en chef de Feux
Verts qu’il lui serait difficile de tirer un jugement honnête sur la situation
de l’Office, confirmait vos appréhensions.
Enfin, la
situation dénoncée par le plaignant vous paraissait relever plutôt des affaires
internes de Feux Verts que de votre conversation avec monsieur Brodeur.
Analyse
Le Conseil est d’avis que votre intervention auprès du coordonnateur du magazine Feux Verts constitue une ingérence indue, susceptible d’influer sur le contenu rédactionnel d’un média. Celle-ci a, de toute évidence, conduit à la décision du coordonnateur du magazine de retirer pour les mois de novembre et de décembre 1980 la chronique habituelle qu’y tenait le plaignant. En conséquence, votre intervention a-t-elle eu comme effet, au sens du Conseil, de compromettre le libre exercice du métier de journaliste et l’indépendance rédactionnelle d’un organe d’information.
Le Conseil engage les organes d’information à faire preuve de grande vigilance dans de telles situations afin de préserver l’indépendance rédactionnelle qui leur est essentielle s’ils veulent informer le public de façon adéquate.
Analyse de la décision
- C06D Ingérence extérieure dans la rédaction