Plaignant
Mme Carole de Vault
et M. William Johnson (journaliste, The Globe and Mail [Toronto]); M. Marc
Laurendeau (journaliste, La Presse [Montréal])
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. Marc Laurendeau (journaliste); Mme Carole de Vault, The Globe
and Mail [Toronto] et M. William Johnson (journaliste)
Résumé de la plainte
Mme Carole de
Vault dénonce le caractère diffamatoire des écrits publiés par La Presse les 4
octobre 1980, 31 janvier et 6 février 1981 sous la signature de M. Marc
Laurendeau. Elle accuse ce dernier d’avoir porté atteinte à sa réputation et
d’avoir discrédité la valeur de son témoignage à la Commission Keable sur les
événements d’octobre 1970 en l’accusant, notamment, d’y avoir tenu des propos
calomnieux. M. William Johnson, s’en prenant aux mêmes articles, reproche à M.
Laurendeau les attaques personnelles à son endroit ainsi que celles dirigées
contre Mme de Vault. Il reproche au journaliste d’avoir semé le doute sur sa
capacité d’évaluer objectivement les événements d’octobre 1970. Il demande
enfin au Conseil de presse de se pencher sur plusieurs de ses articles
s’échelonnant sur les quatre dernières années, dans lesquels il traite de
l’actualité québécoise et commente la façon dont les journalistes québécois
couvrent l’actualité politique. M. Laurendeau porte plainte contre Mme de Vault
et M. Johnson, les accusant d’avoir induit le public en erreur sur plusieurs
faits de la Crise d’octobre. Il reproche à Mme de Vault d’avoir signé, comme
principale intéressée, un article paru à la «une» de l’édition du 27 septembre
1980 du Globe and Mail, et à M. Johnson de s’être compromis en signant,
conjointement avec cette dernière, un article dans l’édition du 28 janvier 1981
du même journal. A cause de la relation personnelle qu’entretient les intimés
et de l’intérêt qu’a Mme de Vault à justifier son rôle dans les événements
d’octobre, M. Johnson aurait dû chercher une version plus diversifiée des
faits, sinon s’abstenir de traiter lui-même du sujet.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de madame Carole de Vault et de monsieur
William Johnson, journaliste au quotidien torontois The Globe and Mail, contre
monsieur Marc Laurendeau du journal La Presse de Montréal et celle de ce
dernier contre monsieur William Johnson et madame de Vault.
– Plainte de Mme
de Vault et de M. Johnson contre M. Laurendeau
Madame de Vault
dénonçait le caractère diffamatoire des écrits des 4 octobre 1980, 31 janvier
et 6 février 1981 de monsieur Marc Laurendeau et accusait ce dernier d’avoir porté
atteinte à sa réputation en discréditant, auprès de l’opinion publique, la
valeur de son témoignage devant la Commission Keable sur les événements
d’octobre 1970. Monsieur Laurendeau l’accusait, entre autres, d’avoir tenu des
propos «calomnieux» devant cette Commission.
S’en prenant aux
mêmes chroniques, monsieur Johnson dénonçait les attaques personnelles que
monsieur Laurendeau proférait contre lui et madame de Vault. Monsieur Johnson
accusait de même monsieur Laurendeau d’avoir semé le doute sur sa crédibilité
professionnelle et sur sa capacité d’évaluer objectivement certains événements
de la crise d’octobre 1970. Un comportement de cette sorte de la part d’un
confrère et pour la seule raison que ce dernier ne partageait pas son
interprétation de la crise d’octobre était, selon monsieur Johnson,
inadmissible et peu conforme à l’éthique journalistique.
Monsieur Johnson
demandait enfin au Conseil de se pencher sur une série de ses articles
s’échelonnant sur les quatre dernières années dans laquelle il traitait de
l’actualité québécoise et commentait la façon dont les journalistes du Québec
couvraient les événements politiques. Ces articles, selon monsieur Johnson,
furent perçus par les journalistes québécois comme des remontrances d’ordre
éthique sur leur comportement qui lui valurent d’être l’objet des sarcasmes de
l’ensemble de la profession, de la «haine de certains de ses collègues» et d’un
«certain ostracisme» à la Tribune parlementaire du Québec.
– Plainte de M.
Laurendeau contre Mme de Vault et M. Johnson
M. Laurendeau
portait plainte contre madame de Vault et monsieur Johnson prétendant qu’ils
avaient induit le public en erreur sur plusieurs faits de la crise d’octobre:
madame de Vault en signant comme principale intéressée un article paru à la une
de l’édition du 27 septembre 1980 du quotidien torontois The Globe and Mail;
monsieur Johnson de s’être directement compromis en signant, conjointement avec
madame de Vault, le 28 janvier 1981, un article dans le même journal. Etant
donné la «relation éminemment personnelle» que monsieur Johnson et madame de
Vault entretenaient et l’intérêt que cette dernière avait à justifier son rôle
dans les événements d’octobre, monsieur Johnson aurait dû, selon monsieur
Laurendeau, chercher une version plus diversifiée des faits, sinon s’abstenir
de traiter lui-même de cette question, ce qui aurait été plus conforme à
l’éthique du journalisme.
Commentaires du mis en cause
Monsieur
Laurendeau niait tout fondement à la plainte déposée contre lui. D’un point de
vue journalistique, il avait eu fort raison de confronter, pour le bénéfice du
public, le témoignage de madame de Vault à d’autres sources, selon lui, plus
objectives et de mettre en doute les chroniques de monsieur Johnson qui
s’appuyaient sur le seul témoignage de cette dernière.
Analyse
Le Conseil ne peut se prononcer sur les faits que madame de Vault, monsieur Johnson et monsieur Laurendeau prétendent avoir rapportés aussi fidèlement que possible, selon leur point de vue d’analystes, leurs sources propres ou encore leur interprétation personnelle des événements. Aussi, ces informations sont-elles difficilement vérifiables. Même deux commissions d’enquête n’ont pu arriver à démêler cet écheveau!
Il ne relève pas non plus de la compétence du Conseil de se prononcer sur le caractère «diffamatoire» des propos que madame de Vault reproche à monsieur Laurendeau d’avoir tenus à son endroit. Un tel jugement relève de l’appréciation des tribunaux. Ä ce sujet cependant, le Conseil estime que certaines épithètes parfois employées par monsieur Laurendeau à l’égard des plaignants ont pu avoir comme effet de les discréditer auprès de l’opinion publique.
Quant à l’appréciation que monsieur Johnson demande au Conseil de faire sur la valeur journalistique de sa série d’articles sur l’actualité politique québécoise, il n’appartient pas au Conseil de faire ce genre de jugement déclaratoire. Suffit-il de dire qu’aucun de ces articles n’a fait l’objet d’une plainte formelle devant le Conseil comme étant contraire au droit du public à l’information ou à l’éthique professionnelle.
Concernant le grief formulé par monsieur Laurendeau contre monsieur Johnson en ce qui a trait au conflit d’intérêts dans lequel se serait mis ce dernier en acceptant de signer un article conjointement avec madame de Vault, le Conseil estime qu’effectivement monsieur Johnson a manqué de prudence et s’est lui-même exposé à ce que soit mise en doute sa crédibilité d’informateur public. Le Conseil est d’avis que les professionnels de l’information devraient éviter ce genre de situation qui risque de compromettre l’intégrité de l’information qu’ils livrent au public.
Enfin, le Conseil s’est interrogé sur la façon de faire du Globe and Mail qui, en consacrant dans ce cas sa première page du 27 septembre 1980 à un écrit de madame de Vault sans prendre la peine d’indiquer plus clairement qu’il s’agissait là du témoignage d’une personne intéressée aux événements d’octobre, a conféré à cet article un caractère d’écrit journalistique qu’il n’avait pas.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C17C Injure
- C20A Identification/confusion des genres
- C22F Liens personnels