Plaignant
L’Université de
Montréal
Représentant du plaignant
M. Paul Lacoste (recteur,
Université de Montréal)
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal] et M. Marc Renaud (réalisateur)
Résumé de la plainte
Un reportage
traitant de «L’école progressiste», présenté le 18 novembre 1980 dans le cadre
de l’émission «Télémag» diffusée par la Société Radio-Canada, présente un caractère
biaisé et trompeur en plus de souffrir d’une recherche déficiente. Ce reportage
d’avère incomplet, inexact et partial, avec tous les inconvénients que cela
peut causer à l’Université de Montréal.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de votre plainte contre la Société Radio-Canada
concernant le reportage intitulé: «L’école progressiste», présenté dans le
cadre de l’émission Télémag du 18 novembre 1980. Ce reportage avait eu, selon
vous, comme effet d’induire le public en erreur puisque, d’entrée de jeu,
l’animateur Pierre Olivier le situait dans le cadre de «la grève des étudiants
de la section préscolaire-primaire de la Faculté des sciences de l’éducation»
de l’Université de Montréal.
En plus de cette
introduction trompeuse, vous dénonciez la recherche gravement déficiente de ce
reportage de même que son caractère biaisé. Il vous apparaissait en outre que
le sujet abordé avait été traité de façon incomplète, inexacte et partiale,
pour ne pas dire carrément malhonnête, sinon dans les intentions, du moins par
l’impact créé auprès du public, avec tous les inconvénients que cela a pu
causer à l’Université de Montréal.
Le reportage en
question aurait été plus objectif si l’animateur n’avait pas lié les manifestations
étudiantes du 18 novembre 1980 aux revendications du groupe de pédagogie
progressiste «La maîtresse d’école». Ces manifestations avaient été organisées
pour soutenir une toute autre cause, soit celle de monsieur Guy Héroux, accusé
de vol et recel de chèques et mandats d’une valeur de 70 000 $ appartenant à
l’Université de Montréal.
L’émission en
question aurait été plus juste et plus exacte si Radio-Canada avait fait état
de la véritable nature et de la véritable idéologie défendue par le groupe «La
maîtresse d’école» et si Radio-Canada avait évité d’accuser l’Université de
Montréal d’exercer de la discrimination à l’endroit de cette idéologie.
Selon vous,
l’animateur de l’émission aurait dû mentionner que l’Université de Montréal
avait offert un contrat de chargé de cours à monsieur Richard Gendron du groupe
«La maîtresse d’école» et que celui-ci l’avait refusé. Ceci aurait démontré la
volonté de l’Université de Montréal de maintenir le courant de pédagogie
progressiste à la Faculté des sciences de l’éducation. Il aurait aussi dû
éviter de présenter l’équipe de pédagogie progressiste comme un groupe de
l’Université de Montréal ou constitué par elle, ou encore d’affirmer que ce
groupe avait découvert les méthodes actives. Enfin, il aurait aussi été
important d’établir pour le public, la différence entre un professeur et un
chargé de cours.
Radio-Canada
aurait présenté un reportage mieux équilibré si elle avait pris la peine de
recueillir un plus grand nombre de témoignages de personnes indépendantes du
mouvement «La maîtresse de l’école» sur la valeur de la pédagogie progressiste.
En omettant de ce faire, Radio-Canada avait, selon vous, pratiqué une forme de
censure inadmissible et a empêché le public de se former librement une opinion
valable et éclairée, tout en donnant à tort l’impression que la majorité des
étudiants en pédagogie réclamait des projets de pédagogie progressiste.
Radio-Canada
aurait dû aussi, selon vous, requérir des points de vue différents et
diversifiés sur le refus d’accorder à monsieur Michel Desjardins, qui
enseignait la pédagogie progressiste depuis six ans, son agrégation. Sur ce
dernier point, entre autres, Radio-Canada aurait dû expliquer aux
téléspectateurs que ce refus résultait de la décision de plusieurs instances universitaires,
notamment des pairs de monsieur Desjardins, plutôt que de les laisser sous
l’impression qu’elle ne reposait que sur le verdict du conseil de l’Université.
Commentaires du mis en cause
Le directeur de
l’information de Radio-Canada, monsieur Marc Thibault, transmettait au Conseil,
en guide de réponse à la demande d’explications de ce dernier, la version des
faits du réalisateur du reportage en question, monsieur Marc Renaud.
Selon monsieur
Renaud, la présentation du reportage en question par l’animateur Pierre Olivier
ne trahissait en rien le titre de l’émission qui portait effectivement sur la
pédagogie progressiste. Il n’était que normal que l’animateur ancre «dans
l’actualité plus connue, grève d’étudiants à l’Université de Montréal, le sujet
qu’il présentait: La pédagogie progressiste…». En outre, les manifestations
étudiantes n’étaient pas que liées au cas Héroux, mais à un ensemble de
revendications dont certaines étaient rattachées au programme de pédagogie
progressiste défendu par le groupe «La maîtresse d’école».
Loin de
rechercher à accabler l’Université de Montréal ou de la laisser entendre
qu’elle pouvait exercer de la discrimination à l’endroit de la pédagogie
progressiste, le but du reportage était plutôt de montrer que ce courant avait
suffisamment d’appui pour avoir droit de cité à la Faculté des sciences de
l’éducation de l’Université. Monsieur Renaud rejetait donc le bien-fondé de
votre plainte, dans la mesure où le reportage a bien montré ce qu’est la
pédagogie progressiste du groupe «La maîtresse d’école».
Ce groupe fut
présenté avec exactitude. Par exemple, jamais il n’a été dit dans le reportage
que «La maîtresse d’école» était un groupe de l’Université ou constitué par
elle, non plus que ce groupe avait découvert les méthodes actives. Il a aussi
été bien précisé dans ce reportage que toutes les instances décisionnelles de
l’Université de Montréal avaient refusé l’agrégation de monsieur Desjardins.
Vous vous êtes vous-même expliqué à ce sujet au cours du reportage en question.
De plus, vous aviez eu tout loisir, au cours de vos diverses interventions, de
mieux informer le téléspectateur sur la véritable idéologie que, selon vous,
défend le groupe «La maîtresse d’école»
Quant à
l’équilibre des points de vue exprimés au cours de ce reportage, monsieur
Renaud croyait qu’il avait été respecté. Il était bien normal, selon monsieur
Renaud, d’interroger le seul professeur qui enseignait la pédagogie
progressiste. Le but du reportage n’était aucunement de démontrer que vous
auriez été le seul à vous opposer à ce courant. En ce qui concerne le
témoignage du président du syndicat des professeurs de l’Université de
Montréal, tant sur la valeur de la pédagogie progressiste que sur la
non-agrégation de monsieur Desjardins, ce dernier avait refusé l’interview tant
que le grief concernant monsieur Desjardins ne serait pas réglé. Enfin, le fait
de ne pas avoir interviewé les autres personnes que vous mentionniez (soit le
directeur général du développement pédagogique du ministère de l’Education, des
professeurs de la section préscolaire-primaire qui ne font pas partie du
groupe, d’étudiants indifférents ou hostiles à la pédagogie progressiste et le
Syndicat des professeurs de l’Université de Montréal), s’explique par le fait
qu’aucun reportage ne peut être la somme de toutes les informations
pertinentes, non plus que de répondre à toutes les questions que les intéressés
peuvent se poser sur un sujet donné. Il s’agit surtout de dégager les lignes
essentielles de la question, sans submerger le téléspectateur dans des
complexités inutiles.
A ce sujet,
monsieur Renaud mentionnait que s’il n’avait pas interviewé tous ceux qui
s’opposaient à la pédagogie progressiste, il n’avait pas non plus fait mention
de tous les appuis dont jouit ce courant, ce dont on pourrait aussi lui faire
grief. «Encore une fois, un reportage ne peut tout dire!», concluait-il.
Analyse
Le Conseil ne peut attribuer les manquements que vous reprochez au reportage en question à un manque de rigueur professionnelle de la part de Radio-Canada. Le Conseil ne retient pas vos prétentions à l’effet que ce reportage a trompé le public, soit en rapportant de la fausse information ou en omettant de donner des informations que ce dernier était en droit de connaître parce qu’il n’a pas fait mention de toutes les préoccupations dont fait état votre plainte. Certes, le reportage aurait pu être plus exhaustif, mais l’on ne peut pour autant blâmer un organe d’information de faute professionnelle pour ne pas avoir traité de tous les aspects de la question dont il a choisi d’informer le public. La discrétion rédactionnelle du professionnel de l’information, autant que les contraintes inhérentes à l’exercice du métier, l’interdisent.
Compte tenu de l’offre que vous faisait monsieur Renaud de participer à une émission ultérieure de Télémag pour faire valoir votre point de vue sur cette affaire, le Conseil est d’avis que vous auriez dû tenter de négocier avec la Société Radio-Canada les modalités d’une telle participation en sorte de mieux éclairer le public sur les aspects qui, dans le reportage, vous avaient semblé avoir été injustement laissés de côté.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11B Information inexacte
- C15A Manque de rigueur