Plaignant
L’Association
des enseignants du CEGEP de Matane
Représentant du plaignant
M. Hugues St-Pierre
(président, Association des enseignants du CEGEP de Matane)
Mis en cause
La Voix
gaspésienne [Matane] et M. Gilles Gagné (éditorialiste)
Résumé de la plainte
L’éditorial «Une
vision différente des choses», publié le 25 mars 1981 par La Voix gaspésienne,
contient des propos xénophobes et contraires à la liberté d’expression.
L’éditorialiste Gilles Gagné commente une escarmouche entre un groupe de
participants à la journée internationale des femmes et les policiers de Matane,
en présentant les premiers comme des gens qui ne sont pas «issus du milieu
local» et qui «ne professent pas la même idéologie que la majorité des
citoyens». Ce faisant il stigmatise ces personnes comme devant faire l’objet de
la méfiance des résidents de Matane.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte que vous portiez, à titre de président
de l’Association des enseignants du Cégep de matane, contre l’éditorial de
monsieur Gilles Gagné: «Une vision différente des choses» paru dans l’édition
du 25 mars 1981 de La Voix gaspésienne. Cet éditorial commentait l’escarmouche
survenue entre un groupe de participants à la journée internationale des femmes
du 8 mars et les policiers de Matane.
Vous reprochiez à
monsieur Gagné d’avoir manqué à l’éthique journalistique en publiant dans cet
éditorial des points de vue «xénophobes ou contraires à la liberté
d’expression». La liberté dont jouit un éditorialiste ne pouvait, selon vous,
«autoriser ce discours séditieux».
Plus
précisément, vous étiez d’avis qu’en présentant certains des participants comme
n’étant pas «issus du milieu local» et «des gens qui ne professent pas la même
idéologie que la majorité des citoyens», l’éditorialiste les avait stigmatisés
comme devant normalement faire l’objet de méfiance de la part des résidents de
Matane, et cela en contravention des articles 3, 10 et 11 de la Charte des
droits et libertés du Québec.
Par ailleurs, si
vous n’aviez pas cherché à obtenir rectification auprès du journal, c’était
parce que vous aviez estimé qu’une rétractation en «mini-caractère dans une
édition ultérieure» ne corrigerait pas adéquatement la situation.
Commentaires du mis en cause
Monsieur Gilles
Gagné soutenait, pour sa part, qu’il n’avait fait que donner son opinion sur
l’action de la police ainsi que sur les formes d’animation sociale auxquelles
le milieu, dans son ensemble, demeure à peu près indifférent. Il ne niait
aucunement dans son éditorial que l’animation sociale pouvait avoir ses effets
positifs dans «certaines couches de la population», chacun restant libre,
cependant, «d’apprécier à sa façon les mouvements d’action et de pensée à
l’oeuvre dans le milieu». Dans le présent cas, La Voix gaspésienne n’avait fait
que jouer son rôle.
Enfin,
l’éditorialiste de La Voix gaspésienne affirmait que son journal avait consacré
amplement d’espace à différents groupes, y compris le vôtre, au cours des mois
de mars et avril et que tous avaient la possibilité de s’y exprimer librement.
Analyse
Il relève de la prérogative de l’éditeur de se réserver à tout moment, l’espace qu’il juge à propos dans les pages de son journal pour prendre parti et exprimer ses critiques, faire valoir ses points de vue sur une idée, une situation, une personne, un groupe, etc.
L’éditeur ou celui qui au sein d’un organe d’information est chargé de livrer à la population des prises de position ou des commentaires de nature éditoriale, doit toutefois exercer cette prérogative avec la même rigueur et la même intégrité qui s’imposent à tout professionnel de l’information soucieux de sa responsabilité d’informateur public. Or, dans le présent cas, le Conseil n’est pas d’avis que l’éditorialiste ait outrepassé les limites de sa liberté rédactionnelle. Il ne retient donc pas de blâme contre La Voix gaspésienne et son éditorialiste.
Analyse de la décision
- C18D Discrimination