Plaignant
Office des
droits des détenu(e)s
Représentant du plaignant
M. Jean-Claude
Bernheim (président, Office des droits des détenu(e)s)
Mis en cause
Le Service
correctionnel du Canada et M. Robert Kaplan (Solliciteur général du Canada)
Résumé de la plainte
Le Service
canadien des pénitenciers interdit la diffusion de la revue Face à la justice,
éditée par Office des droits des détenus, dans les établissements
correctionnels du Québec. Il invoquant l’influence défavorable sur le bon ordre
et l’administration des institutions, alors que rien ne laisse croire à une
telle influence.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Jean-Claude Bernheim de
l’Office des droits des détenu(e)s qui dénonçait l’interdiction du Service
canadien des pénitenciers de diffuser, dans les établissements correctionnels
du Québec, la revue Face à la justice publiée par l’Office des droits des
détenu(e)s de la Ligue des droits et libertés.
Monsieur
Bernheim ne voyait pas en quoi la revue Face à la justice était susceptible
«d’exercer une influence défavorable sur le bon ordre et l’administration de l’institution»
comme l’invoquait le directeur régional du Québec pour appuyer ce refus. Il
estimait que cette interdiction allait à l’encontre des engagements pris par le
Canada au moment de son adhésion au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, le 19 mai 1976.
Commentaires du mis en cause
Vous informiez
le Conseil que la décision d’interdire la revue en question avait été prise par
le directeur régional général du Québec à qui il appartient de déterminer si
une publication doit être permise ou non en fonction de l’effet que cette
dernière peut avoir sur le milieu carcéral. Cette décision prise d’ailleurs de
concert avec les directeurs d’établissements correctionnels du Québec, était
conforme à l’article 31, alinéa (c), du Règlement sur le service canadien des
pénitenciers qui prohibe la lecture de toute publication «susceptible d’exercer
une influence défavorable sur le bon ordre et l’administration de
l’institution». Selon vous, enfin, nonobstant l’importance de respecter le
droit du public à l’information, «un détenu n’est pas un citoyen comme les
autres» et «un pénitencier, avec ses tensions et ses dangers uniques, n’est pas
semblable à la collectivité extérieure», la sécurité d’un établissement devant
toujours avoir la priorité.
Analyse
Le Conseil trouve injustifiable dans le présent cas la décision du Service canadien des pénitenciers d’interdire la diffusion de la revue Face à la justice dans les établissements correctionnels du Québec, d’autant plus que vous n’arrivez pas à le convaincre que la lecture de cette revue peut exercer auprès des détenus l’influence «défavorable» qu’invoque le directeur régional général du Québec.
Comme il vous l’a déjà indiqué, le 16 juillet 1980, dans un cas similaire concernant l’interdiction de diffuser la revue Le Temps Fou, le Conseil estime que les détenus, comme tous les autres citoyens, on un droit inaliénable à l’information. Ä moins de circonstances vraiment exceptionnelles, ils ne devraient pas en être privés.
Selon le Conseil, la large part d’arbitraire que permet l’interprétation du règlement du Service des pénitenciers comporte des risques graves pour la libre circulation des idées de même que pour la liberté de la presse que reconnaît la Charte canadienne des droits de l’Homme. Ce Règlement est aussi contraire, à son avis, au droit à l’information tel que reconnu par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Le Conseil incite donc instamment, une fois de plus, les autorités pénitencières chargées d’interpréter et d’appliquer ce règlement à faire preuve de largeur d’esprit et d’une extrême prudence en sorte d’éviter une censure qui, à moins de raisons extrêmement graves dont l’existence n’a pas été démontrée dans le présent cas, est contraire au droit inaliénable de l’individu, fut-il un détenu, à l’information.
Analyse de la décision
- C07A Entrave à la diffusion/distribution