Plaignant
L’Association de
parents de l’enfance en difficulté de la Rive-Sud de Montréal et le Groupement des
associations pour personnes handicapées
Représentant du plaignant
Mme Lucille
Bargiel (présidente, Association de parents de l’enfance en difficulté de la
Rive-Sud de Montréal) et Mme Pierrette Laperle (présidente, Groupement des
associations pour personnes handicapées)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. André Pépin (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Jean Sisto
(éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Les articles
«Claude Gariépy, l’enfant de la jungle» et «Les parents Gariépy ont surprotégé
leurs fils», parus dans l’édition du 23 mai 1981 de La Presse sous la signature
du journaliste André Pépin, sont préjudiciables aux personnes handicapées et à
leur famille. Ils rapportent des informations partielles, mal fondées et trop
souvent appuyées sur des ouï-dire ou des jugements personnels. Dès lors, ces
articles ont comme effet de stigmatiser les déficients mentaux en les
présentant comme des criminels éventuels, d’autant plus que les notions de
déficience et de maladie mentales y sont confondues.
Griefs du plaignant
Le Conseil de presse
a terminé l’étude de la plainte de l’Association de parents de l’enfance en
difficulté et du Groupement des associations pour personnes handicapées de la
Rive-Sud de Montréal contre vos articles parus dans La Presse du 23 mai 1981.
Ces articles portaient les titres suivants: «Claude Gariépy, l’enfant de la
jungle», «Les parents Gariépy ont surprotégé leur fils».
Ces articles,
selon les plaignants, portaient préjudice aux personnes handicapées et à leur
famille puisqu’ils ne faisaient que rapporter des informations partielles, mal
fondées et trop souvent appuyées sur des ouï-dire ou des jugements personnels.
Dès lors, ils ne pouvaient avoir comme effet que de stigmatiser les déficients
mentaux en les présentant comme des criminels éventuels, d’autant plus que vous
confondiez les notions de déficience et de maladies mentales.
Au lieu
d’accabler inutilement les parents d’enfants atteints de déficience ou de
maladie mentale en présentant «un jeune déficient mental, dangereux pour la
société, parce que ses parents ne l’ont pas fait traiter et l’ont gardé avec
eux», vous auriez dû plutôt, selon les plaignants, informer le public sur les
problèmes auxquels les parents font face à cause du manque de ressources
spécialisées en ce domaine; ce qui aurait évité d’entretenir des préjugés
auprès de la population.
Commentaires du mis en cause
Selon monsieur
Jean Sisto, éditeur adjoint de La Presse, les articles en questions ne
véhiculaient aucun préjugé et ne portaient préjudice à qui que ce soit. De
plus, loin d’être basés sur de simples ouï-dire, ces articles reposaient, entre
autres, sur des rapports confidentiels de psychologues et de psychiatres. Ä ce
sujet, les plaignants s’inquiétaient dans leur réplique que le journaliste ait
eu accès à ces rapports «confidentiels» dont la divulgation constitue un accroc
au secret professionnel.
Enfin, en cette
année de la personne handicapée, La Presse se faisait un devoir de démystifier
à la mesure de ses moyens les mythes dont sont victimes les personnes
handicapées contrairement aux prétentions des plaignants qui, selon monsieur
Sisto, n’étaient pas vraiment représentatifs des organismes oeuvrant dans le
milieu.
Analyse
Le Conseil est d’avis que, par vos jugements sur l’attitude de la famille Gariépy vis-à-vis de leur fils, vous n’avez pas su, dans vos articles du 23 mai dernier, faire les distinctions qui s’imposent entre ce qui relève de la vie privée des personnes et ce qui est d’intérêt public. Partant, vos articles ont eu davantage comme effet d’accabler la famille en question plutôt que d’informer de façon adéquate vos lecteurs sur un problème social complexe.
Le Conseil estime aussi que vos articles, à cause de la confusion qu’ils entretiennent entre la déficience et la maladie mentale, ont pu avoir comme effet, comme le prétendent les plaignants, d’entretenir les préjugés populaires.
Lorsque la presse juge utile d’informer le public sur des questions aussi délicates, elle se doit de le faire avec rigueur, discernement et humanité en sorte d’éviter d’accabler les personnes et d’alimenter des préjugés contrairement au devoir qui est le sien de les dissiper.
Analyse de la décision
- C16D Publication d’informations privées
- C18C Préjugés/stéréotypes
Commentaires des dissidents à propos de la décision
Un membre du
Comité des cas, madame Gisèle Lalande, ajoute un commentaire dont le texte est le
suivant:
Je suis d’accord
avec la décision du Conseil de presse mais je désire y ajouter un point
supplémentaire.
Dans sa défense
monsieur Jean Sisto, éditeur adjoint du journal La Presse, écrit au Conseil de
presse: «André Pépin, au cours de son enquête, a pris connaissance de rapports
confidentiels de psychologues et de psychiatres sur la personnalité de Claude
Gariépy: son article n’est pas basé sur des on-dit, mais sur des témoignages
d’experts dont nous avons tu les noms, comme il est coutume.»
Tout comme les
plaignants, je m’étonne qu’un journaliste ait eu accès à de tels dossiers.
Cependant, il n’appartient pas au Conseil de presse de se prononcer sur ce
point précis; cela relevant plutôt des corporations professionnelles
concernées. Mais je m’étonne cependant du fait que monsieur André Pépin ait
décidé de divulguer les informations qu’il avait obtenues grâce à ces dossiers.
Un dossier confidentiel contenant des informations sur la vie privée d’un
citoyen ne peut, selon moi, être traité de la même façon qu’un dossier
confidentiel provenant d’un quelconque ministère et traitant d’un sujet
d’intérêt public.
Par conséquent,
à mon avis, la divulgation des informations sur la vie privée de Claude Gariépy
relevait plus d’une certain sensationnalisme qu’il ne servait le droit du
public à l’information.
Dissidents
Mme Gisèle
Lalande