Plaignant
Mme Lise
Ravary-Konopka
Mis en cause
The Gazette
[Montréal] et M. Tim Burke (chroniqueur)
Représentant du mis en cause
M. Mark Harrison
(rédacteur en chef, The Gazette [Montréal])
Résumé de la plainte
Le journaliste
Tim Burke fait preuve de racisme dans sa chronique «Canadian runners slowest in
the world», parue dans l’édition du 6 mai 1982 de The Gazette. Les commentaires
stupides et insultants du journaliste, qui entretient une aversion à l’égard
des Québécois, n’ont pas leur place dans une chronique sportive.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de madame L. Ravary-Konopka qui vous
reprochait d’avoir tenu des propos racistes dans votre chronique du 6 mai 1982
de The Gazette intitulée: «Canadian runners slowest in the world».
Selon madame
Ravary-Konopka, par certains de vos commentaires, vous avez non seulement
dépassé les bornes du bon goût, mais également «celles qui séparent le gag ethnique
du gag raciste». Votre humour lui échappait complètement connaissant surtout,
disait-elle, votre aversion pour tout ce qui est québécois et d’expression
française.
Elle se disait aussi profondément choquée par ce qu’elle qualifait de
«généralités stupides et insultantes» comme: «I haven’t heard a Quebecois say a
nice thing about the rest of Canada in 22 years», «There are more fleur-de-lys
on the patio at the Big O than there were swastikas at Nuremberg», «The only
law enforced in Quebec if Bill 101».
Ne pouvant voir ce que de tels commentaires aient
quoi que ce soit à voir avec une chronique sportive, elle était tout aussi
indignée que «The Gazette puisse imprimer de telles ordures».
Enfin, tout en
reconnaissant que vous jouissez d’une grande liberté d’expression en tant que
chroniqueur, madame Ravary-Konopka estimait que cela ne vous conférait
cependant pas le droit d’exprimer votre aversion envers les Québécois en tenant
des propos racistes à leur endroit.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en
chef de The Gazette, monsieur Mark Harrison, estimait, pour sa part, qu’un
chroniqueur était libre d’émettre des points de vue en autant qu’ils n’étaient
pas libelleux. Dans le présent cas, si la plaignante pouvait ne pas être
d’accord avec votre sens de l’humour, ce n’était pas cependant, selon lui, une
raison pour porter plainte. Aussi, croyait-il exagéré d’affirmer, comme le
faisait madame Ravary-Konopka, que vous aviez une aversion envers les Québécois
puisque vous vous considériez vous-même Québécois et teniez également des
propos de cette nature contre les Irlandais dans la même chronique.
Analyse
Le chroniqueur, il est vrai, jouit d’une grande latitude dans l’expression de ses points de vue. Il peut présenter les faits dans le style qui lui est propre et même faire appel à l’humour et à la satire. Il ne saurait toutefois, même par le truchement d’une chronique et sous le couvert de l’humour, se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude que lui impartissent sa fonction et sa responsabilité d’informateur public.
Les professionnels de l’information doivent en effet éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de travestir les faits, de leur donner une signification qu’ils n’ont peut-être pas ou encore de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes.
Or, dans le présent cas, le Conseil est d’avis que certains de vos commentaires, même s’ils étaient livrés sous le sceau de l’humour, étaient déplacés. Le Conseil vous invite donc à faire preuve d’un grand discernement et d’une plus grande rigueur lorsque vous abordez des thèmes aussi délicats que les questions de race et d’ethnie. Ces questions, si elles ne sont pas traitées avec grand soin, risquent, non seulement d’être préjudiciables à certains groupes, mais aussi d’attiser les préjugés dans une société où la presse doit plutôt se faire un devoir de les dissiper.
Analyse de la décision
- C18D Discrimination