Plaignant
M. René Dufour
Mis en cause
L’Echo de
Louiseville/Berthier et M. Jean-Guy Pinel (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude Gagné
(secrétaire-trésorier, L’Echo de Louiseville/Berthier)
Résumé de la plainte
L’article «De la
dynamite dans l’air : L’assemblée du conseil de Saint-Didace se poursuit le
27», publié le 25 août 1982 par L’Echo de Louiseville/Berthier, ne rapporte que
les explications du frère du maire de St-Didace concernant des accusations de
népotisme portées contre ce dernier. Le journaliste Jean-Guy Pinel, un ami de
la famille du maire, traite le dossier avec complaisance. Depuis le dépôt d’une
plainte devant le Conseil de presse du Québec, le journaliste et le journal
s’acharnent à discréditer le plaignant. De plus, L’Echo publie intégralement
ladite plainte afin de donner prise à des poursuites judiciaires pour
diffamation.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur René Dufour, qui reprochait
au journaliste Jean-Guy Pinel du journal L’Echo de Louiseville-Berthier de
n’avoir rapporté qu’une seule version des faits, dans un article paru le 25
août 1982 et intitulé «De la dynamite dans l’air: L’assemblée du conseil de
Saint-Didace se poursuit le 27».
Monsieur Dufour
faisait grief au journaliste de n’avoir rapporté que les explications fournies par
l’un des protagonistes du débat ayant cours, soit le frère du maire de
Saint-Didace, lequel maire avait été accusé, lors de cette assemblée, de
favoriser indûment sa famille dans l’octroi d’un contrat pour le déneigement de
la municipalité.
En se contentant
des explications du frère du maire, le journaliste et le journal auraient fait
preuve de complaisance et n’auraient pas pris la peine de vérifier les faits
mis en lumière par ses déclarations que le plaignant qualifiait d’incomplètes
et mensongères.
En plus,
monsieur Dufour estimait que le journaliste et le journal faisaient fi de leur
responsabilité d’informateur qui est de dénoncer les situations irrégulières et
d’aider les citoyens à s’en sortir. Monsieur Dufour disait ici faire référence
à la situation «incroyable où une famille, les Allard, contrôle et exploite la
municipalité de Saint-Didace depuis toujours».
Commentaires du mis en cause
Pour sa part, le
secrétaire-trésorier du journal, monsieur Claude Gagné, estimait que monsieur
Pinel avait traité le dossier avec professionnalisme et qu’en aucun temps, il
n’aurait favorisé une partie plus que l’autre. L’information transmise par le
journaliste était, selon monsieur Gagné, «neutre et de qualité».
Monsieur Gagné
affirmait de plus que le plaignant et un membre du conseil municipal de
Saint-Didace étaient venus le rencontrer aux bureaux du journal pour lui
expliquer la situation qui prévalait dans cette municipalité. Toutefois, ces
deux personnes auraient refusé de répéter, cette fois-ci devant le journaliste,
les propos qu’elles avaient tenus au journal. Monsieur Gagné annexait à ses
commentaires un article paru le 1er septembre 1982 dans lequel il était fait
mention d’une accusation portée par l’Association des propriétaires de
Saint-Didace, dont monsieur Dufour fait partie. On ne pouvait donc pas, de
l’avis de monsieur Gagné, reprocher au journal d’avoir été partial.
De son côté, le
journaliste Jean-Guy Pinel estimait qu’on ne pouvait dénoncer une situation qui
n’existait pas. Pour le journaliste, il était normal que dans une petite
localité, où «les résidents sont tous un peu parents», on constate que les élus
municipaux et le personnel qui gravite autour aient des liens de parenté.
Cette situation
pouvait semer des doutes quant à l’honnêteté des transactions municipales, mais
ce n’était ni au journaliste ni au Conseil de presse de trancher la question,
aux dires de monsieur Pinel. Le journaliste faisait également remarquer qu’il
avait publié, le 1er septembre, un article qui rapportait les doutes exprimés
par monsieur Dufour.
Par ailleurs, si
le journaliste n’avait rencontré que le frère du maire, monsieur Euclide
Allard, avant d’écrire son article, c’était parce que le débat ayant eu lieu à
l’assemblée du conseil municipal originait d’une irrégularité contenue dans la
soumission de ce même monsieur Allard.
Enfin, le
journaliste estimait difficile de se défendre contre les accusations vagues du
plaignant. Si on lui disait ce qui était erroné ou incomplet dans son article,
le journaliste affirmait qu’il pourrait y répondre. De plus, monsieur Dufour
n’avait jamais demandé de rectification et n’était jamais venu rencontrer
monsieur Pinel pour lui faire part de ses griefs.
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, le plaignant affirmait que le journaliste avait écrit son article
d’après les dires de monsieur Euclide Allard qui aurait décrit mensongèrement
comment le plaignant avait attaqué l’épouse d’un ex-candidat à l’échevinage. Le
journaliste savait très bien, selon le plaignant, qu’une enquête avait lieu sur
ces incidents, et que l’article incriminé pouvait influencer cette enquête. Le
jugement qui suivit les procédures judiciaires relativement à cette affaire
avait d’ailleurs donné raison au plaignant et prouvait, de l’avis du plaignant,
que l’article de monsieur Pinel était tendancieux.
Monsieur Dufour
rappelait, en outre, que le journaliste était un ami personnel avoué de la
famille Allard et qu’il aurait fait des déclarations en ce sens lors d’une
réunion du conseil municipal. Selon monsieur Dufour, cette amitié amenait le
journaliste à négliger ses responsabilités professionnelles et à ne pas traiter
des événements de Saint-Didace d’une façon objective et honnête.
Monsieur Dufour
disait aussi croire que la publication de sa plainte dans les pages du journal
n’avait pour seul dessein que de permettre à monsieur Euclide Allard de
poursuivre le plaignant pour diffamation.
Enfin, monsieur
Dufour affirmait que depuis le dépôt de sa plainte, L’Echo et son journaliste
avaient utilisé «toutes les occasions pour (le) discréditer auprès des citoyens
de Saint-Didace». Le journaliste aurait ainsi, à plusieurs reprises, nommé le
plaignant dans des articles concernant les affaires municipales sans pour
autant que monsieur Dufour soit directement impliqué dans ces événements. De
plus, dans un article, monsieur Pinel aurait laissé entendre que l’Association
des propriétaires dont monsieur Dufour était vice-président posait des gestes
violents.
La campagne de
dénigrement que monsieur Dufour disait subir de la part du journaliste aurait
contribué à catalyser l’attention sur lui.
En dernier lieu,
monsieur Dufour rappelait que le maire Allard, son frère qui est secrétaire de
la municipalité et deux autres conseillers avaient été disqualifiés par la Cour
et que la Commission municipale du Québec avait mis en tutelle Saint-Didace.
Analyse
Le choix et le traitement d’un sujet ou d’un événement relève du jugement rédactionnel des organes d’information et des journalistes. Le Conseil ne saurait intervenir dans ce genre de décision si ce n’est pour vérifier si, par sa façon de faire, la presse répond à son devoir d’informer le public complètement et sans parti pris.
Dans le présent cas, le Conseil estime que l’article intitulé «De la dynamite dans l’air: L’assemblée du conseil de Saint-Didace se poursuit le 27» rendait compte assez fidèlement des événements survenus lors de l’assemblée relativement aux irrégularités découvertes dans l’une des soumissions débattues à ce moment-là. Le Conseil doit toutefois blâmer le journaliste pour s’en être tenu à du ouï-dire pour rédiger le compte rendu de l’altercation survenue entre le plaignant et une résidente.
Par ailleurs, le Conseil ne peut blâmer le journaliste pour n’avoir interrogé que l’entrepreneur Allard relativement aux irrégularités de sa soumission pour le déneigement des rues de la municipalité, l’information diffusée ne servant pas, de l’avis du Conseil, à justifier nécessairement l’octroi du contrat.
Enfin, le Conseil rappelle aux journalistes que leur rôle d’informateurs publics les enjoint d’éviter non seulement les conflits d’intérêts, mais aussi toute situation qui risque de les faire paraître en de tels conflits. Cela dit, on ne peut, dans le présent cas, autrement que par voie de procès d’intention, porter de jugement sur les allégations du plaignant à ce sujet.
Note: L’étude du dossier a été suspendue en raison de procédures judiciaires prises contre le plaignant par l’une des personnes mises en cause dans le texte de plainte initial, que le défendeur avait publié intégralement.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12C Absence d’une version des faits
- C15G Rumeurs/ouï-dire
- C22F Liens personnels