Plaignant
Mme Odette
Chartrand, Mme Anne-Marie Le May, Mme Suzanne Le May, Mme Suzanne Poirier et Mme
Isabelle Redmond
Mis en cause
La Revue de
Papineau [Gatineau]
Représentant du mis en cause
M. Yvon Landry
(directeur de l’information, La Revue de Papineau [Gatineau])
Résumé de la plainte
La Revue de
Papineau publie, dans son édition du 6 octobre 1982, une lettre ouverte non
signée portant le titre «Il y a une place pour chaque chose, et celle de la
femme est à la maison». Ce texte discrédite les femmes, nourrit la violence à
leur égard et entretient des préjugés sexistes. Ce journal refuse de publier la
réplique des plaignantes.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de mesdames Anne-Marie Le May, Odette
Chartrand, Suzanne Poirier, Isabelle Redmond et Suzanne Le May concernant une
lettre ouverte non signée intitulée: «Il y a une place pour chaque chose: et
celle de la femme est à la maison», parue dans l’édition du 6 octobre 1982 de
l’hebdomadaire La Revue de Papineau. Cette plainte était en outre appuyée par
une pétition signée par 145 personnes.
Les plaignantes
reprochaient à La Revue d’avoir manqué de rigueur professionnelle en publiant une
lettre non signée, «d’humour grossier», qui discréditait les femmes et
entretenait des préjugés sexistes et la violence à leur égard. Elles
reprochaient aussi au journal de ne pas avoir publié leur réplique à ce texte.
Commentaires du mis en cause
Vous informiez le
Conseil, pour votre part, que cette «soi-disante lettre ouverte» se voulait
«une farce» qui cherchait à démontrer aux lecteurs «combien les temps avaient
changé de même que les mentalités au sujet de la femme». D’ailleurs, la note de
présentation de cette lettre était, selon vous, explicite et semblait avoir été
comprise par la majorité de vos lecteurs puisque personne ne s’en était
offusqué à part les plaignantes. Dans cette note, vous avertissiez vos lecteurs
que la lettre anonyme en question ne reflétait pas l’opinion de votre journal
qui ne s’estimait aucunement responsable «des disputes que cet écrit pourrait
susciter dans certaines familles». Bien conscient des commentaires que ce texte
pouvait susciter, vous vous engagiez à ne publier qu’une seule lettre de
réponse.
Enfin, le 10
novembre 1982, vous affirmiez au Conseil que vous publieriez la réplique des
plaignantes si elles en manifestaient le désir, bien que vous n’ayez pas publié
celle qu’elles vous faisaient tenir dès le 13 octobre 1982 et qu’elles vous
redemandaient de publier le 21 suivant.
Analyse
Le Conseil blâme La Revue de Papineau pour avoir publié le texte anonyme en question dans sa rubrique des lettres ouvertes. Un média assume toujours l’entière responsabilité de ce qu’il publie et endosse inévitablement les propos contenus dans des lettres anonymes même s’il veut se dégager de cette responsabilité, comme vous l’avez fait dans le présent cas. Une telle façon de faire est contraire à l’éthique du journalisme en ce qu’elle entretient un doute sur la provenance de ces lettres et n’offre au lecteur aucune garantie sur l’authenticité de leur contenu. Elle compromet la crédibilité d’un média et celui-ci doit donc s’abstenir de publier de telles lettres d’auteurs inconnus surtout lorsque les propos qu’elles contiennent ont la teneur de celle qui est dénoncée dans le présent cas.
En effet, les propos contenus dans ladite lettre, en plus de n’avoir aucune valeur du point de vue de l’information étaient de nature à entretenir des préjugés sexistes. Bien que ce soit le rôle d’un journal de publier le plus grand nombre de points de vue possible, ses jugements d’appréciation en matière de lettres ouvertes doivent demeurer conformes à sa responsabilité d’informateur public soucieux de renseigner adéquatement ses lecteurs. Les lettres publiées ne doivent pas véhiculer des propos outranciers voire insultants qui peuvent être préjudiciables à des individus ou à des groupes.
Le Conseil incite la Revue à prendre les moyens nécessaires pour éviter, à l’avenir, d’exploiter de tels clichés et préjugés et à se doter de normes régissant la publication des lettres des lecteurs et à les respecter.
Le Conseil estime enfin que La Revue aurait dû publier la lettre de réplique des plaignantes comme vous vous étiez engagé à le faire le 10 novembre 1982.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
- C08G Lettres anonymes
- C08I Lettres discriminatoires