Plaignant
Les Editions de
la Queue
Représentant du plaignant
Carole Michaud
(présidente, Les Editions de la Queue)
Mis en cause
Le Devoir
[Montréal] et La Presse [Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Marcel
Payette (directeur de la publicité, Le Devoir [Montréal]) et M. Jean Sisto
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
La Presse et Le
Devoir refusent de vendre aux Editions de la Queue l’espace nécessaire à
l’annonce d’un livre intitulé «L’Oulippopotame», parce qu’ils jugent que
l’illustration et le logo du placard publicitaire sont de nature à offenser le
lecteur. L’attitude de ces journaux constitue une atteinte à la libre
expression et au droit du public à l’information, de même qu’un cas de censure.
Elle est encore plus inacceptable dans le cas de La Presse, qui accepte
d’annoncer la projection de films plus ou moins licencieux.
Griefs du plaignant
Le Conseil de presse
a terminé l’étude de votre plainte contre les quotidiens La Presse et Le Devoir
à qui vous reprochiez le refus de vendre aux Editions que vous dirigez l’espace
publicitaire nécessaire à l’annonce du livre de monsieur Yvon Boucher
«L’Oulippopotame» pour la raison que «l’illustration et le logo» qui ornaient
le placard publicitaire de ce livre constituaient matière à offenser le
lecteur.
En plus d’être
une reproduction de planches qui figurent dans «l’encyclopédie de Diderot… au
siècle des Lumières», les qualités graphiques de l’illustration et du logo en
question étaient indéniables, selon monsieur Denis Monière, président de
l’Union des écrivains québécois qui, au nom des 250 membres de cet organisme,
appuyait votre plainte.
Vous condamniez
l’attitude «incroyable en 1982» des deux journaux en question, laquelle vous
semblait constituer une atteinte à la libre expression et au droit à
l’information de même qu’un cas grossier de censure, d’autant plus inacceptable
dans le cas de La Presse, que cette dernière n’hésite aucunement à annoncer
régulièrement la projection de films plus ou moins licencieux dans les salles
de cinéma. «La tartufferie a ses limites», disiez-vous, d’autant plus que le
contenu principal du livre que vous vouliez annoncer était de nature érudite et
non érotique.
Commentaires du mis en cause
Le
vice-président et éditeur adjoint de La Presse, monsieur Jean Sisto, informait
le Conseil pour sa part que votre publicité avait été refusée parce que son
illustration était offensante pour la très grande majorité des lecteurs. Selon
le directeur de la publicité du Devoir, monsieur Marcel Payette, votre annonce
avait été refusée également par respect pour les lecteurs étant donné qu’elle
manquait nettement d’élégance. C’était en vain, ajoutait-il, que Le Devoir
avait cherché avec les responsables de vos Editions une nouvelle présentation
et un compromis satisfaisants. Il appuyait d’ailleurs sa décision sur le
contrat d’acceptation d’annonces du journal qui dit, entre autres, que «Le
Devoir se réserve le droit de refuser toute annonce qui ne serait pas conforme
à l’ordre public, aux bonnes moeurs ou à ses propres règlements de régie
interne».
Analyse
Comme il l’a déjà dit, le Conseil est d’avis qu’il relève de la prérogative de l’éditeur d’établir la politique d’un organe d’information en matière de publicité comme en matière d’information. Cette prérogative découle de la liberté d’opinion et d’expression de l’éditeur et confère à ce dernier une grande latitude quant au choix du contenu publicitaire de l’organe d’information dont il est responsable.
Cette discrétion n’est pas absolue toutefois, et le choix des textes publicitaires que décide de publier ou non la presse doit être mesuré à des critères objectifs qui ne s’arrêtent pas aux seuls convictions, préjugés ou caprices de l’éditeur ou encore de ceux à qui ce dernier confie des pouvoirs de décision en cette matière.
Les jugements d’appréciation des médias en matière de publicité sont difficiles et délicats. S’ils doivent faire preuve de largeur d’esprit pour répondre à leur devoir de favoriser la libre expression et la libre circulation des idées, les médias sont cependant responsables de la publicité qu’ils diffusent et ils se doivent d’en surveiller la qualité.
Les notions de qualité, de bon goût, d’élégance sont éminemment subjectives et le Conseil n’a pas, en cette matière, à substituer son propre jugement à celui de l’éditeur. Autrement, il risquerait de devenir un organisme de censure ou d’orientation du contenu de l’information, fût-elle sous forme de publicité.
Le Conseil ne possède pas non plus de réponse toute faite et voit difficilement comment il pourrait s’instituer en juge du bon goût, de l’élégance ou de la décence. Tout ce qu’il peut faire c’est d’inciter les médias à une réflexion sur les critères qui concilieraient aussi objectivement que possible leur responsabilité rédactionnelle et les exigences du droit à l’information. Cette réflexion étant faite, le Conseil croit qu’il serait important que les organes d’information précisent leurs critères et les fassent connaître publiquement.
Analyse de la décision
- C10D Refus de publier