Plaignant
Le Quotidien
[Chicoutimi] et CBJ-AM [SRC, Chicoutimi]
Représentant du plaignant
M. Denis Tremblay
(directeur de l’information, Le Quotidien [Chicoutimi]) et M. Gilbert Savard
(chef des nouvelles, CBJ-AM [SRC, Chicoutimi])
Mis en cause
M. Benoît
Lévesque (président, Société d’entraide économique de Roberval-Saint-Félicien),
L’Etoile du Lac [Roberval] et M. Jean-Pierre Larouche (journaliste), CHRL-AM
[Télémédia, Roberval], Le Journal de Québec et M. Jean-Claude St-Pierre
(directeur de l’information, CHRL-AM [Télémédia, Roberval], correspondant, Le
Journal de Québec)
Représentant du mis en cause
M. Serge Côté
(directeur de la rédaction, Le Journal de Québec)
Résumé de la plainte
Le président de
la Société d’entraide économique de Roberval-St-Félicien refuse aux
journalistes du Quotidien et de CBJ l’accès à l’assemblée générale annuelle de
la Société, tenue le 25 octobre 1982. Seuls les journalistes de CHRL et de
L’Etoile du lac peuvent y assister, à titre d’actionnaires, et en profiter pour
faire la nouvelle. Considérant l’importance de cette assemblée, le président de
la Société d’entraide économique, qui est aussi propriétaire de CHRL, aurait dû
soit déclarer le huis clos, soit admettre l’ensemble des journalistes.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de la direction du Quotidien et de la
station de radio CBJ [Radio-Canada] de Chicoutimi contre monsieur Benoît
Lévesque, président de la Société d’entraide économique de Roberval-Saint-Félicien,
monsieur Jean-Claude St-Pierre, directeur de l’information à CHRL-Roberval et
correspondant régional du Journal de Québec, et monsieur Jean-Pierre Larouche,
journaliste à l’Etoile du Lac.
Les plaignants
déconçaient «l’attitude discriminatoire» du président de la Société qui avait
refusé aux journalistes Jules Simard du Quotidien et Martine Turcotte de la
station CBJ l’accès à l’assemblée générale annuelle du 25 octobre 1982. Les
journalistes Jean-Pierre Larouche et Jean-Claude St-Pierre, qui en sont des
actionnaires, avaient pu y assister cependant et en profiter pour faire la
nouvelle.
Les plaignants
considéraient en effet que, compte tenu de l’importance de cette assemblée qui
se tenait quelques jours seulement après le départ d’Alma du siège social de la
Société, la décence la plus élémentaire aurait dû commander au président de la
Société soit de déclarer le huis clos, soit d’admettre tous les journalistes
désireux d’y assister. Selon eux, en agissant comme il l’avait fait, le président
de la Société qui est aussi le propriétaire de la station CHRL de Roberval,
avait empêché les médias de faire leur travail et créé un précédent dangereux
propre à mettre en péril le droit à une information juste, équitable et
impartiale.
Ils dénonçaient
en outre le comportement des journalistes Jean-Pierre Larouche et Jean-Claude
St-Pierre qui avaient profité de leur qualité de membres de la Société
d’entraide pour dévoiler en primeur certains éléments discutés au cours de
ladite assemblée.
Commentaires du mis en cause
Le président de
la Société d’entraide précisait, pour sa part, que les règlements lui
permettaient d’interdire la présence des personnes qui n’en sont pas membres,
«tels les journalistes», ou encore de les admettre si l’assemblée l’autorisait.
Ainsi, vu les remous que créait dans l’opinion la question du déplacement du
siège social et l’importance, selon lui, d’éviter des débats inutiles pour
préserver la crédiblité de la Société, il avait décidé, sans consulter
l’assemblée, d’en refuser l’accès aux personnes qui n’en étaient pas membres.
D’ailleurs, les journalistes avaient été avertis dans l’après-midi qu’ils ne
pourraient assister à l’assemblée et rien n’indique, ajoutait-il, que si les
plaignants lui avaient demandé d’assister à la conférence de presse qui l’a
précédée, il leur en aurait refusé l’accès.
Toujours selon
lui, le fait qu’il était aussi le président de CHRL n’avait donné lieu à aucun
favoritisme envers messieurs St-Pierre et Larouche. Si ces derniers ont pu
assister à l’assemblée en question, c’était parce qu’ils étaient membres de la
Société. Autrement, ils auraient été refusés comme les autres. De plus,
soutenait le président, aucun règlement n’interdit aux journalistes membres de
la Société de rapporter des informations concernant une assemblée générale ni
ne les empêche de participer à un mouvement ou l’autre et d’en profiter d’en
l’exercice de leurs fonctions.
Messieurs
Jean-Pierre Larouche et Jean-Claude St-Pierre informaient le Conseil, pour leur
part, que l’essentiel des informations qu’ils avaient rapportées avait été
recueilli au cours de la courte conférence de presse qui a précédé l’assemblée
en question. Ils ne voyaient pas en quoi ils avaient pu manquer à l’éthique
journalistique puisque cette assemblée n’était pas à huis clos et que partant,
ils étaient libres d’en parler. D’ailleurs, ajoutaient-ils, le journaliste du
Quotidien, monsieur Jules Simard, avait assisté comme membre à une assemblée
semblable, ouverte à tous les journalistes cependant, quelques jours plus tard
à Dolbeau et en avait rendu compte le lendemain dans Le Quotidien.
Monsieur
St-Pierre estimait, d’autre part, que la présente plainte était le fruit de la
rivalité existante entre Le Quotidien et ses concurrents, Le Journal de Québec
et CHRL contre lesquels il doit livrer une concurrence féroce; rivalité qui se
manifeste surtout par un boycott de toute information les touchant.
Enfin, le
directeur de la rédaction du Journal de Québec, monsieur Serge Côté, ne voyait
pas en quoi monsieur St-Pierre avait manqué à l’éthique journalistique puisque
la Société n’avait pas émis de «consigne du silence». Le journaliste n’avait
fait, selon lui, que son travail en prenant tous les moyens pour informer le
public.
Analyse
Le Conseil de presse convient que la Société d’entraide économique de Roberval-Saint-Félicien, comme tout autre groupement ou société, a le droit d’interdire aux personnes qui n’en sont pas membres, l’accès à ses assemblées, comme le reconnaissent d’ailleurs les plaignants.
Dans le présent cas toutefois, le président de la Société aurait dû décréter le huis clos ou admettre sans exception les journalistes qui voulaient y assister. Le Conseil reproche ici au président de la Société d’avoir empêché des journalistes d’assister à une assemblée qui n’était pas tenue à huis clos.
La décision du président qui est aussi le président de la station CHRL a créé, selon le Conseil, une situation fort ambiguë qui a eu l’inévitable effet de favoriser certains journalistes, dont le directeur de l’information de CHRL, monsieur Jean-Claude St-Pierre, au détriment des plaignants qui n’ont pu avoir accès à ladite assemblée.
Le Conseil s’étonne ici de l’interprétation qu’a donné le président de la Société au règlement concernant l’accès aux assemblées de celle-ci. Contrairement à cette interprétation, en effet, le règlement permet au président d’accepter les journalistes et non de les refuser de son propre chef: «les journalistes devraient être exclus, dit le règlement, si les actionnaires le requièrent»; ce qui ne fut pas le cas ici.
Le Conseil est d’avis, d’autre part, que les journalistes Jean-Pierre Larouche et Jean-Claude St-Pierre pouvaient, en leur qualité de journaliste, couvrir l’assemblée en question puisqu’elle n’était pas tenue à huis clos. Sans nier aux journalistes leur droit de faire partie des organismes ou des mouvements de leur choix et de profiter de ces appartenances dans l’exercice de leur fonction, ils doivent éviter, toutefois, de se placer dans des situations qui les mettent en apparence de conflits d’intérêts susceptibles de compromettre l’information. Cette exigence reste valable même si, dans les faits, ils s’acquittent de leur tâche d’une façon adéquate et rigoureuse.
Analyse de la décision
- C06A Accès à l’information
- C22C Intérêts financiers