Plaignant
Deux plaignants
Mis en cause
Le Témiscamien
[Ville-Marie]
Représentant du mis en cause
Mme Jolyne
Lalonde (rédactrice en chef et directrice de l’information, Le Témiscamien
[Ville-Marie])
Résumé de la plainte
Le Témiscamien
rapporte les noms et lieux de résidence des deux victimes d’une agression. Ces
détails compromettent la sécurité des personnes concernées car le coupable
n’est pas encore arrêté au moment de leur publication.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de deux jeunes femmes de l’Abitibi qui
reprochaient à votre journal d’avoir mentionné leurs nom et lieu de résidence
dans la nouvelle faisant état des voies de faits et de l’attentat à la pudeur
dont elles furent victimes au camping Fort Témiscamingue, le 24 juin 1983.
L’agresseur n’ayant pas encore été arrêté au moment de la publication de cet
article, les plaignantes estimaient que ces détails mettaient leur sécurité en
danger.
Commentaires du mis en cause
Regrettant que
l’article en question ait causé tant d’émoi chez les victimes de l’attaque,
vous souteniez que Le Témiscamien avait publié, de façon «vérifiée, non biaisée,
ni faussée», les informations que vous avait fournies la Sûreté du Québec dans
l’espoir qu’elles contribueraient à accélérer l’enquête pour retrouver le
coupable. «A trop vouloir être précis, directs et factuels, les journalistes
commentent parfois des impairs», commentiez-vous, en insistant sur le fait que,
conformément à sa pratique, votre journal s’était bien gardé de faire sur
l’incident en question une nouvelle sensationnelle.
Vue qu’il
n’existe pas de règles écrites non plus que de code d’éthique qui interdisent
la publication du nom des adultes victimes de crime, vous vous demandiez s’il
n’y avait pas lieu de «revoir l’ensemble de l’éthique journalistique (et
surtout publier semblable document pour qu’il soit enfin connu des principaux
intéressés) et de s’interroger sur le respect que l’on doit porter aux victimes
d’actes criminels».
Vous vous
interrogiez aussi sur le rôle des policiers. Doivent-ils tout révéler des
circonstances des délits criminels aux journalistes? Quant à ces derniers, «doivent-ils
taire leurs informations sous prétexte que les victimes se sentent (à tort)
portées au banc des accusés?»
«Doit-on
informer le public sur la commission d’actes violents envers les femmes (viol,
inceste et autres)? En quels termes? Ou doit-on cacher les événements comme
s’ils n’existaient pas?»
«Losqu’une
plainte est portée contre un individu pour attentat à la pudeur ou pour viol,
l’objet et le détail de cette plainte deviennent-ils alors publics?»
Voilà un
ensemble de questions sur lesquelles vous demandiez au Conseil de se pencher.
Analyse
Bien qu’aucune loi n’interdise comme telle la publication de l’identité des adultes victimes d’actes criminels, celle-ci devrait être faite avec circonspection, prudence et discernement pour leur éviter d’être inquiétés de quelque façon. Compte tenu du risque évident qu’elle comportait pour la sécurité des victimes, la publication de leurs nom et lieu de résidence était, en l’occurrence, dangereuse et irréfléchie. Une telle identification n’était, en outre, aucunement nécessaire pour atteindre l’objectif que vous disiez poursuivre, soit l’accélération de l’enquête policière. Ces mentions n’ajoutaient rien à l’information sur l’événement en question qui comportait sans doute des éléments d’intérêt public. Vous auriez tout aussi bien informé vos lecteurs sans ces détails.
Tout en assurant le droit à l’information, les médias et les journalistes doivent respecter les droits de la personne dont le droit à la vie privée, à l’intimité, à la dignité et à la réputation.
Ä cause de leur caractère pénible tant pour les victimes que pour leurs proches et, souvent, pour le public, les drames humains sont des sujets particulièrement délicats et la presse doit éviter tous détails qui peuvent être préjudiciables à la victime ou à ses proches en les exposant à des tracas ou à des peines inutiles.
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo