Plaignant
Université Laval
Représentant du plaignant
M. Michel
Gervais (vice-recteur à l’enseignement et à la recherche, Université Laval)
Mis en cause
CBVT-TV [SRC,
Québec], Mme Anne-Marie Dussault (animatrice) et M. Jean-François Mercier
(réalisateur)
Représentant du mis en cause
Martin Métivier
(directeur, CBVT-TV [SRC, Québec])
Résumé de la plainte
Le reportage
«Les médecins diplômés de l’Université Laval : Un véritable danger», diffusé le
2 novembre 1983 dans le cadre de l’émission «Contrechamp» de la Société
Radio-Canada, est sensationnaliste, partial et peu rigoureux. Les titres
employés et la conclusion des animateurs ne correspondent pas aux déclarations
des deux médecins interviewés. L’information n’a fait l’objet d’aucune
vérification auprès des autorités concernées ou d’autres médecins. Le seul
critère retenu par les responsables de l’émission pour classer la faculté de
Médecine de cette université au dernier rang en Amérique du Nord ne permet pas
de porter un tel jugement.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de l’Université Laval contre la Société
Radio-Canada pour le reportage de l’émission «Contrechamp», diffusé le 2 novembre
1983 sous le titre: «Les médecins diplômés de l’Université Laval: un danger».
Ce reportage
caractérisé «par le sensationnalisme, la partialité, l’absence de vérification
des faits, le manque de rigueur et d’analyse» était tout à fait inacceptable,
selon le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche, monsieur Michel
Gervais. Etant donné l’importance de l’accusation qui y était portée, «à savoir
le danger que feraient courir à la population quelque 2 000 diplômés de la
faculté de Médecine de l’Université Laval», faculté qui était de surcroît
présentée en fin d’émission comme étant «la pire faculté d’Amérique du Nord»,
monsieur Gervais estimait en effet que ni le titre de cette émission, ni celui
d’une séquence: «Danger: médecins diplômés», ni la conclusion ne
correspondaient à ce que les médecins interviewés avaient déclaré, ces derniers
s’étant refusés «à classer la faculté de Médecine de l’Université Laval ou à
dire que leurs collègues constituaient des dangers pour la population».
L’information
diffusée n’avait d’autre part fait l’objet d’aucune vérification ni auprès des
autorités de la Faculté ni auprès d’autres médecins que les deux médecins du
Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL) qui n’avaient exprimé que leur
point de vue personnel.
Enfin, le seul
critère retenu par les responsables de «Contrechamp», soit le taux d’étudiants
par professeur rétribué, était insuffisant, selon monsieur Gervais, pour porter
un jugement global sur la Faculté, cette dernière se classant «dans la première
moitié des seize facultés canadiennes» sur beaucoup d’autres points.
Commentaires du mis en cause
Le directeur de
CBVT-Québec, monsieur Martin Métivier, ainsi que monsieur Jean-François Mercier
et madame Anne-Marie Dussault, respectivement réalisateur et animatrice de
l’émission «Contrechamp», soutenaient pour leur part que l’émission incriminée
«reposait sur une juste démarche journalistique» et était d’intérêt public.
Rappelant au
Conseil que le reportage en question constituait la suite d’un autre reportage
semblable réalisé en 1977, leur but avait été de voir si la situation s’était
améliorée. Effectivement, comme le démontrait l’émission, si le nouveau
programme pédagogique avait sensiblement amélioré la situation, celle-ci
demeurait toutefois «dramatique» quant aux ressources pédagogiques. Les
médecins interviewés avaient en effet maintenu que les déficiences notées en
1977 étaient encore présentes, notamment en ce qui a trait au manque de cours
et de connaissances de base pour «faire de la bonne clinique» et au fait que
les candidats médiocres peuvent «passer à travers le système parce que les
programmes ne sont pas coordonnés».
D’autre part,
les informations diffusées au cours de l’émission étaient véridiques. Les avis
exprimés par les médecins interviewés étaient fondés sur leur expertise et leur
connaissance du milieu, les conclusions dégagées par «Contrechamp» de bonne foi
et les critères retenus pour évaluer la situation de l’enseignement,
pertinents. Enfin, le titre du reportage était conforme au sujet développé.
Les responsables
de «Contrechamp» avaient aussi vérifié leurs informations, soit auprès du
directeur du Bureau de la pédagogie médicale, bien que ce dernier n’ait pas
accordé d’entrevue en ondes, soit auprès du secrétaire et vice-doyen exécutif
dont les constats «abondaient dans la même direction», soit enfin auprès du
doyen de la Faculté qui avait lui-même admis «être au bout de ce qu’on peut
faire avec les ressources qu’on a».
Quant aux
critères retenus par «Contrechamp» pour évaluer la situation, ils faisaient
davantage poids que les critères suggérés par l’Université. Bien que la
question des «médecins bénévoles» ne fut nullement réglée, de l’aveu même du
Directeur du Bureau de la pédagogie médicale de la Faculté, le fait demeurait
que l’absence de contrôle efficace sur les futurs médecins constitue un système
«condamnable parce qu’il n’offre pas les garanties essentielles de contrôle de
la qualité de l’enseignement et de l’évaluation». Quant au classement des
étudiants à l’examen du conseil médical du Canada, les responsables de
«Contrechamp» n’y voyaient pas un critère significatif puisque la Faculté,
«devant les résultats désastreux de ses étudiants», avait mis au point une
période de formation de quelques semaines afin de les familiariser avec la
méthodologie de cet examen au demeurant considéré comme «insuffisant» selon la
Corporation professionnelle des médecins du Québec. Enfin, si l’internat
constituait un problème partout au Canada, ce problème existait aussi à la
faculté de Médecine de Laval qui s’était vue imposer, lors de la «visite
d’agrément» du Comité national mixte et de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, «des améliorations spécifiques à défaut desquelles elle ne
serait plus reconnue».
Enfin, le titre
«Danger: médecins diplômés», utilisé brièvement au cours de deux séquences du
reportage, désignait d’une façon juste le sujet traité. Même si les personnes
interviewées n’avaient pas employé le mot «danger», ce titre n’en était pas
moins «conforme à l’ensemble de leurs propos» puisqu’il était question de la
médiocrité de médecins qui jouent avec la vie de leurs clients. «Parler en
termes graves de la santé publique ne veut pas dire être sensationnaliste». Un
tel titre provoque des réactions, bien sûr, mais le reportage l’expliquait et
le justifiait.
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche de l’Université
Laval maintenait que même si le titre de l’émission n’avait été imprimé que
brièvement, il avait été utilisé à plusieurs reprises dans les
capsules-annonces et avait créé un grand impact dans le public. Il était, selon
monsieur Gervais, «inconcevable» que des journalistes professionnels n’aient
pas prévu l’utilisation qui en serait faite et que le principal message qui s’en
dégageait serait que les médecins diplômés de l’Université Laval sont un danger
pour la population.
Monsieur Gervais
maintenait aussi que les qualifications professionnelles et le statut
d’enseignant des deux médecins interviewés ne leur conféraient «nullement un
rôle d’experts en matière de docimologie, de planification ou d’organisation de
l’enseignement dans une faculté de médecine». D’autre part, les déclarations du
Directeur du Bureau de pédagogie médicale et celles du Doyen de la Faculté ne
permettaient «absolument pas de conclure que les médecins diplômés de Laval
sont médiocres». Enfin, les responsables de «Contrechamp» omettaient de dire
que le Secrétaire de la faculté de Médecine avait explique que «la complexité
du dossier ne permettait pas de traiter de cette question de façon aussi
lapidaire».
Quant à la
pertinence des critères d’évaluation de la qualité de l’enseignement, la
relation entre la quantité des ressources professorales et la qualité des
diplômés était, selon monsieur Gervais, beaucoup moins directe que la relation
entre la qualité des diplômés et leurs résultats aux examens provinciaux et
nationaux. Les assertions de «Contrechamp» concernant l’accession des médecins
bénévoles à un titre universitaire et la qualité de leur enseignement étaient
aussi fausses et une «vérification élémentaire des faits» aurait permis de les
nuancer. Enfin, la déclaration concernant «l’agrément» démontrait que les
responsables de l’émission n’avaient «rien compris des objectifs et des
conclusions de cette évaluation». Autrement ils auraient fait ressortir que le
problème discuté concernait une seule des cinq années de formation médicale et
que la remise en question de l’internat était générale au Canada.
Analyse
Le Conseil estime que le reportage en question était d’intérêt public et que «Contrechamp» a joué son rôle d’informateur en en saisissant l’opinion.
Malgré la latitude que leur confère leur autorité rédactionnelle dans le choix et le traitement de l’information, les médias et les journalistes n’en doivent pas moins transmettre une information équilibrée et la plus complète possible. Or, dans le présent cas, le Conseil est d’avis que le reportage en question était incomplet et qu’il manquait de rigueur. Compte tenu de la complexité du sujet abordé, les responsables de «Contrechamp» auraient dû donner la parole à un plus grand nombre de personnes comme par exemple les autorités de la faculté de Médecine, des représentants de la Corporation professionnelle des médecins, des étudiants de la Faculté, etc., ce qui aurait permis une compréhension plus juste du problème en question en complétant les opinions livrées par les médecins interviewés.
Le Conseil reproche aussi aux responsables de «Contrechamp» d’avoir eu recours à des titres sensationnalistes qui ont eu comme effet de tromper les téléspectateurs sur la véritable teneur du dossier.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue