Plaignant
Le centre
d’accueil Les Pavillons Bois-Joly
Représentant du plaignant
M. Ronald Cusson
(président du conseil d’administration, centre d’accueil Les Pavillons
Bois-Joly)
Mis en cause
Le Courrier de
Saint-Hyacinthe, Le Journal de Montréal et Photo Police [Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Pierre
Bornais (rédacteur en chef, Le Courrier de Saint-Hyacinthe), M. Yvon Dubois
(rédacteur en chef, Le Journal de Montréal) et M. Michel Lecompte (directeur,
Photo Police [Montréal])
Résumé de la plainte
Entre le 27
novembre et le 3 décembre 1983, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, Le Journal de
Montréal et Photo Police publient des photos de mineurs impliqués dans une
affaire d’inceste, contrevenant ainsi à la Loi sur la protection de la
jeunesse.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de votre plainte dans laquelle vous vous en preniez à la
façon dont Le Courrier de Saint-Hyacinthe, Le Journal de Montréal et Photo
Police avaient traité, dans leur édition respective des 30 novembre, 27
novembre et 3 décembre 1983, une affaire d’inceste, impliquant un monsieur
Lefrançois, survenue dans la région de Saint-Hyacinthe. Vous reprochiez à ces
journaux d’avoir reproduit des photos de personnes alors mineures enfreignant
ainsi la Loi sur la protection de la jeunesse et l’éthique journalistique.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en
chef du Courrier de Saint-Hyacinthe, monsieur Pierre Bornais, considérait pour
sa part que la photo publiée ne visait aucunement «à causer quelque préjudice
que ce soit à l’une des présumées victimes». Il se demandait aussi si la
campagne menée dans la région autour de cette photo n’avait pas largement
contribué à exagérer l’importance de l’incident.
Selon le
rédacteur en chef du Journal de Montréal, monsieur Yvon Dubois, «ce n’est pas
tous les jours qu’un père est condamné à 104 ans de pénitencier pour inceste»
et bien que son journal se montrât très attentif à ce genre de situation et
qu’il fût très «conscient que les enfants doivent être protégés» cette affaire
exceptionnelle méritait un traitement particulier.
Enfin, monsieur
Michel Lecompte alléguait pour sa part que les photos publiées par Photo Police
avaient été remises au journal par la famille. De telles informations «aussi
nauséabondes puissent-elles être, au même titre qu’un scandale politique,
sportif, judiciaire ou économique», se devaient aussi d’être publiées ne serait-ce
que pour «éveiller la population à certaines situations hautement répugnantes».
Réplique du plaignant
Vous estimiez
«satisfaisante» l’explication fournie par le Courrier de Saint-Hyacinthe, son
rédacteur en chef ayant donné l’assurance qu’il s’agissait là d’un cas isolé
«qui n’a rien à voir avec la politique d’information préconisée par le
journal». Quant au Journal de Montréal, vous considériez qu’il passait «à
dessein à côté du problème», les responsables du journal ne pouvant, entre
autres, «à l’avance deviner» que l’accusé dans ce cas serait «condamné à 104
ans de pénitencier pour inceste» au moment où étaient publiés photos et
articles.
Analyse
Le Conseil estime que ni Le Courrier de Saint-Hyacinthe, ni Le Journal de Montréal, ni Photo Police n’auraient dû publier les photos en question qui permettent, à l’aide des textes consacrés au drame, d’identifier les personnes mineures qui s’y trouvent. Même en l’absence de dispositions légales l’interdisant, la presse devrait s’abstenir d’elle-même de publier quoi que ce soit qui puisse permettre l’identification de personnes mineures victimes, accusées ou témoins de drames humains ou d’actes criminels afin de ne pas compromettre leurs chances de réhabilitation sociale ou familiale.
Indépendamment même de l’âge des personnes, la presse devrait éviter d’exploiter les crimes sexuels et d’en identifier les victimes pour épargner justement à ces dernières, en plus des traumatismes qu’elles subissent déjà, les vicissitudes de la notoriété publique.
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo