Plaignant
Conseil
québécois du théâtre
Représentant du plaignant
M. Pierre MacDuff
(secrétaire, Conseil québécois du théâtre)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec] et M. Louis-Guy Lemieux (chroniqueur)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(éditeur adjoint et rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
Dans son texte
intitulé «Haro sur le critique ou sur l’intolérance?», publié dans l’édition du
20 janvier 1984 du Soleil, le chroniqueur Louis-Guy Lemieux adopte un ton
haineux et méprisant à l’endroit des gens de théâtre. Le fait de coiffer cet
écrit de la mention «point de vue» ne peut excuser son caractère excessif, ni
le grand nombre de préjugés et de faussetés qu’il renferme.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Pierre MacDuff, secrétaire du
Conseil québécois du théâtre, qui s’en prenait à votre article paru sous le
titre «Haro sur le critique ou sur l’intolérance?» dans le journal Le Soleil du
20 février 1984.
Monsieur MacDuff
reprochait particulièrement le «ton haineux et méprisant» que vous y adoptiez à
l’endroit des gens de théâtre et vous faisait grief du «nombre impressionnant
de faussetés» que vous y rapportiez faisant preuve de «malhonnêteté
intellectuelle» dans vos jugements sur le boycottage de plusieurs artisans du
théâtre contre le journal Le Devoir. Le fait que cet article fut coiffé de la
mention «point de vue» ne pouvait aucunement excuser son caractère «excessif et
violent» non plus que le nombre incroyable de préjugés «inacceptables sous la
plume d’un journaliste professionnel et assurément blâmables de la part d’un
chroniqueur oeuvrant dans le domaine culturel».
Relevant
plusieurs affirmations fausses dans votre texte, monsieur MacDuff considérait
que votre droit d’exprimer votre opinion ne vous conférait pas «pour autant le
droit de manipuler l’information». Entre autre, vous aviez tort de prétendre
que madame Monique Mercure était signataire de la pétition signée par les
artistes contre Le Devoir. Il était excessif aussi de parler de «terrorisme» et
odieux de comparer la signature de cette pétition à une «sorte d’autodafé qui
n’a rien à envier aux nazis, ni aux colonels grecs» et malhonnête d’associer
leur geste à une volonté de censure ou à un quelconque «putsch de la bande à
Buissonneau», en discréditant au passage ce dernier qui, de l’avis du
plaignant, n’a nullement exercé, dans cette affaire, le leadership que vous lui
prêtiez. Enfin, parler des gens de théâtre comme des «gâtés-pourris du
bien-être social culturel» était méprisant et contraire aux faits.
Commentaires du mis en cause
La seule
véritable erreur que vous reconnaissiez avoir commise fut d’associer le nom de
madame Monique Mercure à la pétition en question bien que celle-ci,
faisiez-vous remarquer au Conseil, ne se soit jamais dissociée publiquement du
geste des signataires. Quant au reste, les accusations du plaignant
constituaient, selon vous, des «interprétations basées davantage sur l’humeur
que sur la lettre» de votre opinion publiée sous la rubrique «Point de vue».
Vous référiez d’ailleurs le Conseil à l’éditorial de la rédactrice en chef du
Devoir qui, après une rencontre avec les pétitionnaires, parlait de leur
engagement à «boycotter totalement» Le Devoir, de «mise à l’index» de son
critique de théâtre et de «coupures publicitaires». Il vous fallait donc parler
«de tentative de censure et de sorte d’autodafé» car «on voulait carrément
interdire un critique et «brûler» un journal». Et pour comprendre ce geste, «il
fallait en dégager les causes» dont la toute première vous paraissait être la
politique de subventions gouvernementales qui aurait «créé une mentalité de
bénéficiaires du bien-être social culturel qui a placé ce milieu dans un ghetto
culturel et intellectuel».
L’éditeur
adjoint et rédacteur en chef du Soleil, monsieur Claude Masson, soulignait,
quant à lui, que votre texte n’engageait que vous-même, que cette opinion «se
situait dans le style pamphlétaire». Il signalait en outre au Conseil que son
journal avait publié des points de vue complémentaires et contraires aux
vôtres. Monsieur Masson assurait enfin le Conseil qu’à titre de secrétaire du
Conseil québécois du théâtre, le plaignant aurait également eu droit «au même
espace» que vous s’il avait voulu réagir à vos propos.
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, monsieur MacDuff s’interrogeait sur la logique de votre argumentation
dans le cas de madame Monique Mercure. Etant donné que les 1 200 autres
interprètes membres de l’Union des artistes ne s’étaient pas désolidarisés
publiquement du geste des pétitionnaires, eût-il alors été excusable de tous
les nommer par erreur?
Par ailleurs,
monsieur MacDuff affirmait bien baser ses «accusations» sur la lettre de vos
écrits, s’en prenant à la façon «dangereusement approximative et tendancieuse»
avec laquelle vous sembliez «manipuler» certains concepts, notamment la question
des subventions publiques accordées au théâtre. À cet égard, il était faux de
prétendre, comme vous le faisiez, que les subventions étaient accordées «à tort
et à travers à la moindre compagnie théâtrale». Que de surcroît, une telle
information erronée «serve de pierre d’assise à une diatribe haineuse et
méprisante à l’endroit des gens de théâtre me sidère et me fait m’interroger
sérieusement sur la compétence journalistique de M. Lemieux».
Analyse
Le seul reproche que le Conseil peut vous faire dans le présent cas est d’avoir erronément associé, dans votre article publié sous la rubrique «Point de vue», le nom de Mme Monique Mercure à la pétition signée par les artisans du théâtre contre Le Devoir. Quel que soit le genre journalistique qu’ils adoptent, les professionnels de l’information sont tenus de respecter les faits en tout temps.
Cela dit, le Conseil rappelle que la chronique, la critique, tout comme le commentaire et l’éditorial, constituent essentiellement du journalisme d’opinion et sont une manifestation de la liberté de la presse. Ces genres journalistiques confèrent aux professionnels de l’information qui les pratiquent une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue et la formulation de leurs jugements et leur permettent même d’adopter un ton de polémiste.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C18D Discrimination