Plaignant
M. Nigel G.
Spencer
Mis en cause
La Tribune
[Sherbrooke]
Représentant du mis en cause
M. Jean
Vigneault (rédacteur en chef, La Tribune [Sherbrooke])
Résumé de la plainte
La Tribune
publie régulièrement des lettres anonymes ou sous pseudonymes, ce qui permet à
ses correspondants de ne pas signer leurs calomnies. Une lettre d’«Abonnés
révoltés», parue le 12 mars 1984, traite par exemple de menteuse l’auteure
dûment identifiée d’une autre lettre ouverte.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Nigel Spencer qui reprochait
à La Tribune de publier des lettres ouvertes anonymes ou sous pseudonymes,
permettant ainsi à ses correspondant(e)s «de ne pas signer leurs calomnies,
déformations, invectives, etc.»
Tout en voyant
là une pratique «courante» de votre journal, le plaignant citait en exemple une
lettre signée par des «Abonnés révoltés» publiée dans l’édition du 12 mars 1984
sur la situation en Amérique latine.
Commentaires du mis en cause
Vous expliquiez
au Conseil que la politique de votre journal est d’accepter que ses lecteurs
lui écrivent en conservant leur anonymat, ce qui facilite une plus grande
liberté d’expression dans une petite région comme la vôtre. Vous n’acceptez
toutefois de publier de telles lettres qu’à la condition qu’elles ne soient pas
injurieuses et que leurs auteurs s’identifient clairement auprès des
responsables de la page éditoriale. Enfin, vous précisiez que la lettre publiée
dans le présent cas sous la signature «Abonnés révoltés» constituait une
réplique à un texte paru précédemment dans la chronique d’information et de
commentaires sur l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, «Vent du Sud».
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, monsieur Spencer estimait que, loin de servir la liberté
d’expression, votre façon de faire ne faisait que favoriser dans une petite
communauté, «la hargne et l’étroitesse d’esprit». En plus, signalait-il, la
lettre des «Abonnés révoltés» avait dans le présent cas permis à ses auteurs de
traiter impunément de «menteuse» la signatrice de l’article à laquelle ils
rétorquaient, comme si cette personne n’avait pas elle aussi le droit de
s’exprimer librement.
Analyse
Les journaux doivent s’interdire de publier des lettres anonymes et, règle générale, ils doivent identifier les lettres qu’ils publient. Une telle règle offre au public une garantie supplémentaire de la probité du journal et de l’authenticité de ces lettres.
Les journaux peuvent être justifiés, dans certains cas qui doivent demeurer l’exception, de publier des lettres sous pseudonymes ou encore dont les auteurs refusent de s’identifier publiquement. Ils doivent alors s’assurer que leurs auteurs ne sont pas des auteurs fictifs et que les raisons qu’ils invoquent pour taire leur nom sont bien fondées. Ces lettres ne doivent pas être des fabrications, des subterfuges destinés à manipuler l’opinion publique ou encore des écrans pour diffuser n’importe quelle information, attaquer les personnes ou cultiver les préjugés.
Dans le présent cas, le Conseil estime que la lettre des «Abonnés révoltés», en réponse à une lettre ouverte signée, n’aurait pas dû être publiée en raison de son ton général outrancier et des attaques personnelles qu’elle contenait.
Analyse de la décision
- C08G Lettres anonymes
- C08H Lettres diffamatoires