Plaignant
Le Bureau de la
Communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal [CCHM] et M. Paul Dejean
(responsable)
Mis en cause
CINQ-FM (Radio
Centre-ville) [Montréal], M. Marc Evens Absalon (animateur) et M. Ricardo
Déchent (directeur général)
Résumé de la plainte
L’émission
animée par M. Marc Evens Absalon sur les ondes de CINQ-FM s’acharne contre les
plaignants. Le 13 mai 1984, l’animateur permet à ses invités de tenir des
propos injurieux à l’égard de M. Paul Dejean. Le 20 mai, il présente un compte
rendu tendancieux d’une réunion du Comité conjoint haïtien sur le SIDA. Les 2
et 3 juin, CINQ-FM diffuse de fausses informations concernant un prétendu fonds
disponible au bureau de la Communauté chrétienne des haïtiens de Montréal. Son
directeur général, M. Ricardo Déchent, ne respecte pas une entente visant à
accorder un droit de réplique aux plaignants.
Griefs du plaignant
Le Conseil de presse
a terminé l’étude de la plainte de monsieur Paul Dejean, responsable du Bureau
de la Communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal (CCHM), qui considérait
que l’émission animée par monsieur Marc Evens Absalon sur les ondes de Radio
Centre-Ville s’acharnait contre lui et le bureau de la CCHM.
M. Dejean aurait
été «directement et nommément pris à parti» lors d’une interview diffusée dans
le cadre de l’émission du 13 mai 1984 qu’animait monsieur Absalon. Celui-ci
n’aurait fait aucun rappel à l’ordre à ses invités ni aucune mise au point
alors que «des accusations de nature infamante et des propos injurieux» étaient
proférés contre monsieur Dejean ainsi qu’étaient rapportés de «façon
manifestement tendancieuse et inexacte» des faits le concernant.
Le responsable
du bureau de la CCHM relevait également d’autres manquements à l’éthique sur
les ondes de Radio Centre-Ville. Monsieur Absalon aurait ainsi fait le 20 mai
1984 un compte rendu tendancieux d’une réunion du Comité conjoint haïtien sur
le SIDA, alors même qu’il avait participé à cette réunion en qualité de
journaliste. En ondes, il aurait justifié sa façon de procéder en affirmant
que, n’étant pas journaliste, on ne pouvait lui reprocher de ne pas se plier à
l’éthique de cette profession.
Les 2 et 3 juin
1984, l’équipe haïtienne de Radio Centre-Ville diffusait les propos d’une
personne en difficultés n’ayant reçu aucune aide du bureau de la CCHM. Avait
été alors donnée comme «absolument certaine une information complètement fausse
concernant un prétendu fonds disponible au bureau de la CCHM pour les cas de
détresse». Ce faisant, on insinuait que le bureau et son responsable pratiquait
des détournements de fonds. Après cette émission, le bureau de la CCHM avait
reçu des appels anonymes où l’on accusait ses membres de voler l’argent de la
communauté haïtienne.
Enfin, les
plaignants reprochaient à la station de n’avoir pas respecté l’entente
originale prise avec son directeur, monsieur Ricardo Déchent, à l’effet qu’un
droit de réplique leur soit reconnu. Cette réplique fut diffusée plus tard que
prévu et les plaignants disaient faire «toutes les réserves que de droit sur
les commentaires qui ont accompagné cette diffusion».
Commentaires du mis en cause
Monsieur Marc
Evens Absalon, animateur, soulignait au Conseil que «les médias ethniques
communautaires ont un fonctionnement, un impact et un code qui sont différents
des autres médias de masse» et que le rôle de tels médias se devait d’être très
critique et ce, malgré «la susceptibilité non justifiée des leaders des
communautés avides de reconnaissance et de pouvoir». Il soulignait également
«le statut et la qualité des bénévoles amateurs ou professionnels des médias
communautaires».
Pour ce qui est
des propos tenus le 13 mai 1984 par ses deux invités, monsieur Absalon ne
voyait pas pourquoi il aurait fallu intervenir et il ne lui appartenait pas de
corriger ses invités. Il était animateur et non éditorialiste. Le plaignant
aurait dû, selon lui, «soit s’en prendre à ses invités, soit demander à donner
son explication, soit répliquer, soit demander de débattre avec les auteurs de
ces assertions».
Il n’appartenait
pas non plus à monsieur Absalon de dévoiler le nom des sources qui lui avaient
transmis les informations concernant un supposé fonds de soutien des personnes
en détresse. Monsieur Absalon affirma qu’elles étaient des personnalités
officielles.
Monsieur Absalon
précisait qu’une lettre de monsieur Antony Alcindor, président de l’Association
des médecins haïtiens à l’étranger et coordonnateur du Comité conjoint haïtien
sur le SIDA, avait été lue sur les ondes le 3 juin 1984. Dans cette lettre
adressée au directeur de Radio Centre-Ville, monsieur Alcindor rectifiait
certains propos tenus lors des émissions incriminées. La station avait
également diffusé la réplique du plaignant. Si réparation des faits était à
faire, elle avait été faite selon lui.
Enfin, selon
monsieur Absalon, le fond de la plainte reposait non pas sur les déclarations
qu’un porte-parole de la station avait faites après la diffusion de la réplique
du plaignant, mais bien parce que ce dernier n’avait pas obtenu satisfaction
quant à la date de ladite diffusion.
Pour sa part, le
directeur général de Radio Centre-Ville considérait avoir donné suite à
l’entente verbale conclue avec le plaignant. Selon monsieur Déchent, aucune
date n’avait été fixée à l’avance pour la diffusion du droit de réplique.
La version
créole de cette réplique fut acheminée à la station le 9 juin. Se disant
responsable de ce que la station diffuse, monsieur Déchent avait préféré
attendre une version française du texte avant d’en permettre la diffusion.
Cette version fut prête une semaine plus tard. La station diffusa alors la
version créole dès les premières émissions (hebdomadaires) de l’équipe
haïtienne suivant la réception de la version française.
Réplique du plaignant
En réponse à ces
commentaires, M. Dejean affirmait de nouveau qu’il y avait bel et bien eu
entente pour que sa réplique soit diffusée les 9 et 10 juin. Monsieur Dejean
avait inscrit ces dates dans une lettre confirmant l’entente téléphonique et le
directeur de la station n’avait ni téléphoné, ni écrit par la suite pour les
contester. M. Dejean précisait d’autre part qu’il n’aurait jamais porté plainte
au Conseil si la station avait diffusé sa réplique aux dates entendues.
M. Dejean annexa
à sa réplique la lettre de monsieur Antony Alcindor. Cette dernière, selon lui,
confirmait son interprétation des faits.
Par ailleurs, M.
Dejean estima que les réponses de monsieur Absalon se passaient de
commentaires.
Analyse
Les émissions qui appartiennent à la fois à la catégorie des programmes d’affaires publiques et de service à la communauté sont astreintes aux mêmes exigences de rigueur et de qualité que tout autre programme d’information.
Les animateurs de telles émissions jouissent, en tant que journalistes, d’une grande latitude dans la conduite de leur émission, souvent polémique, et dans l’expression de leurs points de vue. Cette latitude ne les soustrait cependant pas à la responsabilité qu’ils ont d’offrir à leurs auditeurs une information réaliste et fondée. Ce faisant, lorsqu’ils font état de rumeurs, ils devraient faire preuve d’une grande prudence et prendre toutes les précautions qui s’imposent pour en garantir la crédibilité.
D1???> Dans le présent cas, le Conseil est d’avis que la diffusion de la réplique du plaignant sur les ondes de Radio Centre-Ville a permis à ses auditeurs de prendre connaissance d’une autre version des faits et ils étaient ainsi en mesure de porter leur propres jugement sur l’affaire en question malgré les déclarations faites par un porte-parole de la station après la diffusion de la réplique.
D2???> Enfin, le Conseil rappelle à l’animateur que le fait d’oeuvrer bénévolement ou non dans une entreprise communautaire ne justifie pas que l’on s’écarte des règles prescrites par l’éthique journalistique.
Analyse de la décision
- C15J Abus de la fonction d’animateur
- C17A Diffamation