Plaignant
M. Marc-Olivier
Rainville
Mis en cause
La Presse
[Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Michel Roy
(éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
La Presse
travestit volontairement le sens de deux nouvelles en les coiffant de titres
contraires à leur contenu. Ainsi, le 5 novembre 1984, elle titre «Oui à la
peine de mort» une photo qui montre des manifestants opposés à cette dernière.
Le 18 novembre, La Presse récidive avec le titre «Bébé Fae : La morale
catholique a été respectée, dit le Vatican», qui accompagne un article
stipulant le contraire.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Marc-Olivier Rainville qui
reprochait à La Presse d’avoir volontairement travesti le sens de deux articles
en les coiffant de titres contraires à leur contenu.
Dans le premier
cas, monsieur Rainville soupçonnait La Presse de favoriser les tenants du
rétablissement de la peine de mort en titrant «Oui à la peine de mort» la
légende d’une photo, parue le 5 novembre, montrant des manifestants s’y
opposant.
Il avait
communiqué avec le chef de la division Illustrations du journal, monsieur
Roland Forget, qui lui aurait répondu que La Presse était un gros journal et
qu’il ne pouvait être question de corriger chaque erreur qui s’y glisse. Le
plaignant lui signalant qu’un article paru le lendemain sur le même sujet portait
aussi à confusion, même s’il était cette fois-ci plus favorable à la position
des opposants à la peine de mort, monsieur Forget lui aurait répondu «que la
personne responsable des deux articles avait peut-être voulu ainsi rétablir
l’équilibre brisé la veille en «atténuant» la couverture du point de vue pour
la peine de mort».
Dans le second
cas, La Presse titrait le 18 novembre: «Bébé Fae: la morale catholique a été
respectée, dit le Vatican. L’article, pourtant, stipulait que le Vatican
reconnaissait licite le transfert d’organes d’animaux, mais jugeait que la
morale n’avait pas été respectée dans ce cas de Bébé Fae.
Le plaignant
avait alors rejoint le chef de pupitre, monsieur Yvon Bellefleur, qui avait
reconnu l’erreur de La Presse. Il refusait cependant d’apporter un rectificatif
même s’il en avait l’autorité, la manchette n’étant pas si erronée puisque le
Vatican avait donné son aval aux greffes d’organes d’animaux.
Commentaires du mis en cause
Appelé à
commenter la plainte, monsieur Michel Roy, éditeur adjoint du journal,
reconnaissait les erreurs de La Presse. «Dans ces deux cas, ajoutait-il,
l’erreur est si manifeste qu’on ne peut en attribuer la cause qu’à la
précipitation, à la distraction ou à l’inattention. Erreur si évidente en effet
qu’il n’était pas indispensable de la rectifier le lendemain, encore qu’il eût
été en principe préférable» de le faire.
Monsieur Roy
invitait le plaignant «à ne pas prêter aux journalistes et à la direction du
journal des intentions malveillantes et quelque noir dessein de tromper le
public».
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, monsieur Rainville soutenait que l’erreur manifeste et l’évidence
invoquées par monsieur Roy n’étaient nullement présentes et ne tenaient pas compte
des faits. Dans les deux articles, le point de vue minoritaire a été favorisé,
témoignant à son avis d’un biais discutable de la part des responsables de La
Presse.
Analyse
Le choix des titres et vignettes relève de la discrétion de l’éditeur dont c’est la prérogative d’établir la politique de l’organe d’information en la matière. En se prévalant de cette discrétion, l’éditeur doit toutefois veiller à ce que ces titres et vignettes reflètent fidèlement l’esprit et le contenu des textes et photos qu’ils accompagnent.
Dans le présent cas, le Conseil est d’avis que les erreurs commises étaient dues soit à la précipitation, à la distraction ou à l’inattention comme le suggère l’éditeur adjoint du journal.
Le Conseil estime toutefois qu’il aurait été préférable d’apporter les rectificatifs qui s’imposaient. Il en va non seulement du respect des faits, mais aussi de la crédibilité d’une entreprise de presse professionnelle qui maîtrise les techniques et normes journalistiques en vigueur.
Ceci dit, le Conseil ne saurait souscrire au procès d’intention fait par le plaignant qui concluait à une volonté du journal de favoriser un point de vue particulier.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13A Partialité
- C19A Absence/refus de rectification
Date de l’appel
26 March 1985
Appelant
M. Marc-Olivier
Rainville
Décision en appel
Le plaignant se dit
insatisfait de la décision rendue en soumettant qu’il n’avait pas voulu faire
de procès d’intention à La Presse, mais plutôt aider le Conseil à remplir son
mandat qui est ici de dénoncer l’incompétence de l’employé du journal
responsable des titres.
Le Conseil
rejette l’appel et maintient en tous points la décision rendue en première
instance.