Plaignant
Le Regroupement
des garderies sans but lucratif de l’Outaouais
Représentant du plaignant
Mme Monique Pellerin
(représentante, Regroupement des garderies sans but lucratif de l’Outaouais)
Mis en cause
L’Actualité
[Montréal] et Mme Dominique Demers (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Jean Paré
(directeur, L’Actualité [Montréal])
Résumé de la plainte
L’article de la
journaliste Dominique Demers intitulé «Les garderies, jardins ou jungles?»,
paru dans l’édition de septembre 1984 de L’Actualité, contient des omissions
graves tant à l’égard du rappel historique que de la description de la
situation actuelle des garderies. La journaliste ne distingue pas les garderies
à but lucratif et celles sans but lucratif. Son article présente une
généralisation excessive et sensationnaliste du sujet traité, ce qui a comme
effet de discréditer les garderies sans but lucratif. La journaliste aurait dû
compléter son dossier en demandant le point de vue d’organismes compétents.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte du Regroupement des garderies sans but lucratif de
l’Outaouais (RGO), représenté par madame Monique Pellerin, qui reprochait à la
journaliste Dominique Demers et à L’Actualité d’avoir publié un reportage
incomplet sur la situation des garderies au Québec.
En premier lieu,
le RGO soumettait que l’article paru dans l’édition de septembre du magazine et
intitulé «Les garderies, jardins ou jungles?» était une généralisation qui
laissait croire, implicitement ou non, que les garderies étaient toutes
organisées sur le même modèle et qu’elles souffraient toutes des mêmes
problèmes et défaut que ceux décrits dans cet article.
Le reportage
contenait, selon le plaignant, des omissions graves. Ainsi, la journaliste
n’aurait pas fait la distinction qui s’imposait entre garderie à but lucratif
(généralement privée) et garderie sans but lucratif. Madame Demers n’aurait pas
non plus fait mention des garderies clandestines et aurait omis de brosser un
tableau d’ensemble, tant historique qu’actuel, de la situation, ce qui avait
pour effet de laisser les lecteurs dans la confusion et de faire tort aux
garderies sans but lucratif comme celles regroupées dans le RGO.
D’autre part, le
ton employé par la journaliste aurait été sensationnaliste et l’article
contenait des allusions qui donnaient «l’impression sans fournir de statistiques,
que beaucoup de garderies ont des locaux vétustes, que les ratios sont trop
élevés, que les parents ne sont pas les bienvenus à l’intérieur ou que du
personnel aimant, on ne retrouve cela que dans les garderies mises sur pied
pour la recherche».
Enfin, le RGO
estimait que madame Demers aurait pu compléter avantageusement son dossier si
elle avait contacté des porte-parole d’un organisme tout aussi important que
SOS garderies, soit le Regroupement des garderies du Québec. Ces derniers
«auraient pu renseigner madame Demers sur les projets éducatifs dans les
garderies, sur le dossier du perfectionnement du personnel, sur les difficultés
financières des garderies, sur les revendications et les critiques de garderies
à l’endroit de l’Office des services de garde à l’enfance, sur la place des
parents dans les garderies populaires».
Aux dires du
plaignant, cette démarche n’aurait cependant peut-être pas bien servi les fins
de la journaliste et aurait donné «trop de renseignements aux lecteurs,
lectrices». Le RGO déplorait ainsi que la journaliste «se soit contentée elle
aussi de demeurer au vestiaire et de ne pas entrer plus loin dans le dossier».
Commentaires du mis en cause
Avant d’élaborer
sur les griefs du RGO, le directeur de L’Actualité, monsieur Jean Paré, notait
que la revue avait reçu plusieurs lettres de protestations ainsi que des
pétitions à la suite de la publication de l’article. Ces protestations étaient
«assez ressemblantes pour indiquer qu’elles étaient le produit sinon d’un mot
d’ordre, du moins de consultations ou de conversations entre les personnes
concernées».
Par ailleurs,
monsieur Paré s’estimait satisfait des recherches entreprises par sa
journaliste. Madame Demers aurait visité 15 garderies et serait entrée en
contact avec des utilisateurs et des travailleurs d’une douzaine d’autres, ce
qui constituerait un échantillon suffisant compte tenu du fait qu’il existe
environ 500 garderies au Québec. De plus, madame Demers était elle-même
utilisatrice de garderie et ses observations concordaient avec celles d’autres
membres de la rédaction qui ont aussi des enfants en garderie.
Pour monsieur
Paré, le but de l’article était «d’avertir les parents que ni l’Office des
services de garde ni ses permis ne constituent des garanties absolues» et,
partant, d’amener l’Office et les garderies «à plus de rigueur».
Quant aux
reproches de ne pas avoir fait la distinction entre garderie à but lucratif et
garderie sans but lucratif et d’avoir omis de parler des garderies
clandestines, monsieur Paré infirmait les propos du plaignant en citant les
passages de l’article où il en était question. Et au reproche d’avoir rencontré
uniquement des utilisateurs et des moniteurs plutôt que des représentants
officiels, monsieur Paré rétorquait que «le reportage n’est pas principalement
la transmission des mots d’ordre officiels et des propagandes».
Enfin, les
accusations du plaignant ainsi que celles contenues dans nombre de lettres
reçues à L’Actualité, selon lesquelles la journaliste n’aurait pas fait la
distinction entre garderies privées et publiques, montreraient que les
plaignants cherchaient «principalement à impliquer L’Actualité dans une guerre
d’intérêts».
Tout en
soutenant sensiblement le même type d’argumentation que monsieur Paré, madame
Demers ajoutait que l’attitude du plaignant, qui lui avait demandé de faire un
autre article sur le sujet sous menace de se plaindre au Conseil de presse,
était une atteinte à la liberté de presse. Il n’existe pas, de poursuivre
madame Demers, une seule façon de faire un reportage, et la journaliste disait
avoir préféré aller au coeur du vécu des enfants et des travailleurs que de
s’en remettre aux déclarations des officiels.
Madame Demers
affirmait n’avoir rien inventé. Si l’article paraissait sensationnaliste,
c’était parce que la réalité était très choquante. De plus, madame Demers
justifiait l’absence de statistiques dans son article par le fait qu’il n’en
existait tout simplement pas, situation qu’elle disait déplorer.
Réplique du plaignant
Dans sa réplique,
madame Pellerin niait l’existence d’un quelconque mot d’ordre ou d’une
consultation entre son regroupement et d’autres formations analogues afin de
faire pression sur L’Actualité. Et si cela avait été le cas, ça n’aurait de
toute façon aucunement invalidé la démarache du RGO auprès du Consel. Madame
Pellerin estimait d’ailleurs que l’ampleur de la réaction engendrée par
l’article tendait à appuyer les griefs du RGO.
Madame Pellerin
précisait en quoi le reportage de madame Demers était incomplet, cet article
omettant «des renseignements importants, utiles à la compréhension de la
problématique». Ainsi, l’historique brossé par madame Demers rendait une fausse
image de la réalité des garderies en omettant de parler de l’ensemble des
acteurs en présence. Madame Demers ne s’en serait tenue qu’au point de vue
dicté par la loi et n’aurait pas cherché à connaître «l’envers de la médaille».
«Elle s’est contentée de citer quelqu’un de SOS garderies, qui était un groupe
parmi d’autres à l’époque et qui n’existe d’ailleurs plus depuis quelques
années».
Madame Demers
n’aurait pas non plus cherché à connaître les efforts et les revendications des
groupes comme le RGO et ne rendait pas justice de ce fait à ces organismes sans
but lucratif, à leurs programmes pédagogiques, au pourquoi de leurs difficultés
financières et du bénévolat demandé aux parents. Madame Demers aurait été à
même de relativiser certaines de ses conclusions en fouillant son dossier,
notamment en ce qui a trait aux messages écrits accrochés au cou des enfants.
Madame Pellerin expliquait ainsi ces messages du fait que les horaires de
travail des parents et des éducatrices n’étaient pas les mêmes. Le message
écrit était alors la seule façon de créer un lien avec les parents afin qu’ils
sachent ce que l’enfant avait fait durant la journée.
Analyse
L’attention que décide de porter un journaliste ou un organe d’information à un sujet particulier relève de son jugement rédactionnel. Le choix et l’importance du sujet, de même que la façon de le traiter lui appartiennent en propre. Le Conseil en saurait intervenir dans de telles décisions sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information.
Partant, le Conseil en peut blâmer L’Actualité et la journaliste, madame Dominique Demers. Le Conseil estime en effet que le reportage était d’intérêt public et que le sujet a été traité avec équité, conformément aux normes journalistiques en vigueur.
Le ton employé était sobre et le Conseil n’y voit aucune connotation sensationnaliste. Le Conseil est d’avis, par ailleurs, que l’article n’a pas eu pour effet de discréditer un groupe particulier au détriment des autres, même s’il eut été souhaitable que les distinctions entre les divers genres de garderies soient faites plus clairement qu’elles ne l’ont été dans l’article.
Enfin, le Conseil s’estime satisfait de la publication dans l’édition suivante de L’Actualité d’une suite faisant état des diverses réactions, tant favorables que défavorables, suscitées par la publication du premier article, permettant ainsi aux lecteurs de connaître d’autres points de vue et les rendant aptes à tirer leur propore conclusion sur le sujet.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue