Plaignant
Le CLSC La
Saline
Représentant du plaignant
M. Clément
Michel (directeur général, CLSC La Saline)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec] et M. Raymond Giroux (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Alain
Guilbert (éditeur adjoint et rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
Dans le billet
«Enfin une vraie job!», paru le 28 octobre 1984, le journaliste Raymond Giroux
du Soleil parodie l’offre d’emploi du plaignant visant à embaucher un agent de
relations humaines spécialisé dans les problèmes de toxicomanie et
d’alcoolisme. Le journaliste, en faisant appel à une collection de préjugés et
d’injures, laisse entendre que le plaignant cherche à recruter des toxicomanes
et des alcooliques.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte des membres du CLSC La Saline de
Chandler qui dénonçaient un billet paru le 28 octobre 1984 dans Le Soleil et
titré «Enfin une vraie job!» dans lequel monsieur Raymond Giroux,
éditorialiste, raillait une offre d’emploi du CLSC pour recruter un agent de
relations humaines spécialisé dans les problèmes de toxicomanies et
d’alcoolisme.
Dans ce billet,
monsieur Giroux parodiait l’annonce du CLSC en invitant les «amateurs d’alcool
et de drogues» à offrir leurs services au CLSC, organisme qui ne serait,
toujours selon monsieur Giroux, qu’une de ces «maisons où des fonctionnaires
malades rendent des gens normaux semblables à eux».
Ce faisant,
monsieur Giroux s’en prenait «à l’intégrité des praticiens des CLSC» et
manquait de respect envers les personnes prises avec des problèmes «aussi
graves que l’alcoolisme et certaines toxicomanies».
En commentant
les exigences requises pour l’emploi, monsieur Giroux se permettait de décerner
allégrement le titre de «cancres oisifs et désoeuvrés» aux détenteurs de
diplômes universitaires en Sciences humaines. De plus, ignorant le style
télégraphique habituel, et nécessaire, dans ce genre d’affichage,
l’éditorialiste était irrévérencieux en affirmant que quiconque ayant «sniffé
en groupe ou calé un cognac dans un salon un soir de solitude désespérée»
pouvait satisfaire une des exigences requises, à savoir une expérience
pertinente en alcoolisme et toxicomanie.
Monsieur Giroux
se serait également permis un «trip personnel» en traitant de l’exigence
«créativité» et aurait ensuite déblatéré «sans vergogne» sur le sens précis
d’une «exigence aussi élémentaire que posséder une automobile» en avertissant
les policiers qu’il y aurait bientôt un fou au volant sur les routes de
Chandler.
Les membres du
CLSC La Saline avaient protesté auprès du journal. Ils transmettaient au
Conseil copie d’une lettre du président-directeur général du Soleil, monsieur Paul-A.
Audet, dans laquelle celui-ci soutenait que le billet de monsieur Giroux se
voulait humoristique mais que le résultat était «fort discutable». Monsieur
Audet affirmait cependant qu’il n’avait pas été dans l’intention du journaliste
de porter atteinte à la réputation de quiconque et assurait le CLSC La Saline
que le rédacteur en chef serait saisi de l’affaire.
Commentaires du mis en cause
Pour sa part,
monsieur Alain Guilbert, éditeur adjoint et rédacteur en chef au Soleil,
précisait dans un premier temps que le billet était, en termes journalistiques,
l’équivalent de la caricature. A partir de ce fait, tout devenait, selon
monsieur Guilbert, une question de goût. Le Soleil reconnaissait à ses lecteurs
la même liberté d’opinion qu’il reconnaissait à ses journalistes et publiait
par conséquent, dans la section «Votre page», les lettres des lecteurs sans en
censurer le contenu.
Le Soleil avait
ainsi publié deux lettres de protestations, dont l’une du personnel du CLSC La
Saline. Monsieur Guilbert notait que cette lettre utilisait le même ton que
celui qui était reproché au billet de monsieur Giroux; Le Soleil l’avait quand
même publiée intégralement, malgré l’invitation au suicide qui y était faite et
qui constitue une offense criminelle.
Monsieur
Guilbert soumettait en conclusion que M. Giroux avait écrit son billet selon
les critères journalistiques depuis longtemps reconnus et en exerçant sont
droit à la liberté d’opinion et d’expression. Le Soleil avait également permis
«sans hésitation aucune» que ses lecteurs exercent leur droit de réplique dans
cette affaire.
Monsieur Giroux
disait, pour sa part, faire siens les commentaires de son rédacteur en chef.
Analyse
Le billet, comme la caricature, a comme fonction première d’illustrer ou de présenter, en faisant appel à l’exagération du trait, un personnage, un fait ou un événement de façon satirique ou humoristique. Ce mode particulier d’expression constitue un véhicule d’opinions au même titre que l’éditorial.
Partant, si l’on doit reconnaître que ce genre journalistique laisse à son auteur une grande latitude d’expression, l’on est aussi en droit de s’attendre à ce que l’auteur d’un billet s’acquitte de sa tâche avec la même conscience, le même souci de la qualité et le même respect d’autrui qui sont exigés des autres professionnels de l’information.
Dans le présent cas, le Conseil estime que le billet de monsieur Giroux pouvait jeter le discrédit sur le personnel des CLSC et que ce texte colportait des préjugés.
D’autre part, le Conseil tient à signaler que la réplique des plaignants, publiée dans le courrier des lecteurs du Soleil, utilisait le même ton excessif que celui qui est reproché au journaliste. Le Conseil doit également exprimer sa désapprobation à l’égard des menaces de boycott que les plaignants ont fait au journal.
Analyse de la décision
- C06C Appel au boycottage/représailles
- C17D Discréditer/ridiculiser