Plaignant
L’Association
des parents adoptifs du Québec
Représentant du plaignant
Mme Annette
St-Louis (vice-présidente, Association des parents adoptifs du Québec)
Mis en cause
Le Nouvelliste
[Trois-Rivières], Photo Police [Montréal] et Allô Police [Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Bernard
Champoux (directeur de l’information, Le Nouvelliste [Trois-Rivières]), M.
Richard Desmarais (directeur, Photo Police [Montréal]) et M. Robert Poulin
(secrétaire, Société de Publication Merlin)
Résumé de la plainte
Les chroniques
de type «retrouvailles», qui paraissent dans Le Nouvelliste, Photo Police et
Allô Police, portent atteinte à la vie privée des enfants et de leurs parents
en divulgant des informations confidentielles. Par ces avis de recherche, les
journaux concernés dédoublent inutilement un service offert par les autorités
gouvernementales.
Griefs du plaignant
Le Conseil a terminé
l’étude de la plainte de l’Association des parents adoptifs du Québec (APAQ)
qui reprochait aux journaux Le Nouvelliste, Photo Police et Allô Police de
publier des chroniques régulières d’avis de recherche de type «retrouvailles»
entre enfants et parents biologiques.
Tout en estimant
que ces journaux faisaient preuve de manque de professionnalisme et de
discrétion, l’APAQ jugeait «inconcevable que, sous prétexte de fournir un
servie important aux gens qui désirent s’en prévaloir, les journaux servent de
véhicule de sollicitation à des retrouvailles en dévoilant des aspects
extrêmement intimes de la vie privée de citoyens et de citoyennes, le tout,
contrairement à la charte des droits de la personne» et aux dispositions de
certains articles du Code civil.
L’APAQ
transmettait au Conseil une série d’articles dans lesquels on pouvait trouver
des informations «de nature absolument confidentielle». Ces articles
pécheraient également par leur «manque de discrétion sur la vie privée des
parents adoptifs, des adoptés et des parents biologiques en publiant des avis
impliquant des personnes mineures et en donnant les numéros de dossiers
d’adoption, les noms et la description des personnes en cause.
L’APAQ
soumettait qu’il appartenait aux quatorze Centres de services sociaux du Québec
(CSS) d’effectuer de telles démarches et non pas aux journaux qui, malgré le
consentement des personnes qui leur donnent certaines informations, devraient
«s’abstenir de les transmettre par écrit dans de telles chroniques». Enfin, l’APAQ
affirmait qu’elle n’aurait «point de cesse que ces chroniques soient à jamais
éliminées.
Commentaires du mis en cause
Dans ses
commentaires, M. Robert Poulin, secrétaire de la Société de Publication Merlin
(Allô Police) soumettait que le travail fait par les fonctionnaires des CSS ne
satisfaisait aucunement ceux qui ont recours à leurs services; de l’avis de M.
Poulin, «la loi elle-même les empêche» d’agréer complètement aux requêtes des
gens. M. Poulin notait que, malgré un assouplissement de la loi de l’adoption
en 1980, seul l’adopté majeur peut obtenir les renseignements lui permettant de
retrouver ses parents biologiques si, bien sûr, ceux-ci consentent
préalablement à une telle retrouvaille: «Or, comme un adopté recherche ses
parents, c’est qu’il ne les connaît pas, s’il ne les connaît pas, il lui est
difficile de leur demander leur consentement». C’est pour cette raison, de
continuer M. Poulin, que les adoptés et les parents adoptifs se tournent vers
les journaux.
Quant aux
descriptions physiques fournies par les demandeurs, elles se ressemblent
toutes, affirme M. Poulin. Les mères seraient ainsi toujours dépeintes «comme
ayant (au moment de la naissance de l’enfant) 19 ans, 5 pieds deux pouces,
cheveux bruns».
«Aucune loi,
d’ajouter M. Poulin, ne nous interdit de publier une lettre d’une personne qui
a obtenu une ridicule poussière de renseignements. Nous n’avons jamais demandé
aucun renseignement aux organismes en question et rien n’interdit à ceux qui
recherchent enfant ou parents de révéler les renseignements qu’ils ont
eux-mêmes dénichés».
Finalement, M.
Poulin faisait remarquer que bon nombre de cas n’avaient jamais fait l’objet
d’une adoption légale (l’enfant étant «placé») et que la loi d’adoption ne
s’appliquait évidemment pas à eux. De plus, M. Poulin affirmait qu’Allô Police
ne publiait aucune demande venant ou impliquant des personnes mineures.
De son côté, M.
Richard Desmarais, alors directeur de Photo Police, soulignait que «le
Ministère des affaires sociales du Québec a déjà fait connaître son intention
de faciliter les retrouvailles entre parents et enfants qui ont été séparés
dans des circonstances difficiles». «Ce doit être, concluait-il, qu’il existe
actuellement un problème social qui nécessite de la compréhension beaucoup plus
que de l’égoïsme».
M. Desmarais
soulignait de plus que la plaignante n’avait pas «daigné» fournir des exemples
des informations «outrageantes» que Photo Police aurait publiées.
Pour sa part, M.
Bernard Champoux, directeur de l’information au Nouvelliste, soumettait que la
chronique «En quête» de son journal était «un service public, libre et gratuit
qui permet à des êtres humais de se retrouver (…). Les personnes qui écrivent
dans cette chronique le font tout à fait librement, en toute connaissance de
cause et sans aucune interférence ou sollicitation de qui que ce soit».
Lorsqu’une possibilité de rencontre existe, les responsables du journal
transmettent au CSS concerné le dossier des données colligées et c’est ce
dernier que juge des suites à donner. Si des cas de personnes mineures
surviennent, le journal et le CSS «y apportent une attention toute spéciale»,
de poursuivre M. Champoux.
Le journal
notait que lorsqu’il ne recevait pas de réponse après une première publication,
il publiait à nouveau l’avis de recherche, «à titre de service public», après
un délai minimum de six mois et plus généralement d’un an. C’est ce qui
expliquerait une répétition de ce genre survenue le 14 mars 1985 alors que les
parents et enfant avaient pu renouer contact suite au premier avis publié un an
plus tôt. Ce cas avait été soumis par l’APAQ comme un exemple de
l’irresponsabilité du Nouvelliste, la plaignante jugeant cette répétition
outrageante et embarrassante pour les personnes impliquées puisqu’on semblait
faire croire que l’enfant retrouvé avait deux mères biologiques.
Analyse
De par leur large diffusion au sein de la population, les médias tant écrits que parlés ont une responsabilité sociale exigeante et importante. Partant, la presse doit composer avec les changements de moeurs et se faire le témoin de réformes naissantes tout en respectant le droit à la vie privée et en favorisant une plus grande justice sociale. Pour ce faire, les journaux doivent exercer un contrôle strict et sérieux des avis de recherche que l’on peut retrouver dans les chroniques du type «retrouvailles», notamment en s’assurant du consentement des personnes nommément impliquées et en évitant toute publication concernant des personnes mineures.
De là, le Conseil estime que les chroniques de «retrouvailles» publiées par les journaux incriminés ne sont que l’écho d’un phénomène social important. Le Conseil estime de plus que l’APAQ n’a pu démontrer que les articles dénoncés avaient créé une quelconque injustice sociale ou avaient bafoué le droit à la vie privée des personnes impliquées.
Analyse de la décision
- C16D Publication d’informations privées