Plaignant
L’Association
canadienne des employés du transport aérien
Représentant du plaignant
M. Denis Lapalme
(vice-président, Conseil du district 400, Association canadienne des employés
du transport aérien)
Mis en cause
CJFM-FM
[Montréal] et M. Jeff King (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Peter C.
Coleman (directeur des nouvelles et des affaires publiques, CJFM-FM [Montréal])
Résumé de la plainte
Le 16 mai 1985,
dans le cadre de l’émission «Hour Montreal magazine», le journaliste Jeff King
de CJFM conduit de manière partiale une entrevue avec une employée d’Air Canada
qui, sous le couvert de l’anonymat, profère des accusations contre
l’Association canadienne des employés du transport aérien. Le journaliste
refuse de présenter le point de vue de cette association.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de l’Association canadienne des employés de transport
aérien (ACETA) qui reprochait au journaliste Jeff King de la station CJFM de
Montréal d’avoir conduit de façon partiale une interview avec une employée
d’Air Canada et d’avoir démontré un «manque flagrant d’éthique
professionnelle».
Cette plainte
faisait suite à une interview réalisée le 16 mai avec «l’Agent X», une employée
préposée à la billetterie à Air Canada, qui se disait opposée à la grève ayant
alors cours et qui dénonçait le comportement présumément non démocratique de la
direction de son syndicat durant cette grève. La voix de l’Agent X avait été
modifiée, «par crainte de représailles».
Durant
l’interview, l’Agent X affirmait que des menaces de la part du syndicat
auraient été proférées contre des employés pour que ceux-ci ne pensent pas à
déroger à la ligne de conduite du syndicat, que l’ACETA employait des méthodes
douteuses pour empêcher certains syndiqués de voter, qu’il existait une
dissension importante au sein du syndicat et enfin, que la présente grève ne se
prolongeait que pour permettre au syndicat de forcer ses membres à accepter une
offre de fusion avec un autre syndicat, permettant ainsi aux dirigeants
syndicaux de sauver leur emploi et d’augmenter leur pouvoir.
L’ACETA
précisait tout d’abord qu’ayant entendu l’annonce de la diffusion prochaine de
l’interview, un représentant du syndicat avait téléphoné au journaliste Jeff
King pour lui signifier qu’il serait «plus normal de présenter les deux points
de vue comme cela se fait dans la pratique journalistique quotidienne». Selon
les plaignants, le journaliste aurait alors refusé «catégoriquement» de
présenter le point de vue officiel du syndicat.
L’ACETA tenait à
préciser qu’elle était une association parfaitement démocratique et non
violente, dont les membres sont des «gens civilisés qui se refusent à tout
geste ou toute tentative de geste d’intimidation comme ceux que laisse supposer
l’entrevue». Pour le syndicat, le «journaliste a non seulement démontré son
avidité pour le sensationnalisme mais a aussi contribué à salir la réputation
de l’ACETA en refusant» à son représentant de répliquer aux attaques faites par
l’Agent X.
Commentaires du mis en cause
Pour sa part, le
directeur des nouvelles et des affaires publiques de CJFM, M. Peter C. Coleman,
estimait que la station n’avait fait qu’accomplir son travail en présentant au
public tous les aspects d’une affaire publique. Ainsi aux dires de M. Coleman,
la station savait interviewé, durant cette grève, en plus de l’Agent X, les
parties patronale et syndicale. M. Coleman affirmait de plus qu’il avait,
postérieurement à l’entrevue incriminée, offert au syndicat de présenter son
point de vue, ce que ce dernier aurait une première fois accepté pour ensuite
décliner l’invitation, la grève étant alors réglée. Le directeur disait que son
offre tenait toujours.
Par ailleurs, M.
Coleman notait qu’après l’entrevue, la station avait reçu de nombreux appels
d’employés d’Air Canada (le directeur disait posséder leur identité) qui
auraient menacé de s’en prendre physiquement à l’Agent X si son identité était
dévoilée.
Ayant pris
connaissance de la réplique de l’ACETA, M. Peter Coleman tint à préciser que
c’était le syndicat qui aurait refusé l’offre de la station de faire entendre
son point de vue; le syndicat aurait de plus refusé de produire une quelconque
déclaration à ce sujet. M. Coleman tint de plus à reformuler son offre de
présenter sur les ondes le point de vue du syndicat.
Réplique du plaignant
De son côté,
l’ACETA réaffirmait que: «la personne identifiée comme l’Agent X formula des
accusations sérieuses, trompeuses et fausses contre l’ACETA, accusations qui
auraient été normalement mises en doute ou questionnées par tous, sauf par les
journalistes les plus biaisés et ignorants». L’Agent X aurait de plus été
influencée par le ton directif du journaliste dont l’ACETA fournissait des
exemples en annexe de sa réplique.
L’ACETA
convenait qu’une entente aurait effectivement été prise pour présenter, le 21
mai 85, le point de vue du syndicat. Toutefois, le jour de l’entrevue, le
journaliste King aurait alors fait comprendre au représentant du syndicat que
la grève étant finie, la station ne voyait pas l’intérêt d’une telle entrevue,
ce dont le syndicat convint. Le représentant du syndicat aurait cependant
demandé qu’une déclaration de l’ACETA puisse être diffusée sur les ondes de la
station exprimant son désaccord avec les accusations portées contre le syndicat
et avec la façon dont le journaliste avait mené l’entrevue. M. King aurait
affirmé qu’il acheminerait le demande du syndicat à ses supérieurs. Aucune suite
ne fut toutefois donnée à cette demande, aux dires de l’ACETA.
Pour le
syndicat, il était évident que la station avait vu dans l’interview de l’Agent
X une nouvelle originale et percutante et que, sans même entreprendre quelque
consultations ni recherche que ce soit, la station avait sauté sur cette
occasion pour produire une émission sensationnaliste.
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information ne sont pas tenus de traiter de tous les aspects d’une question et ils sont libres de leurs choix rédactionnels. Ces choix ne doivent cependant pas trahir le sens des événements ou contrevenir au devoir de la presse d’informer adéquatement la population sur les question d’intérêt public.
Dans le présent cas, le Conseil estime que l’entrevue faite avec l’Agent X a été menée conformément aux règles déontologiques. Bien qu’employant un style assez directif, ni le ton, ni les propos et questions du journaliste ne semblent au Conseil outrepasser la latitude normalement accordée aux animateurs de telles émissions.
Toutefois, devant la gravité des accusations protées par la personne interviewée, le Conseil estime que le journaliste et la station auraient dû en toute justice permettre au représentant du syndicat de faire connaître le jour même son point de vue. Il est en effet important, lorsque des accusations publiques sont faites sur les ondes, de permettre le plus rapidement possible à la partie accusée de faire connaître sa version des faits afin que les auditeurs puissent dans un délai raisonnable juger de leur propre chef de toute l’affaire. Le Conseil comprend mal l’attitude du journaliste et doit le blâmer pour avoir refusé d’entendre ou de faire entendre le syndicat.
Quant au refus de procéder à une rétractation, les propos des parties étant contradictoires à ce sujet, le Conseil ne peut que constater qu’il existe toujours une possibilité pour le syndicat de se faire entendre et que la station aurait l’occasion en diffusant la présente décision de publiciser les griefs du syndicat.
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité
- C19A Absence/refus de rectification