Plaignant
L’Hôpital du
Haut-Richelieu
Représentant du plaignant
M. Gilles
Bourque (avocat, Monette, Clark, Barakett, Levesque, Bourque 1/4 Pedneault)
Mis en cause
Le Canada
français [Saint-Jean-sur-Richelieu] et M. Michel Hébert (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Yves Gagnon
(président, Editions Le Canada français [Saint-Jean-sur-Richelieu]) et M. Renel
Bouchard (rédacteur en chef, Le Canada français [Saint-Jean-sur-Richelieu])
Résumé de la plainte
L’article du
journaliste Michel Hébert intitulé «De la psychiatrie avec des professionnels
de la charité?», paru dans l’édition du 13 mars 1985 du Canada français,
rapporte sans vérification les propos d’employés non identifiés de l’Hôpital du
Haut-Richelieu. Ce texte, qui présente de manière erronée la situation de
l’aile psychiatrique de l’hôpital, constitue la suite logique de la campagne de
dénigrement menée par Le Canada français contre le plaignant.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de l’Hôpital du Haut-Richelieu, représenté par Me
Gilles Bourque, qui reprochait à M. Michel Hébert, journaliste au Canada
français, d’avoir écrit des propos diffamatoires et injurieux envers l’hôpital.
Le plaignant
s’en prenait à un article publié le 13 mars 1985 intitulé «De la psychiatrie
avec des professionnels de la charité?» et dans lequel le journaliste faisait
état des piètres conditions qui règneraient dans la section psychiatrie de
l’hôpital. L’article était soutenu par des citations de quelques employés de
l’hôpital dont l’identité n’était pas révélée.
Le plaignant
considérait que le journaliste n’avait fait aucunement enquête auprès de
l’institution pour vérifier la teneur de ses sources d’information. «Tous les
propos qu’il a rapportés concernant l’hôpital se sont avérés faux et nous
croyons qu’une simple vérification de la part dudit journaliste aurait pu
corriger sesdites sources d’information», poursuivait le plaignant.
Finalement le
plaignant transmettait au Conseil une série d’articles s’échelonnant sur une
période de trois ans, dont l’article incriminé ne serait que la suite logique.
Pour le plaignant ces articles n’auraient eu comme but que de «ridiculiser et
d’injurier l’hôpital».
Commentaires du mis en cause
De son côté, le
président des Editions Le Canada français, M. Yves Gagnon, estimait que la
présente plainte soulevait le problème «des organismes publics et para-publics
qui non seulement nient toute responsabilité d’informer le public, mais
prennent différentes mesures pour empêcher la diffusion de toute information
qui ne soit strictement contrôlée par la direction de l’organisme». M. Gagnon
soumettait que les pratiques de ces organismes amenaient le journaliste «à
utiliser des sources qui ne sont pas les meilleures, il perd un temps
incroyable à rechercher des confirmations (…) sans compter les rencontres à
des heures impossibles dans des endroits éloignés pour ne pas être
« vu »!». Pour M. Gagnon, c’est la qualité de l’information qui en
souffre et cela établit un climat de suspicion, le journaliste étant obligé «de
jouer au détective, comme si un hôpital, une municipalité ou tout organisme
public était un repaire des Hell’s Angels».
Dans leurs
commentaires conjoints, M. Renel Bouchard, rédacteur en chef et le journaliste
Michel Hébert insistaient sur la crédibilité des sources qui ont fourni les
informations nécessaires à la rédaction de l’article. Pour MM. Bouchard et
Hébert, l’article constituait «le point de vue de certains employés après que le
directeur des services professionnels de l’hôpital eut publiquement évoqué la
situation de plus en plus intenable dans ce service».
MM. Bouchard et
Hébert faisaient également remarquer qu’ils avaient tenté d’en savoir plus sur
les griefs de l’hôpital lorsque ce dernier les somma de se rétracter. L’hôpital
se serait refusé à toute déclaration sur cette affaire qui aurait été traitée à
huis clos au conseil d’administration.
Par ailleurs le
rédacteur et le journaliste trouvaient ironique que le plaignant transmette
tous les articles parus sur l’hôpital depuis trois ans afin de démontrer
l’attitude présumée partisane du journal. En effet, ajoutaient-ils, «beaucoup
de ces articles, parus en très bonne place, sont au contraire favorables à
l’hôpital».
Pour eux, la
direction de l’hôpital se plaindrait en fait de la trop grande importance
accordée à cet établissement dans les pages du Canada français. Ils faisaient
remarquer à cet égard que, le budget de l’hôpital étant supérieur à celui de la
ville où il était localisé, il était donc tout à fait normal d’en rendre
compte.
Par ailleurs,
tout comme l’avait fait M. Gagnon, MM. Bouchard et Hébert notaient la «consigne
du silence» qui baillonnait employés et administrateurs: «La direction de
l’hôpital est aujourd’hui mal venue de se plaindre que son point de vue ne
trouve pas suffisamment de place dans nos pages. Il nous fait au contraire
plaisir d’en parler quand nous pouvons l’obtenir», précisaient-ils.
Ils concluaient
en souhaitant que l’hôpital se dote d’une politique d’information respectueuse
des droits des citoyens usagers et contribuables.
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, Me Bourque soumettait qu’il n’y avait aucune raison qui pouvait
«forcer un journaliste à écrire un article sans vérifier la teneur des déclarations
qui peuvent lui être faites». Selon le plaignant, «les problèmes de
communication qui semblent exister entre la presse écrite et l’hôpital» ne
justifient pas que «toute information recueillie doive être publiée sans autre
vérification».
Aussi, Me Bourque
estimait-il toujours que la technique employée par le journal et le journaliste
ne visait qu’à miner la crédibilité de l’hôpital.
Analyse
L’attention que décide de porter un organe d’information à un sujet particulier, le choix des affectations et la façon de traiter l’information relèvent du jugement rédactionnel des médias et des professionnels de l’information. Le Conseil ne saurait intervenir dans de telles décisions sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information.
Dans le présent cas le Conseil est d’avis que l’article «De la psychiatrie avec des professionnels de la charité?» était d’intérêt public et qu’il ne dérogeait pas, ni par le ton, ni par les termes utilisés, aux normes déontologiques. A la lumière des articles fournis par le plaignant, le Conseil estime d’autre part que l’hôpital n’a pu démontrer que le journal a offert à ses lecteurs un portrait biaisé des activités de l’hôpital depuis trois ans.
P3Le Conseil tient également à rappeler au plaignant que les pouvoirs publics, comme mandataires de la population, ont la responsabilité et le devoir d’informer cette dernière complètement et correctement. Le public a un droit inaliénable d’être renseigné sur l’administration publique et sur les décisions que les responsables de cette administration sont appelés à prendre pour lui. Une attitude d’ouverture des pouvoirs publics à l’égard de la presse ne saurait que faciliter la tâche des professionnels de l’information, ceux-ci étant alors mieux à même de bien informer la population. Et si les médias et les journalistes n’obtiennent pas une telle collaboration, ils devraient en faire état dans leur reportages afin que le public soit tout de même informé que les parties impliquées ont effectivement été approchées pour obtenir leur version des faits.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C06A Accès à l’information
- C13A Partialité