Plaignant
CJMS-AM
[Radiomutuel, Montréal] et M. Gilles Proulx (directeur des affaires publiques)
Mis en cause
CKAC-AM
[Télémédia, Montréal] et M. Pierre Pascau (animateur)
Représentant du mis en cause
M. Marc Blondeau
(directeur de l’information, CKAC-AM [Télémédia, Montréal])
Résumé de la plainte
L’animateur
Pierre Pascau et les recherchistes de l’émission «L’informateur», diffusée sur
les ondes de CKAC, utilisent des méthodes déloyales en exigeant l’exclusivité
des entrevues avec les personnes qui défraient les manchettes dans les
journaux. Les pressions faites auprès de ces personnes reposent sur des cotes
d’écoute inexactes.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de M. Gilles Proulx, animateur et directeur des
affaires publiques à la station CJMS de Montréal, qui reprochait à l’animateur Pierre
Pascau de CKAC et à son équipe de recherchistes de l’émission «L’informateur»
d’utiliser des «méthodes déloyales et nuisibles pour l’intérêt de
l’information».
Ainsi, M. Proulx
expliquait que CJMS s’était à plusieurs reprises frappé à un refus de la part
de gens qui avaient été approchés une première fois par l’équipe de M. Pascau.
En accordant une entrevue à CKAC, ces gens devaient promettre l’exclusivité à
cette station sous prétexte que M. Pascau était «le meilleur et le plus
écouté». M. Proulx soulignait que les gens approchés par M. Pascau avaient fait
auparavant l’objet d’une nouvelle dans les journaux et que, par conséquent,
cette nouvelle n’appartenait pas exclusivement à M. Pascau.
Le plaignant
transmettait de plus au Conseil quelques noms de personnes ayant accordé
l’exclusivité à CKAC ainsi que l’enregistrement de conversations téléphoniques
survenues avec deux de ces personnes, soit MM. Eric Langlois et Bill Mandell,
tous deux de Montréal. Dans ces conversations, ces messieurs confirmaient les
dires du plaignant.
Commentaires du mis en cause
Invité à
commenter cette plainte, M. Marc Blondeau, directeur de l’information à CKAC,
estimait que les griefs de M. Proulx mettaient «en lumière une réalité
fondamentale du journalisme. Au-delà de la présentation d’une information juste
et vérifiée, poursuivait-il, nous sommes préoccupés par le caractère distinctif
de ce que nous présentons au public. On réussit à se distinguer notamment quand
on parvient à présenter des entrevues en primeur ou en exclusivité». M.
Blondeau se disait enfin désolé du fait qu’une primeur ou une exclusivité
promise à CKAC ait pas pu «surprendre ou même choquer» le plaignant.
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, M. Proulx affirmait que ce que ses griefs mettaient en lumière était
«un jeu de coulisse qui n’est pas orthodoxe pour quiconque souhaite la libre
circulation des informations».
M. Proulx
soulignait d’autre part que le caractère distinctif d’une émission se situait
«beaucoup plus dans la façon d’animer des émissions qui, d’une station à
l’autre se ressemblent souvent, plutôt que de faire l’obstruction à la circulation
de nouvelles provenant de la place publique».
Commentaires des tiers
Par ailleurs,
deux autres personnes impliquées transmirent une lettre au Conseil à ce sujet.
L’une d’elles, M. Sylvain Vaugeois, attaché de presse au Conseil du Trésor,
affirmait que rien de précis ne lui permettait de commenter les griefs de M.
Proulx. Tout au plus pouvait-il dire «qu’il existe une forte concurrence entre
les émissions de Proulx et Pascau mais, jusqu’à ce jour, leur démarche
respective, pour mar part du reste, m’est toujours apparue de bonne guerre».
Pour sa part, M. Luc Dulude, des magasins le Château, estimait que M. Pascau
avait agi «d’une façon non professionnelle». M. Dulude rappelait que la
nouvelle qui avait amené M. Pascau à l’interviewer était parue auparavant dans
le Journal de Montréal et que, de ce fait, il était stupide de demander
l’exclusivité. M. Dulude reprochait de plus à M. Pascau d’avoir mené une
entrevue biaisée et d’avoir voulu lui faire dire des choses qu’il n’avait pas
dites.
Analyse
Rien n’interdit aux médias et aux professionnels de l’information de demander la primeur d’une entrevue ou d’une information, en autant que cette pratique ne vienne pas nuire au droit du public à l’information. Une telle pratique est acceptable dans la mesure où elle assure au média concerné qu’il est le premier dans son secteur, en l’occurrence la radio, à traiter l’information sur un sujet particulier.
Cette notion ne doit cependant pas être élargie au point de considérer que les médias compétiteurs ne puissent, ensuite, traiter du même sujet. Il ne s’agirait plus alors d’être les premiers, mais bien d’être les seuls à diffuser une information, ce qui peut contribuer à priver une partie du public de son droit à l’information.
Dans le présent cas, il semble au Conseil que les pressions exercées par l’équipe de «L’informateur» visaient à conserver la primeur des entrevues, ce qui, en soit, n’est pas condamnable. En effet, le plaignant n’a pas démontré que l’intimé l’avait empêché de réaliser des entrevues du même type après que CKAC ait effectivement diffusé son matériel.
Par ailleurs, telles que rapportées et dénoncées par le plaignant et certaines des personnes impliquées dans ces démarches, les pressions qui sont reprochées à la station CKAC et qui ne sont pas niées par elle semblent reposer sur la transmission, par l’équipe de «L’informateur», de données inexactes relatives aux cotes d’écoute respectives des médias concernés, ce que le Conseil condamne.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C23K Exclusivité/primeur
Tiers
M. Sylvain
Vaugeois (attaché de presse, Conseil du Trésor) et M. Luc Dulude (représentant,
le Château)