Plaignant
La Commission
scolaire régionale Honoré-Mercier
Représentant du plaignant
M. Jean Rivard (directeur
des services éducatifs, Commission scolaire régionale Honoré-Mercier)
Mis en cause
Les Enseignants
[Saint-Jean-sur-Richelieu] et M. Fernand Houde (président-directeur général)
Résumé de la plainte
Dans son édition
de février 1985, le mensuel Les Enseignants publie sous le pseudonyme «Achev»
un billet, titré «Ecole polyvalente Le Bordel», imprégné de railleries, de
médisances et de démagogie. Ce texte, probablement écrit par le
président-directeur général du mensuel, M. Fernand Houde, semble constituer un
règlement de compte entre ce dernier et la commission scolaire qui l’emploie.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de la Commission scolaire régionale
Honoré-Mercier, représentée par son directeur des services éducatifs, monsieur
Jean Rivard, qui dénonçait la teneur d’un article paru dans le mensuel Les
Enseignants en février 1985 sous le titre «Ecole polyvalente Le Bordel».
L’article était signé «Collaboration spéciale par Achev».
Monsieur Rivard dénonçait
dans un premier temps le conflit d’intérêts dans lequel se serait placé le
président-directeur général du mensuel, monsieur Fernand Houde. Pour monsieur
Rivard, monsieur Houde serait l’auteur caché sous le pseudonyme Achev. Il est
de plus professeur «à l’école qu’il médit et calomnie», président de la maison
d’édition de matériels scolaires Les Créations du Québec Enr. et président de
l’Institut de recherche orthographique du Québec. Et selon le plaignant, la
moitié des paragraphes de l’article incriminé correspondrait à des difficultés
que monsieur Houde aurait rencontrées avec la Commission scolaire à l’un ou
l’autre de ces titres.
Ainsi, alors
qu’Achev condamnait l’attitude clémente de la direction de l’école fictive
appelée «Le Bordel» envers ses élèves, monsieur Rivard mettait en parallèle les
reproches qui avaient été formulés à monsieur Houde parce qu’il «ne surveillait
pas adéquatement les élèves lors de sessions d’examens» et rappelait les
poursuites intentées à monsieur Houde par une élève qui aurait été brutalisée.
Les propos
d’Achev quant au non respect, par l’école, des dossiers de classement des
élèves seraient dûs pour leur part à l’insatisfaction de monsieur Houde face au
classement de ses élèves. Et quant aux reproches d’Achev qui accusait l’école
de ne pas respecter les lois et de ne pas fournir à ses élèves de manuels
scolaires, monsieur Rivard les reliait à un remboursement des élèves exigé par
la Commission pour la vente de matériel non autorisé, lequel matériel avait été
édité par Les Créations du Québec; monsieur Rivard signalait également à cet
égard le refus de la Commission de privilégier l’achat par les élèves du
matériel édité par cette compagnie. De plus, ce serait le professeur de
français qu’est monsieur Houde qui aurait fait écrire à Achev que, dans l’école
Le Bordel, le français n’est pas une priorité.
Concernant les
allégations d’Achev sur l’absence de syndicat et la mainmise de la direction du
«Bordel» sur les professeurs, le plaignant expliquait qu’il s’agissait d’un
refus des professeurs de se doter d’un conseil syndical et que la consultation
était menée auprès d’un comité pédagogique constitué de chefs de groupe. Enfin,
le plaignant rattachait à un conflit syndical vécu au début des années 70 les
propos d’Achev relativement aux liens de parenté unissant certains membres de
la direction de l’école.
Par ailleurs,
toujours selon la Commission scolaire, le texte signé Achev serait «imprégné de
railleries, de médisances et de démagogie, dépassant de beaucoup l’humour et la
satire acceptables pour des articles associables à des critiques, des
commentaires ou à des reportages d’information».
«L’auteur, de
poursuivre monsieur Rivard, sait très bien que les élèves ne font pas l’amour
librement dans cette école où il enseigne. On lui reproche d’ailleurs ses
retards ou absences aux endroits où il doit surveiller (…). Il est également
faux de laisser entrevoir une école malpropre par ses propos sur les taches de
graisse. De plus, personne ne comprend ses allusions à des subventions
fédérales (partisanes) bien que des échanges culturels et linguistiques ont été
réalisés au bénéfice des élèves.
Commentaires du mis en cause
De son côté,
monsieur Fernand Houde, affirmait que l’article incriminé n’était qu’un
«portrait-charge» visant à mettre en relief, par le biais de la caricature,
certaines réalités du système scolaire, et que l’école «Le Bordel» était un nom
fictif qui ne réfèrait à aucune institution en particulier. Monsieur Houde
rejettait par ailleurs les allégations du plaignant concernant le conflit
d’intérêts. Pour le directeur des Enseignants, le pseudonyme Achev est une
indication que l’auteur veut garder l’anonymat et il serait de pratique
courante dans le journalisme d’utiliser le pseudonyme pour protéger l’identité
réelle d’un collaborateur: «La connaissance du soussigné par le plaignant ne
suffit pas pour justifier celui-ci d’identifier le soussigné comme étant celui
qui aurait collaboré sous le pseudonyme Achev», poursuivait monsieur Houde qui
affirmait de plus s’être ouvert «à un collaborateur spécial qui pourrait être
dans l’équipe de rédaction ou en dehors».
Quant aux
rapprochements faits par le plaignant entre le texte d’Achev et les événements
vécus par le directeur du mensuel, ce dernier les qualifiait de pure fantaisie.
Monsieur Houde affirmait que le portrait-charge «L’école polyvalente Le Bordel»
ne voulait que dénoncer une situation générale qui sévirait dans les écoles, à
savoir «l’absence de crucifix dans les locaux, le manque de maîtrise
personnelle d’une direction d’école qui sacre, l’amour libre qui se développe
dans une école où la mixité scolaire est autorisée, l’absentéisme chronique qui
sévit dans certaines écoles, la tricherie aux examens, la violence physique, la
violation des lois de l’Institution publique, le conflit d’intérêt qui
s’installe au niveau de la direction d’une école et les moyens multiples
d’obtenir des subventions d’Ottawa».
Analyse
Le chroniqueur jouit d’une grande latitude dans la formulation de ses jugements et l’expression de ses prises de position. Le genre journalistique particulier que constitue la chronique, qui tient à la fois autant de l’éditorial et du commentaire que du reportage d’information, permet en effet au journaliste d’adopter même un ton de polémiste pour prendre parti, exprimer ses critiques et faire valoir ses points de vue.
Il peut présenter les faits dans le style qui lui est propre et même faire appel à l’humour et à la satire. Il ne saurait toutefois, même par le truchement d’une chronique, se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude que lui impartissent sa fonction et sa responsabilité d’informateur public. Les professionnels de l’information doivent en effet éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de travestir les événements de façon à leur donner une signification qu’ils n’ont peut-être pas ou à laisser planer à leur sujet des malentendus qui risquent de discréditer des personnes ou des groupes auprès de l’opinion publique.
Dans le présent cas, le Conseil rejette la défense de l’intimé basée sur la conception que celui-ci se fait du concept de «portrait-charge». Les genres employés dans un média d’information doivent en effet être clairement identifiés afin d’éviter toute confusion possible de la part des lecteurs ou auditeurs. Le Conseil blâme donc l’intimé pour avoir créé une confusion des genres en n’identifiant pas l’article incriminé comme «éditorial» ou «billet».
En ce qui a trait au conflit d’intérêts dans lequel se serait placé l’intimé, le Conseil ne peut trancher dans la mesure où il ignore l’identité véritable de l’auteur du texte signé «Achev».
Analyse de la décision
- C20A Identification/confusion des genres
- C22E Travail extérieur incompatible