Plaignant
M. Sam Allison
Mis en cause
La Société Radio-Canada
[CBC-Québec, Montréal] et Susan Copeland (editor for TV news)
Représentant du mis en cause
M. Raymond
Chaisson (directeur régional, Société Radio-Canada [CBC-Québec, Montréal])
Résumé de la plainte
CBC-Québec
néglige de traiter de l’affaire Terry Pye, emprisonné pour avoir refusé de
tenir compte de documents légaux unilingues français. Ce silence contribue à
minimiser les problèmes rencontrés pas les anglophones du Québec. Il témoigne
du parti pris du réseau qui a, au contraire, fait grand état de l’opposition de
M. Georges Forest à l’unilinguisme anglais au Manitoba.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Sam Allison qui reprochait au réseau
anglais de la télévision de Radio-Canada au Québec (CBC-Québec) d’avoir omis de
parler sur ses ondes de l’affaire «Terry Pye», minimisant ainsi les problèmes
rencontrés par les anglophones au Québec.
Le plaignant considérait
que le silence sur l’emprisonnement de monsieur Pye qui avait refusé de tenir
compte de documents légaux unilingues, dont une contravention au code de la
route, démontrait un parti pris inavouable du réseau CBC qui avait pourtant
fait grand état de l’affaire Georges Forest qui s’était opposé à l’unilinguisme
au Manitoba. Ce silence était d’autant plus coupable que cette affaire avait
été abondamment couverte par des stations privées locales, telle CJAD, et par
des diffuseurs étrangers, notamment en Californie et au Texas.
Commentaires du mis en cause
Tout en
admettant l’importance de l’affaire, le directeur régional du réseau anglais de
Radio-Canada au Québec (CBC), monsieur Raymond Chaisson, disait ne pas se
souvenir que d’autres médias lui aient accordé l’attention signalée par le
plaignant. Bien sûr, la télévision du réseau CBC, contrairement à la radio,
disait-il, avait négligé d’en parler. Cette omission cependant n’était rien
attribuable à un parti pris politique, mais s’était produit par inadvertance.
Madame Copeland
admettait, en effet, ne pas avoir accordé à cette affaire toute l’attention
qu’elle méritait. Lorsqu’elle en fut informée, par les reportages des autres
médias, elle avait considéré qu’elle n’était plus d’actualité et, pour cette
raison, avait décidé de ne pas la traiter.
Monsieur
Chaisson ajoutait que le réseau CBC n’avait attaché d’importance à l’affaire
Forest qu’à partir du moment où elle avait été portée à la Cour suprême du
Canada et avait sérieusement embarrassé le gouvernement du Manitoba. Il se
félicitait, par ailleurs, du fait que, dans l’ensemble et à quelques exceptions
près, peu d’événements échappaient à l’attention du service qu’il dirige.
Finalement,
monsieur Chaisson rappelait que les médias doivent nécessairement faire un
choix dans le nombre important d’événements à couvrir et que ce choix peut à
l’occasion être erratique. L’incident soulevé dans le présent cas n’était
aucunement imputable à une politique ou à une volonté de passer sous silence
les événements concernant les anglophones du Québec et c’était faire injure à
l’intégrité de CBC que de l’accuser ainsi sans tenir compte de tous ses efforts
pour desservir adéquatement la population anglophone du Québec, tel que le
démontrent maints exemples. Il assurait en outre le plaignant que s’il y avait
des suites à l’affaire Pye, celles-ci seraient mieux couvertes. Il l’invitait
enfin à lui faire part de toute information concernant d’autres événements
importants susceptibles de retenir l’attention du réseau.
Réplique du plaignant
En réplique, le
plaignant soulevait un doute à savoir que l’incident en question ait réellement
fait l’objet d’une bulletin de nouvelles à la radio, le responsable des
nouvelles radio ayant été incapable d’être plus précis à ce sujet qu’en lui
affirmant qu’il «croyait» que l’information avait été diffusée un matin au
bulletin de 6 h 30 et «probablement» à celui de 7 h 30. D’autre part, il
n’avait pu préciser la date où ce bulletin aurait été diffusé, ni la raison, si
tel était le cas, pour laquelle elle aurait disparu après le bulletin de 7 h
30.
Contrairement à
la prétention du directeur CBC à l’effet que peu de sujets échappaient ainsi à
l’attention du réseau, monsieur Allison maintenait que CBC omettait
intentionnellement des informations. Par exemple, même informée à l’avance
d’une rencontre qui devait s’avérer houleuse avec le ministre de l’Education du
temps, monsieur Camille laurin, CBC n’avait affecté aucun de ses journalistes à
la couverture de l’événement, ce qui avait suscité de nombreuses plaintes au
CRTC.
Monsieur Allison
soutenait aussi que ce n’était pas la première fois que madame Copeland avait
démontré son hostilité envers les anglophones du Québec. Il rappelait à cet
égard ce reportage sur l’éducation où elle avait affirmé que les enfants anglophones
étaient bien traités par le gouvernement du Parti québécois, ce qui aurait
incité plusieurs auditeurs à se plainte de l’émission.
Malgré
l’affirmation contraire de son directeur, monsieur Allison maintenait que CBC
avait accordé de l’importance à l’affaire Forest bien avant que la Cour suprême
n’en ait été saisie, et cela malgré le fait que monsieur Forest n’ait pas été
emprisonné alors que monsieur Pye, lui, l’avait été. Ceci démontrait, à son
avis, que pour une raison ou une autre, le réseau accordait une couverture
adéquate aux événements d’intérêt public concernant les Franco-Manitobains,
alors qu’il ignorait les événements de même nature affectant les anglophones du
Québec. Notant, à cet égard, que CBC ne suggérait aucun moyen pour faire en
sorte que les Canadiens soient informés de l’affaire Pye, ni aucune mesure pour
prévenir de semblables omissions, il maintenait qu’il s’agissait là d’une
politique établie que d’ignorer les problèmes des anglophones du Québec.
Analyse
L’attention que décide de porter un média à un sujet particulier relève de son jugement rédactionnel. Le choix du sujet de même que la façon de le traiter lui appartiennent en propre et le Conseil ne saurait intervenir dans de telles décisions sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information.
Dans l’exercice de leurs responsabilités rédactionnelles, les médias et les journalistes doivent évidemment se conformer à leur obligation de livrer une information équilibrée, conforme aux faits et aux événements. Leur choix ne doivent pas être motivés par un parti pris, des préjugés ou le désir de taire des informations d’intérêt public sous prétexte qu’elles sont contraires à leur point de vue ou susceptibles de nuire à certains intérêts particuliers.
Dans le présent cas, le Conseil ne saurait, autrement que par voie de procès d’intention, accuser CBC de parti pris comme l’invoque le plaignant. Il ne retient pas non plus la prétention de ce dernier à l’effet que CBC supprimerait, par intention politique ou par volonté délibérée, de l’information d’intérêt public.
Cela dit, le Conseil invite CBC à faire preuve d’une vigilance constante dans ses choix rédactionnels en vue d’éviter les manquements signalés par le plaignant et reconnus par CBC dans la présente plainte.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture