Plaignant
La Fédération de
l’UPA du Bas Saint-Laurent
Représentant du plaignant
M. Jean-Claude Parenteau
(directeur du service d’éducation et d’information, Fédération de l’UPA du Bas
Saint-Laurent), M. Claude Cardinal (secrétaire, Syndicat des producteurs de
pommes de terre du Bas Saint-Laurent) et M. Jacques Michaud (président,
Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec] et M. Jean-Didier Fessou (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Alain Guilbert
(éditeur adjoint et rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
L’article du
journaliste Jean-Didier Fessou intitulé «L’UPA veut la faire payer pour ses
patates», publié dans l’édition du 17 octobre 1985 du Soleil, contient des
informations fausses et tendancieuses. Son titre s’avère de plus inexact. Cet
article relate un «malentendu» entre une productrice de pommes de terre et
l’Union des producteurs agricoles au sujet d’un permis de culture.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de la Fédération de l’Union des producteurs
agricoles (UPA) du Bas Saint-Laurent contre l’article de monsieur Jean-Didier
Fessou publié dans Le Soleil du 17 octobre 1985 sous le titre: «L’UPA veut la
faire payer pour ses patates».
Selon le
directeur du service d’éducation et d’information de la Fédération de l’UPA du
Bas Saint-Laurent, monsieur Jean-Claude Parenteau, non seulement le titre de
cet article était-il inexact, mais son corps même contenait-il des informations
«fausses et tendancieuses». Le titre était erroné et ne reflétait aucunement la
réalité, selon lui, car la productrice impliquée n’avait pas besoin de permis
pour cultiver ses pommes de terre. Ni la Fédération des producteurs de pommes
de terre (affiliée à l’UPA) ni l’UPA n’avaient non plus tenté de la cotiser.
Quant à l’article, il se demandait sur quoi se basait le journaliste pour
affirmer que «L’Union des producteurs agricoles adore collecter des
cotisations». Effectivement, après vérification auprès de la productrice,
celle-ci confirmait que le journaliste avait «déformé sensiblement ses propos
de sorte que dans l’ensemble, l’article tendait à discréditer L’UPA et à la
«faire passer pour un «syndicat de bras» qui harcèle une pauvre femme qui veut
nourrir sa famille».
Monsieur
Parenteau reconnaissait que le journaliste avait bel et bien tenté de rejoindre
les responsables de l’UPA avant de publier son article. En l’absence de ceux-ci
et la nouvelle ne revêtant aucun caractère d’urgence, le journaliste aurait dû
attendre leur retour le lendemain.
D’autre part, il
n’avait pu obtempérer à l’offre qui lui avait faite Le Soleil de publier son
point de vue dans la rubrique réservée au courrier des lecteurs en guise de
rétractation, la jugeant insuffisante: une telle lettre n’a pas «le poids d’un
gros titre et d’un article en première page» et laisse de plus un droit de
réplique au journaliste.
Le secrétaire du
Syndicat des producteurs de pommes de terre du Bas-Saint-Laurent, monsieur
Claude Cardinal, informait pour sa part le Conseil que dans le cadre de
l’application du plan conjoint des producteurs de pommes de terre du Québec et
conformément au règlement de permis de production homologué en 1981 par la
Régie des marchés agricoles du Québec, la productrice avait reçu une facture en
décembre 1981 de la Fédération des producteurs de pommes de terre «pour un hectare
de production». Le compte fut radié au printemps 1982, la productrice ayant
déclaré n’avoir pas semé de pommes de terre. Elle n’avait reçu aucune facture
depuis.
Commentaires du mis en cause
L’éditeur
adjoint et rédacteur en chef du Soleil, monsieur Alain Guilbert, signalait pour
sa part que le journaliste, ayant eu vent de cette affaire au cours de la
campagne électorale, avait contacté la productrice. Celle-ci lui avait raconté
son histoire qu’il avait par ailleurs tenté de vérifier auprès de l’UPA, le
ministère québécois de l’agriculture et la Régie de l’assurance-récolte. Il
avait alors recueilli des explications techniques sans que personne n’ait voulu
«commenter le cas concret». En outre, à la suite de la demande du plaignant de
publier la version du président de la Fédération des producteurs de pommes de
terre du Québec, monsieur Jacques Michaud, le journaliste aurait tenté à
plusieurs reprises de contacter ce dernier. C’est à ce moment-là que les
représentants de l’UPA auraient exigé du Soleil la publication d’un article
rectificatif plutôt que d’une lettre dans la page des lecteurs, en lançant «des
ultimatums, et presque des menaces».
L’éditeur
adjoint du Soleil soutenait en outre que la plainte n’apportait «aucun fait nouveau
permettant de conclure que le texte est faux et tendancieux». Quant au début de
l’article à l’effet que «L’Union des producteurs agricoles adore collecter des
cotisations», il s’agissait tout simplement là d’une figure de style,
constituant un enchaînement logique avec la phrase précédente qui disait que la
productrice «adore les pommes de terre. En ce qui concerne la déformation des
propos de la productrice, il disait faire entièrement confiance à son
journaliste, celui-ci n’ayant aucun intérêt «à déformer la version de son
interlocutrice» et n’ayant «rien à attendre d’elle».
Tout en
s’interrogeant d’autre part à savoir si l’UPA n’est pas un syndicat unique qui
jouit du privilège exclusif de cotiser ses membres selon la formule Rand,
monsieur Guilbert affirmait tout de même ne rien trouver dans l’article qui
fasse passer l’UPA pour «un syndicat de bras». Il signalait que c’était plutôt
l’UPA seule qui avait utilisé cette expression. Selon lui, ce que l’UPA
reprochait en fait au Soleil «sans le dire clairement», c’était «de ne pas
s’être contenté de lui servir de courroie de transmission» pour véhiculer ses
messages. Toute la question étant de savoir si l’UPA avait exigé ou non une
cotisation dans cette affaire. Il soutenait que «Quand on aura obtenu la vraie
réponse à cette question, il ne restera plus de motifs pour soutenir quelque
plainte que ce soit devant le Conseil de presse».
L’éditeur
adjoint du Soleil réagissait aux propos de M. Cardinal en soutenant qu’ils
donnaient «de toute évidence raison» au journaliste. La productrice avait
peut-être abandonné la culture de pommes de terre en 1982, mais si un candidat
avait soulevé le sujet au cours de la dernière campagne électorale, on peut
supposer que, trois ans plus tard, cette dernière «n’avait pas encore digéré le
coup de la cotisation». «Somme toute, les faits rapportés par Le Soleil étaient
bien fondés et exacts».
Réplique du plaignant
Le président de
la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec, monsieur Jacques
Michaud, confirmait quant à lui la version de monsieur Cardinal et il
transmettait au Conseil copie de la correspondance pertinente échangée dans
cette affaire. Il en ressortait que le mari de la productrice avait demandé et
obtenu un permis en juin 1981 et il avait alors reçu une facture pour les
années 1980 et 1981. Ce dernier ayant avisé la Fédération en octobre 1981 qu’il
ne semait plus que pour les besoins de sa famille, son nom fut radié de la
liste des permis et son compte annulé.
La productrice
elle-même ajoutait avoir été «prise au dépourvu» lors de son entretien
téléphonique avec le journaliste. Selon elle, l’article avait été écrit pour la
ridiculiser ou lui causer des ennuis, et elle affirmait n’avoir jamais
mentionné au journaliste qu’elle avait eu des problèmes avec L’UPA.
Enfin, la
plaignante réaffirmait que le titre de l’article était faux dans la mesure où
la facture de 1981 avait été annulée au printemps 1982. En conséquence, comment
le journaliste pouvait-il affirmer que «l’UPA veut la faire payer pour ses patates»?
Comment également affirmer que «tout cela vient de créer un joli malentendu»
alors que les événements relatés remontent à plus de trois ans? Où était donc
le malentendu, puisqu’il était clair que la Fédération des producteurs de
pommes de terre, conformément à la loi sur la mise en marché des produits
agricoles, avait annulé le compte en question dès la demande en 1982?
Monsieur
Parenteau précisait en outre que les cotisations exigées par l’UPA n’étaient
pas perçues en vertu de la formule Rand, mais qu’il s’agissait de contributions
servant à l’organisation de la mise en marché des pommes de terre en vertu de
la Loi sur la mise en marché des produits agricoles.
Contrairement à
l’affirmation du Soleil à l’effet que personne à l’UPA n’avait voulu commenter
les cas, il rappelait que les personnes autorisées à le faire étaient absentes
le jour où le journaliste avait tenté de les rejoindre, comme ce dernier
l’indiquait d’ailleurs dans son article. Enfin, il rejettait le «procès
d’intention» que lui faisait le journal en précisant que l’UPA n’avait «jamais
demandé ou même pensé que Le Soleil puisse devenir le porte-parole aveugle de
l’UPA». A cet égard, se souvenait-il d’avoir dit à plusieurs reprises au
responsable des pages régionales que, à l’exception du présent cas, l’UPA était
satisfaite des articles publiés dans ce journal.
Analyse
L’attention que les médias accordent à un sujet particulier et la façon de le traiter relèvent de leur jugement rédactionnel. Ceux-ci doivent cependant livrer au public une information équilibrée, complète et conforme aux faits et aux événements.
Dans le cas présent, le Conseil considère que tels que rédigés, le titre et l’article dénoncés étaient propres à tromper le lecteur puisqu’ils laissent entendre que l’UPA exige encore des cotisations alors qu’il n’en est rien depuis 1982. En outre, le caractère confus et incomplet de l’information insuffisamment vérifiée et mal située dans son contexte réel, était propre à causer inutilement tort aux personnes concernées.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C15A Manque de rigueur
Date de l’appel
16 September 1986
Appelant
Le Soleil
[Québec]
Décision en appel
Le Soleil en
appelle de cette décision. La Commission d’appel juge que cet appel ne contient
aucun élément ou fait nouveau dont le Comité des cas n’aurait pu prendre
connaissance et qui aurait été alors susceptible de justifier la réouverture du
dossier.
Les membres de
la Commission conviennent donc à l’unanimité de rejeter cet appel et de
maintenir la décision rendue par le Comité des cas.