Plaignant
M. Octave Caron
(maire, Tadoussac)
Mis en cause
Le Reflet de
Tadoussac et Mme Catherine Marck (éditorialiste)
Représentant du mis en cause
M. André
Tremblay (président du conseil d’administration, Le Reflet de Tadoussac)
Résumé de la plainte
L’éditorial «Les
bas-fonds de Tadoussac», paru sous la signature de Mme Catherine Marck dans
l’édition du 20 décembre 1985 du Reflet de Tadoussac, commente de manière
mensongère une décision du conseil municipal relative à la vente d’une maison.
L’éditorialiste dépasse les bornes d’une juste critique de la conduite d’une
personne publique. Ses propos impliquent de la malice et une intention évidente
de mettre en doute la réputation du plaignant.
Griefs du plaignant
Le Conseil a terminé
l’étude de la plainte de monsieur Octave Caron, maire de Tadoussac, qui
reprochait à madame Catherine Marck son article du 20 décembre 1985, dans le
journal communautaire Le Reflet de Tadoussac.
Sous le titre
«Les bas-fonds de Tadoussac», ce texte commentait une décision du conseil
municipal de cette ville concernant la vente d’une maison par la municipalité.
Convaincu que
l’article était «vraiment mensonger» et que les propos tenus dépassaient les
bornes d’une juste critique objective de la conduite d’une personne publique,
monsieur Caron croyait, de plus, que les termes employés impliquaient «de la
malice et une intention évidente de mettre en doute la réputation d’honnêteté
et d’intégrité de la personne attaquée».
Commentaires du mis en cause
Madame Marck soutenait
pour sa part que le texte en question «tenait lieu d’éditorial, titre qui a été
omis lors du montage du journal», cependant «tous les faits énoncés dans
l’article» étaient véridiques. Elle ajoutait que les opinions émises étaient
les siennes, de même que «celles d’un bon nombre de citoyens».
Madame Marck
disait ne pouvoir nier «que cet éditorial fut écrit sous le coup de la
frustration» ressentie par les organismes communautaires de Tadoussac qui
désiraient acheter la maison en question qui fut par la suite vendue à un autre
soumissionnaire. Elle affirmait avoir «toujours reconnu publiquement
l’honnêteté financière de M. Le Maire» ainsi que «son acharnement dans un
travail bénévole qui lui demande beaucoup d’énergie». D’autre part, elle avait
«toujours reproché son manque de collaboration» avec les organismes bénévoles.
La vente de la maison avait été la «goutte d’eau» qui avait fait déborder le
vase et inspiré son article dont elle maintenait toutefois que les propos
«n’étaient ni malicieux ni méchants, mais reflétaient la vérité».
Elle avait donc
refusé de se rétracter, comme le lui demandait le maire, mais elle disait lui
avoir offert de donner sa version des faits dans l’édition suivante du journal.
Le maire aurait alors répondu qu’il refusait d’écrire dans ce «torchon».
Le président du
conseil d’administration du journal, monsieur André Tremblay, confirmait pour
sa part que l’identification de l’article comme «Editorial» avait été omis par
erreur. Quant au contenu du texte, il considérait que ses trois premiers
paragraphes constituaient «une description pure et simple d’une petit village
typique».
Les trois
paragraphes suivants commentaient des faits qui, selon lui, «se sont déroulés
tel que cités». Ainsi, une vingtaine de représentants des trois organismes
communautaires impliqués dans l’achat de la maison, Le Reflet, le Cercle des
fermières et le Comité culturel et du patrimoine, auraient été présents lors
des discussions avec la municipalité à ce sujet. De plus, «les promesses faites
par monsieur le maire» à ces organismes auraient été rapportées par la
Présidente du Cercle des fermières, elle-même membre de l’équipe du maire lors
des dernières élections; enfin, deux conseillers municipaux auraient déclaré à
monsieur Tremblay être favorables à la vente de la maison aux organismes
communautaires.
Concernant les
événements que madame Marck avait considéré comme un «coup de théâtre», soit
l’annonce par le maire à l’effet qu’il venait d’apprendre que la loi obligeait
de vendre la maison au plus haut soumissionnaire, – éliminant alors l’offre des
trois organismes communautaires – monsieur Tremblay signalait que ça s’était
«passé publiquement en assemblée municipale» en présence d’une cinquantaine de
personnes.
Enfin, au sujet
d’un commentaire de la journaliste selon laquelle la division régnait au
conseil municipal, monsieur Tremblay soutenait que c’était un fait «connu de
toute la population».
Réplique du plaignant
Enfin,
considérant toujours «ne pas mériter» les sous-entendus, assertions et propos
publiés dans Le Reflet qui mettaient en doute son intégrité et son
impartialité, le plaignant signalait pour sa part que la décision avait été
prise à l’unanimité par le conseil municipal, et ce malgré la forte opposition
qui y règne habituellement. Cette décision unanime avait donc été prise à la
suite d’un avis légal, et parce qu’elle avantageait «le plus la municipalité».
Quant au manque
de collaboration «qui lui est reproché par l’éditorialiste, monsieur Caron soulignait
que «depuis nombre d’années la Municipalité aide beaucoup d’organismes
bénévoles», soit en leur allouant des sommes d’argent, soit en leur fournissant
des locaux ou terrains, Le Reflet ayant lui-même «bénéficié gratuitement durant
au moins trois mois l’hiver dernier d’un local fourni par la municipalité».
Enfin, le
plaignant notait que monsieur André Tremblay, président du conseil
d’administration du Reflet, ainsi que «presque tous les membres» du Comité
culturel, lesquels avaient corroboré les «allégations» de l’éditorialiste,
collaboraient «étroitement à la rédaction du Reflet Inc.» «Comment oseront-ils,
de s’interroger le plaignant, contredire leur chef de pupitre ou chef de file»?
Commentaires des tiers
Le responsable
du Comité culturel et du patrimoine de Tadoussac se disait pour sa part «étonné
que le maire soit offusqué de l’éditorial de Mme Marck». En accord avec les
propos de celle-ci, ce comité considérait «qu’un maire qui prend des décisions
(…) doit s’attendre à l’occasion de recevoir des critiques». Ce n’était donc
pas l’individu, mais bien le maire qui était visé, et en ce sens, la réputation
de monsieur Caron n’était pas atteinte.
Egalement
invitée à commenter ces événements, la présidente du Cercle des fermières de
Tadoussac, madame Lucette Gauthier, affirmait, quant à elle, que son organisme
avait «compris qu’il était normal que la plus haute soumission soit acceptée».
Aussi considérait-elle que le conseil municipal avait agi correctement dans
cette affaire.
Finalement,
monsieur Aimé Dufour, gérant de la Caisse populaire du Sacré-Coeur, qui était
également mis en cause dans l’article, contestait d’abord la véracité d’un
passage du texte selon lequel les organismes communautaires «tombèrent des
nues» quand ils lui demandèrent de financer l’achat projeté de la maison et se
rendirent alors compte que son épouse «soumissionnait elle aussi pour la même
maison». Selon lui, d’une part, ces organismes ne pouvaient obtenir du
financement de sa caisse parce qu’ils n’en étaient pas sociétaires; d’autre
part, son épouse «n’avait pas décidé à cette époque de soumissionner pour
l’achat» de la maison et elle n’avait pas fait non plus de demande de crédit à
cette fin auprès de son bureau.
Il s’en prenait,
par ailleurs, à un autre passage de l’article où madame Marck commentait ce qu’elle
appelait le «coup de théâtre» du maire qu’elle commentait ainsi: «D’autre part,
M. Aimé Dufour, ex-maire de Sacré-Coeur, gérant de la Caisse populaire et mari
de la « plus haute soumissionnaire », connaissait cette loi…
surprenant aussi!» Considérant «avoir été injustement traité», il soutenait que
ce n’était pas la Corporation municipale de Tadoussac qui était en conflit
d’intérêts dans ce dossier, mais plutôt Le Reflet qui voulait s’approprier
l’édifice «à un montant inférieur à la plus haute soumission, en forçant par
l’influence et la voie du journal les élus municipaux à ne pas consentir à la
vente dudit immeuble au plus haut soumissionnaire tel que le veut la loi».
Analyse
C’est la prérogative de l’éditorialiste de prendre parti, d’exprimer ses critiques, de faire valoir ses points de vue sur une situation, une personne ou un groupe. Il n’appartient donc pas au Conseil de presse de se prononcer sur les idées exprimées en éditorial, chacun étant libre, au nom même des libertés de presse et d’expression, d’établir sa politique en la matière.
Cela dit, l’éditorialiste a le devoir de mesurer la portée de ses jugements aux exigences de rigueur et d’exactitude qui s’appliquent à tous les professionnels de l’information.
De plus, un organe d’information doit se faire un devoir d’informer adéquatement ses lecteurs de la nature des événements commentés en éditorial.
Enfin, les médias doivent clairement distinguer les textes d’information des textes d’opinion afin d’éviter toute confusion susceptible de tromper le lecteur sur le sens et la portée des événements décrits.
Dans le présent cas, le Conseil est d’avis que l’éditorialiste s’est acquitté de sa tâche conformément à sa prérogative.
Cependant, le Conseil blâme Le Reflet pour n’avoir pas informé ses lecteurs des faits dans un article d’information qui aurait permis à ces derniers de mieux comprendre le sens des événements et de porter ainsi leur propre jugement sur l’affaire en cause. Ceci était d’autant plus important que le journal était partie au litige commenté.
Par ailleurs, le Conseil prend acte de fait que la non-identification du texte comme éditorial fut le fruit d’une erreur reconnue par le journal. Le Conseil invite les responsables du Reflet à faire preuve d’une grande prudence à cet égard. Le Conseil est également d’avis que les lecteurs auraient dû être informés de cette erreur dans une édition subséquente.
Enfin, le Conseil tient à rappeler au plaignant que l’offre du journal à l’effet de publier sa réplique constituait un moyen adéquat pour que les lecteurs puissent prendre connaissance de sa version des faits. Le Conseil reproche au plaignant de l’avoir refusé.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C01D Opinion sans couverture préalable
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C20A Identification/confusion des genres
Tiers
[nd]
(responsable, Comité culturel et du patrimoine de Tadoussac), Mme Lucette
Gauthier (présidente, Cercle des fermières de Tadoussac) et M. Aimé Dufour
(gérant, Caisse populaire du Sacré-Coeur)