Plaignant
M. Omer-Egide
Trépanier
Mis en cause
Le Soleil
[Québec] et M. André Dionne (correspondant)
Représentant du mis en cause
M. Alain
Guilbert (éditeur adjoint et rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
Depuis 1984, le journaliste
André Dionne du Soleil écrit des articles partiaux et inexacts sur le député
fédéral de Gaspé, M. Charles-Eugène Marin. Le journaliste ne contrôle pas ses
sources d’information et se retranche derrière de prétendus informateurs
anonymes. Il est responsable des titres insidieux et de la mise en pages
«montée en épingle» de ses articles. Par son acharnement malveillant, le
journaliste ne semble chercher qu’à discréditer le député auprès de l’opinion
publique.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Omer-Egide Trépanier contre le
journal Le Soleil et correspondant dans la région du Bas
Saint-Laurent-Gaspésie, monsieur André Dionne, dont il contestait plusieurs
articles s’échelonnant sur près de deux ans concernant le député fédéral pour
la circonscription de Gaspé, monsieur Charles-Eugène Marin, et qui, selon lui,
correspondaient peu à l’idée qu’on se fait de la «réalité, l’objectivité et
l’impartialité».
Ainsi
reprochait-il au journaliste son manque de rigueur professionnelle, sa
partialité et l’inexactitude avec laquelle il rapportait l’information
concernant le député.
Pour illustrer
son propos, le plaignant citait au texte les articles en question qui, l’un et
l’autre, démontraient à son sens l’acharnement du journaliste contre le député
présenté sous un jour toujours défavorable avec force inexactitude,
insinuations, comparaisons et remarques et confusions préjudiciables ce qui lui
faisait dire que le journaliste «faisait feu de tout ce qui bouge lorsqu’il
s’agit du député Marin faisant ainsi preuve d’un manque flagrant de rigueur
professionnelle ne contrôlant jamais ou à peu près jamais ses informations et
qui sait, peut-être s’inventant des informateurs anonymes».
A ce sujet, le
plaignant reprochait au journaliste de se retrancher derrière de telles sources
dont il disait qu’elles réclamaient le plus strict anonymat pour divulguer «les
informations les plus malveillantes» à l’endroit du député, se demandant alors
si effectivement le journaliste ne se servait pas «de ce subterfuge pour passer
ses idées personnelles et sa haine» contre le député. Il avait d’ailleurs écrit
une lettre au Soleil pour se plaindre de cette situation, lettre qui ne fut
cependant jamais publiée.
Enfin, monsieur
Trépanier attribuait au journaliste la responsabilité des titres fréquemment
insidieux et de la mise en pages «montée en épingle» de ses articles et lui
reprochait ses jugements de valeur constants dont le seul but paraissait être
de discréditer le député aux yeux de l’opinion publique.
Commentaires du mis en cause
Dans sa réponse
à ces griefs, l’éditeur adjoint et rédacteur en chef du Soleil, monsieur Alain
Guilbert, précisait pour sa part que, chaque fois qu’il avait écrit sur le
député de Gaspé, le journaliste avait «fait toutes les démarches normales pour
obtenir la version du groupe Marin», soit en communiquant avec le bureau de
comté du député, soit avec son bureau d’Ottawa «où on semble avoir comme
politique de ne jamais retourner les appels de monsieur Dionne». Monsieur
Guilbert niait donc qu’il y ait eu négligence de la part du journaliste à cet
égard.
Quant au
reproche concernant la responsabilité du journaliste, tant vis-à-vis des titres
que de la mise en pages de ses textes, monsieur Guilbert rappelait qu’une telle
décision n’était pas du ressort de ce dernier, mais plutôt du pupitre du
journal. Tout en s’excusant de certaines de ces erreurs ou confusions sur
l’identité des personnes soit dans les titres ou dans les vignettes de
certaines photos ou même encore dans la réponse du journaliste – publiée dans
La Voix gaspésienne – à une lettre du plaignant dans laquelle il confondait ce
dernier avec son fils, l’éditeur adjoint et rédacteur en chef du journal
réfutait également les prétentions du plaignant sur les inexactitudes de
l’information rapportée et niait que le journaliste ait lancé de son propre
chef quelque accusation que ce soit contre le député. Il considérait d’autre
part comme pratique journalistique reconnue les commentaires qu’avait pu faire
le journaliste sur le député lesquels seyaient à des textes-bilans que fait de
temps à autre un journal sur un candidat.
Monsieur
Guilbert rejetait également l’accusation à l’effet que le journaliste ait pu se
retrancher derrière des sources anonymes fictives affirmant à cet égard que le
journaliste était prêt à «faire de ses sources en privé, si le Conseil le juge
à propos».
En conclusion
donc, monsieur Guilbert considérait que cette plainte n’était «absolument pas fondée»,
et il se demandait si elle n’avait pas davantage comme but d’intimider et de
discréditer le journaliste et Le Soleil à la veille du début des procès
rattachés aux dépenses électorales du député Marin.
Réplique du plaignant
En réplique à
ces propos, le plaignant rejetait la défense du Soleil qu’il trouvait par
ailleurs «réellement faible».
Analyse
Le choix et le traitement des informations relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lesquels doivent cependant se conformer à l’obligation que leur impose leur rôle d’informateurs publics de livrer une information équilibrée, conforme aux faits et aux événements et respectueuse des personnes.
Dans le présent cas, le Conseil estime que le traitement accordé par Le Soleil et son journaliste au député Marin reflète un parti-pris contre ce dernier, comme l’illustrent le recours systématique à des sources anonymes pour rapporter des commentaires toujours défavorables ou négatifs à son endroit ainsi que les erreurs entachant titres et vignettes de certains articles, qui dénotent un manque de rigueur.
Enfin, le Conseil ne se prononce pas sur la réponse du journaliste à une lettre du plaignant publiée dans La Voix gaspésienne, une poursuite étant engagée devant les tribunaux à ce sujet pour atteinte à la réputation. Conformément à sa procédure, le Conseil n’entend interférer d’aucune façon dans ce processus.
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C05A Réplique abusive
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13A Partialité
Date de l’appel
22 January 1987
Appelant
M. Alain
Guilbert (éditeur adjoint et rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Décision en appel
Le rédacteur en
chef du Soleil, M. Alain Guilbert, en appelle de la décision du Comité des cas.
Conformément à la recommandation de la Commission d’appel, les membres du
Conseil ont jugé devoir réviser ainsi la décision rendue en première instance:
Le choix et le
traitement des informations relèvent du jugement rédactionnel des médias et des
journalistes, lesquels doivent cependant se conformer à l’obligation que leur
impose leur rôle d’informateurs publics de livrer une information équilibrée,
conforme aux faits et aux événements et respectueuse des personnes.
Dans le cas
présent, le Conseil reconnaît le caractère d’intérêt public des informations
diffusées par le journaliste. Il apparaît par ailleurs au Conseil que le
recours à de nombreuses sources anonymes pourrait se justifier dans la mesure
où il s’agissait bien là du seul moyen d’obtenir des informations.
Cela dit, tout
en étant conscient du fait que les articles à l’origine de cette plainte
constituaient souvent des textes d’analyses plutôt que de simples reportages,
le Conseil constate qu’information et opinion n’y étaient pas toujours distinguées
assez clairement.
Quant aux
erreurs techniques entachant certains titres et vignettes, le Conseil les
déplore en prenant acte du fait que le journal les a déjà reconnues. Le Conseil
est conscient du fait qu’il ne s’agit pas là de fonctions relevant du
journaliste et il invite les responsables du pupitre à une plus grande
vigilance en la matière.
Enfin, le
Conseil ne se prononce pas sur la réponse du journaliste à une lettre du
plaignant publiée dans La Voix gaspésienne, une poursuite étant engagée devant
les tribunaux à ce sujet pour atteinte à la réputation. Conformément à sa
procédure, le Conseil n’entend interférer d’aucune façon dans ce processus.
Analyse de la décision en appel
- C02A Choix et importance de la couverture
- C03B Sources d’information
- C05A Réplique abusive
- C11F Titre/présentation de l’information
- C20A Identification/confusion des genres