Plaignant
M. Alex
Levasseur (journaliste, Société Radio-Canada [Sept-Iles])
Mis en cause
Presse Côte-Nord
[Sept-Iles]
Représentant du mis en cause
M. Jean-Marc
Gagnon (directeur, Presse Côte-Nord [Sept-Iles])
Résumé de la plainte
Le 14 mars 1986,
dans la chronique «Les confidences», Presse Côte-Nord publie un texte qui
attaque la Société Radio-Canada à Sept-Iles, désignée sous l’épithète
«Radio-Tralala». Le texte décrit cette station comme une grosse société d’Etat
despendieuse, alors qu’il s’agit de la station du réseau ayant le moins de
moyens. Il affirme mensongèrement que ses journalistes puisent leurs
informations dans Presse Côte-Nord et fait preuve de discrimination en faisant
référence aux origines étrangères de la journaliste Anne Panasuk.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Alex Levasseur, journaliste à
Radio-Canada, qui reprochait au mensuel Presse Côte-Nord de Sept-Iles d’avoir
publié, le 14 mars 1986, dans la chronique «Les confidences», un texte
attaquant la Société Radio-Canada à Sept-Iles et l’une de ses journalistes,
madame Anne Panasuk.
Le plaignant
invoquait que ce n’était pas la première fois que Presse Côte-Nord attaquait les
journalistes de Radio-Canada, «mais il semble que cette fois, c’en est trop, et
qu’il faille réparation».
Comment en effet
le journal pouvait-il parler de grosse société d’Etat dispendieuse à Sept-Iles,
«alors que l’on sait pertinemment que c’est la dernière, la plus petite et
celle qui a le moins de moyens» des stations de Radio-Canada?
Par ailleurs,
contrairement à l’affirmation qui en est faite dans cet article, le plaignant
niait que les journalistes de Radio-Canada scrutent ce journal à la loupe «afin
d’y puiser des sources d’inspiration nécessaires à tout reportage et ce, afin
d’y justifier leur emploi». Selon monsieur Levasseur, Radio-Canada n’avait
jamais diffusé un texte «qui puisse concerner ce journal, ou qui y ait été
puisé». Et, de poursuivre le plaignant, «s’il fallait scruter à la loupe ce
journal (et c’est bien ce qu’il faudrait faire) pour trouver des sujets de
reportages, nos bulletins seraient bien minces (…) ».
Reprochant
également à Presse Côte-Nord d’avoir utilisé le terme «Radio-Tralala» pour
désigner Radio-Canada, monsieur Levasseur dénonçait enfin «le racisme,
l’ostracisme et la discrimination» sous-tendant la dernière phrase de la
chronique qui se lisait ainsi: «Parce qu’en ce temps de coupures, Radio-Tralala
a le couteau fort aiguisé et il se pourrait que faute de travail, certaines se
voient contraintes de quitter le magnifique port de Sept-Iles pour s’en
retourner à celui de Vladivostock!». Selon le plaignant en effet, la
journaliste visée était Anne Panasuk, dont le nom rime avec Vladivostock, et
qui est d’origine russe.
Commentaires du mis en cause
Le directeur de
Presse Côte-Nord, monsieur Jean-Marc Gagnon, signalait pour sa part que
l’expression la «grosse société» était coutumière dans sa région où
Radio-Canada possédait «de loin le plus gros budget», soit 2 millions $
annuellement. Avec un centième de ce budget, assurait monsieur Gagnon, son
journal «traiterait beaucoup plus de nouvelles en profondeur plutôt que les
mini-nouvelles servies par Radio-Canada alors qu’actuellement nous publions
évidemment occasionnellement des communiqués de presse y compris ceux de
Radio-Canada en plus de son télé-horaire et ce gratuitement!»
Quant à
l’épithète «Radio-Tralala», monsieur Gagnon le jugeait «non péjoratif». Il
soutenait par ailleurs que ce qualificatif valait «tout de même mieux que celui
utilisé par Anne Panasuk lorsqu’elle interroge un interlocuteur en citant le
« journal minable »».
Enfin,
concernant le rapprochement entre Panasuk et Vladivostock, monsieur Gagnon
disait que s’il fallait s’en référer au plaignant, «nous ne pourrions plus
utiliser chez-nous de noms étrangers et encore moins des noms francophones sans
déroger aux Droits et libertés (…)». Et monsieur Gagnon d’illustrer son
propos en précisant que si la journaliste en question s’était nommée
Landreville, c’est de Schefferville dont il aurait été question. Cela dit,
monsieur Gagnon considérait qu’en réalité, il devrait opposer une fin de
non-recevoir à cette plainte, étant donné que c’est Anne Panasuk qui est en
cause et non le plaignant ou Radio-Canada.
Analyse
Le chroniqueur jouit d’une grande latitude dans la formulation de ses jugements et prises de position. Le genre journalistique particulier que constitue la chronique, qui tient à la fois autant de l’éditorial et du commentaire que du reportage d’information, permet en effet d’adopter un ton polémique et de faire appel à l’humour et à la satire.
Dans le présent cas, le chroniqueur n’a pas, de l’avis du Conseil, outrepassé cette latitude. Par ailleurs, le Conseil ne voit pas non plus de connotations discriminatoires ou racistes dans le rapprochement que fait le chroniqueur entre le nom d’une journaliste et ses présumées origines, encore que l’allusion ait pu être indélicate pour la personne concernée.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C18D Discrimination